Etape 17: Fay-sur-Lignon à Bigorre

Dans le patrimoine du monde rural

 

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

 

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-fay-sur-lignon-a-bigorre-par-la-via-gebennensis-adresca-33138197

Tous les pèlerins ne sont pas forcément à l’aise avec la lecture des GPS ou la navigation sur un portable, d’autant plus qu’il existe encore de nombreuses zones sans connexion Internet. C’est pourquoi, pour faciliter votre voyage, un livre dédié à la Via Gebennensis par la Haute-Loire est disponible sur Amazon. Bien plus qu’un simple guide pratique, cet ouvrage vous accompagne pas à pas, kilomètre après kilomètre, en vous offrant toutes les clés pour une planification sereine et sans mauvaises surprises. Mais au-delà des conseils utiles, il vous plonge dans l’atmosphère enchanteresse du Chemin, capturant la beauté des paysages, la majesté des arbres et l’essence même de cette aventure spirituelle. Seules les images manquent : tout le reste est là pour vous transporter.

En complément, nous avons également publié un second livre qui, avec un peu moins de détails mais toutes les informations essentielles, décrit deux itinéraires possibles pour rejoindre Le Puy-en-Velay depuis Genève. Vous pourrez ainsi choisir entre la Via Gebennensis, qui traverse la Haute-Loire, ou la variante de Gillonnay (Via Adresca), qui se sépare de la Via Gebennensis à La Côte-Saint-André pour emprunter un itinéraire à travers l’Ardèche. À vous de choisir votre parcours.  

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

Le parcours se rapproche à grands pas du Puy-en-Velay. Aujourd’hui encore, le parcours va jusqu’au bout du grand plateau et ses petites collines, avant de plonger demain sur Puy-en-Velay.

Ici, les organisateurs du Chemin de Compostelle de la Via Adresca escamotent le passage à Bigorre, qui est un peu à l’écart du parcours. Vers Bigorre, il y a d’abord le très beau village de St Front. Ce dernier comme Bigorre est un vrai bijou, avec et ses ruelles tortueuses, ses maisons de pierre volcanique enchâssées autour de l’église, donnant à l’ensemble un aspect moyenâgeux.  Bigorre est encore plus beau, même si ce n’est pas un vrai village. C’est un village de chaumières classé, un ensemble d’une vingtaine de maisons de pierre volcanique, aux toits en pente recouverts de chaume ou, lorsqu’ils sont refaits, de lauzes. La structure des maisons et des toits est faite pour résister aux attaques des rudes hivers de la région. Ici, vous rencontrerez de grands amoureux du patrimoine qui retapent leurs petits chefs-d’œuvre aux périodes de loisir.

Difficulté du parcours : Les dénivelés (+346 mètres/-389 mètres) sont aujourd’hui très raisonnables. C’est une étape sans difficulté, et les pentes sont assez douces. Et quand elles augmentent, c’est surtout en descente.

État de la Via Adresca : Dans cette étape, les passages sur chemins sont nettement supérieurs aux trajets sur route :  

  • Goudron : 4.7 km
  • Chemins : 11.0 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les vrais dénivelés, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Section 1: Le long du tranquille Lignon

Aperçu général des difficultés du parcours: parcours avec quelques pentes, mais rien de redoutable.

Dans cette région, il est fascinant de constater que la Via Adresca est bien plus clairement indiquée que la plupart des autres itinéraires de grande randonnée, comme le GR7, le GR420 ou le GR430, qui serpentent autour du Massif du Mézenc et du Gerbier de Jonc. Bien que ces parcours soient censés offrir une immersion dans la nature volcanique du coin, il semble que peu de promeneurs choisissent de les emprunter. Les randonneurs préfèrent, en effet, se rendre en voiture jusqu’aux points de vue les plus proches des volcans, se contentant ensuite de quelques pas à pied, avant de regagner leur véhicule. La Via Adresca, en revanche, quitte le village par un itinéraire bucolique intitulé “Entre Pins et Fayards“, qui descend sous le village, empruntant le Chemin du Lignon, une petite route goudronnée, discrète et tranquille. 
La route longe un camping où, même en été, l’afflux de vacanciers semble timide, presque réservé. Elle s’étend, lente et paisible, jusqu’à la plaine où s’écoule la rivière.
Le Lignon, rivière modeste, mais non moins significative, prend sa source non loin d’ici, au pied du Mont Mézenc. En cette contrée, il n’est encore qu’un ruisseau audacieux, serpentant au gré du terrain, mais il s’amplifie en traversant les terres du Velay pour se mêler finalement à la Loire. À Tence, si l’on suit la Via Gebennensis, le Lignon devient un compagnon familier, mais ici, il semble tout juste se découvrir, épanouissant sa force à son propre rythme.
La route s’élève en suivant le tracé de la rivière, jusqu’à un pont, là où la départementale D500 traverse le Lignon, s’échappant de Fay-sur-Lignon. C’est à cet endroit précis que les chemins se séparent. Le GR7/420, audacieux, part explorer les volcans de Haute-Loire, tandis que la Via Adresca, plus discrète, s’élance en direction du Puy-en-Velay, laissant derrière elle les souvenirs du pays des volcans pour un autre horizon.
Au carrefour, la Via Adresca prend la petite départementale D26, et en franchissant un coin perdu, se faufile devant un cimetière à voitures. Ce cimetière, que le temps semble avoir oublié, où les carcasses des véhicules rouillent dans une lente agonie, rappelle cette France profonde, égarée dans ses herbes folles et ses silences. Le parcours suit ensuite la route, jusqu’à un embranchement, où une petite route monte en douceur vers Mont Haut. C’est également la direction de certains GR, mais la Via Adresca, fidèle à son propre chemin, l’emprunte avec la tranquillité d’un vieux chemin que l’on a oublié de baliser.
La route serpente alors devant les rares et magnifiques maisons de pierre basaltique de Mont Haut. Ces maisons, vieilles sentinelles d’un autre temps, se parent de l’uniformité de la roche volcanique rugueuse et solide, qui dresse ses murs comme des témoignages d’une époque révolue. Ici, les bâtisseurs ont abandonné le granite pour explorer la palette infinie des roches volcaniques : du blanc lumineux au noir profond, en passant par des teintes rougeâtres aux accents presque feuillus. Loin de l’idée reçue, les roches volcaniques ne se résument pas au seul basalte noir ; elles sont, en vérité, des minéraux vibrants, aux couleurs et textures infinies.
La route se termine dans une impasse, là où le paysage se fait sauvage, les hameaux se perdent dans les collines, et le chemin s’évanouit dans les sous-bois. C’est ici, dans cette contrée paisible et légèrement oubliée, que le Lignon serpente doucement dans un vallon paisible, au fond duquel coule la rivière, toute en lenteur et en douceur. Cette campagne, discrète mais pleine de vie, s’étend autour de vous, sereine, comme un secret bien gardé de la région.
Prochain arrêt : Mont Dernier. Le chemin arrive dans ce petit hameau tranquille, où un tronçon d’asphalte traverse la bourgade avant de disparaître, se fondant à nouveau dans l’herbe. C’est ici que tous les chemins se rejoignent, se croisent, mais parfois aussi se séparent, comme dans cette étape. Un conseil précieux, comme tout au long du parcours ardéchois : suivez les coquilles de la Via Adresca, car elles sont les seules à vous guider avec certitude.
Le chemin, souvent pavé de granites lustrés, entre alors dans le Bois de la Bâtie. La montée est longue et régulière, glissant entre prés et haies de sous-bois, jusqu’à ce que la forêt s’épaississe. Si le basalte est le matériau emblématique des maisons locales, sous le sol, c’est un autre monde : granite et gneiss se côtoient dans les entrailles de la terre, comme les reliques d’un temps immémorial. Ces pierres, à la fois granites et roches volcaniques, sont le produit des mêmes forces géologiques, façonnées différemment selon les pressions des couches profondes lors de leur formation.
L’itinéraire, baptisé ici “Entre Fayards et Pins“, remonte à une époque bien plus ancienne, une ancienne voie romaine, dont le passage a laissé de légères traces dans la terre. Bien que des pins parsèment le paysage, ce sont surtout les épicéas qui dominent. Les fayards, ces modestes hêtres, ne sont pas seuls ici. Des frênes, grands et forts, ajoutent leur présence discrète au tableau, tandis que quelques châtaigniers tentent de survivre, loin de leur Ardèche natale. La diversité végétale et la beauté des arbres semblent nous rappeler que la nature, dans sa simplicité, reste toujours la plus belle des créations.

Section 2: Entre forêt, pâturages et lac

Aperçu général des difficultés du parcours: parcours sans problème, avec parfois quelques pentes plus soutenues.

Quand le sous-bois s’ouvre enfin, une belle perspective s’offre aux yeux. Les collines s’étendent, douces et apaisantes, comme un murmure tranquille. Les vaches, lourdes et paisibles, se laissent aller à de lentes ébrouées dans des prairies encore fraîches des dernières pluies. Et puis, là-bas, comme une silhouette majestueuse, le Mont Mézenc se détache à l’horizon, implacable et noble, surplombant la scène, tel un grand seigneur bienveillant mais lointain.
Un peu plus loin, le chemin quitte le Bois de la Bâtie pour s’ouvrir sur un paysage à la beauté simple, un de ces panoramas que l’on pourrait croire tout droit sorti d’une carte postale. Mais ce serait oublier la douceur de la nature qui se déploie ici : les cieux cléments, les prairies habillées de couleurs tendres, et la végétation, presque câline, s’étendant à perte de vue. Le chemin serpente alors le long de la forêt, se glissant entre des épicéas fiers et des genêts éclatants, tout en parfums et en lumière.
Peu après, le chemin reprend son balancement entre sous-bois denses et clairières ouvertes, ces larges espaces de liberté où la lumière danse avec l’ombre. 
Soudain, il s’ouvre sur une vaste clairière, grande et silencieuse, semblant avoir été taillée dans le paysage pour offrir une respiration, un moment de pause.

Une bifurcation marque la fin du tracé nommé “Entre Pins et Fayards“. Là, deux options se présentent : l’une contourne le lac, l’autre le traverse. Si vous hésitez, suivez plutôt la Via Adresca, qui, fidèle à son esprit, va aussi vers le lac, comme l’indiquent les flèches claires de direction. L’autre chemin, plus direct, préfère éviter la tranquillité des eaux.

Le chemin se remet en route, cette fois entre les vastes prés, changeant de direction comme pour revenir sur ses pas, en direction du Bois de la Bâtie. L’instant d’après, vous apercevez le lac, discret, caché sous les rondeurs douces des collines.
Puis, le chemin remonte lentement, glissant entre les genêts et les murets de granite, en direction de la forêt qui se fait plus dense, plus sauvage. C’est ici que vaches et chèvres, ces compagnons silencieux, semblent aussi apprécier la solitude des lieux.
À l’orée du bois, les chemins se multiplient. Bien plus nombreux que les randonneurs qui les parcourent, ils s’entrelacent, se croisent, mais votre chemin, lui, reste celui qui mène droit vers le Mont Mézenc, distant de 3,8 kilomètres de St Front. Un conseil avisé : ne vous perdez pas, car dans cette région, le réseau de sentiers peut dérouter même les plus attentifs.
Le chemin descend ensuite vers le lac. C’est ici, dans ce creux presque secret du paysage, que se trouve le lac de St Front. En réalité, ce lac, suspendu comme un joyau au cœur de la nature, appartient à un particulier. Il n’est pas sans rappeler les vastes lacs des Laurentides, au Québec, où l’on pouvait louer des étendues d’eau pour une bouchée de pain, un dollar pour toute une année. Ici, sans doute, le prix est un peu plus élevé, mais le lieu n’en reste pas moins un havre de paix réservé aux privilégiés.
En arrivant au bord du lac, vous découvrez un cratère volcanique ancien, désormais tapissé d’eau calme et secrète. Une colonie de vacances y est présente, mais il est étonnant de voir à quel point l’endroit reste préservé de l’afflux touristique. Le lac, tranquille et charmant, semble être une parenthèse suspendue dans le temps. La pêche s’y pratique sans doute, mais sous l’œil vigilant du propriétaire. Il faut dire que cette région de Haute-Loire, loin du tumulte du tourisme de masse, appartient plutôt aux passionnés de volcans, que l’on croise sur les chemins des volcans d’Ardèche et de Haute-Loire. Et ces amateurs sont nombreux, mais discrets, dans leur admiration pour ce territoire encore préservé.
Une petite route grimpe du lac pendant près d’un kilomètre, serpentant vers la forêt de Chaudeyrac. Plus haut, un chemin, le PR61, monte doucement et retourne sur les hauteurs du lac, offrant un nouveau regard sur l’étendue d’eau cachée sous les collines.
Le chemin, large et accueillant, longe longuement la forêt de pins et d’épicéas, une véritable mer verte qui, d’un côté, domine le lac. La lumière, filtrée par les cimes des arbres, crée des jeux d’ombres et de lumières où le regard se perd. Le paysage, teinté de poésie, semble offrir un instant suspendu, hors du temps.

Section 3: En passant par le beau village de St Front

Aperçu général des difficultés du parcours: parcours sans difficulté.

Puis, le lac s’efface doucement, absorbé par le relief ondoyant et les frondaisons des arbres. Devant vous, le mont Mézenc s’impose de plus en plus nettement. Sa silhouette massive, auréolée de brumes, donne l’impression de s’approcher à chaque pas, comme s’il vous observait. Autour de lui, d’autres volcans plus modestes de la Haute-Loire surgissent, éparpillés comme des sentinelles endormies, veillant sur ces paysages empreints d’une tranquillité minérale. Le chemin, quant à lui, danse entre les variations du sol : ici, la terre battue, d’une ocre presque brûlante sous le soleil, là, des prairies ouvertes bordées d’une haute haie d’épicéas qui semblent vouloir masquer l’horizon. Leur verdure dense et sombre contraste avec la lumière vive qui inonde les prés.
Sous vos pas, le chemin devient un compagnon docile, avançant sans encombre dans ces belles étendues où l’air semble plus léger. Au loin, St Front commence à se dessiner, d’abord flou, à peine perceptible, puis de plus en plus distinct. Le village se dévoile comme une aquarelle posée au bout du plateau, ses formes grises se détachant doucement sur le vert éclatant des prairies.
Mais à l’approche, le ton change. Le chemin, jusque-là aimable, se mue en une descente caillouteuse, raide et irrégulière, exigeant prudence et concentration. Au détour d’un dernier virage, le village apparaît dans toute sa sobriété. St Front, uniforme dans son gris volcanique, semble sculpté directement dans la roche, un caméléon minéral parfaitement intégré à son environnement.
En contrebas, la route franchit le ruisseau de la Gazelle, un mince filet d’eau qui glisse discrètement parmi les pierres éparses. Son cours, modeste et sinueux, semble presque hésitant, comme si lui aussi se sentait écrasé par la présence imposante du mont Mézenc et des collines qui l’entourent. Ici, tout respire la retenue, le murmure de la nature.
À l’entrée du village se dresse un grand gîte d’accueil, une bâtisse aux proportions généreuses, où, en été, l’ambiance contraste avec le calme environnant. Les rires et les cris joyeux des colonies de vacances animent les lieux, apportant un souffle de vie à ce coin reculé. Les ruelles étroites, pavées et sinueuses, mènent doucement vers le cœur du village, niché sur une petite colline, comme protégé par sa position légèrement élevée.
St Front s’offre alors dans toute son authenticité. Ce village d’environ 400 habitants est une enclave de charme où il fait bon flâner. Les ruelles, bordées de maisons aux murs épais de pierres volcaniques, évoquent un passé solide et immuable. Le basalte noir, dominant dans l’architecture, donne aux lieux une teinte grave, que tempèrent les fleurs éparpillées sur les balcons et les petites places. Une statue de la Vierge, posée face à l’église, semble veiller avec une sérénité bienveillante sur ce lieu préservé.
L’église romane du XIIe siècle s’impose comme le joyau du village. Construite en pierres volcaniques, elle dégage une force tranquille, un équilibre parfait entre la rusticité de son matériau et la finesse de son architecture. Si une annexe en pierre a été ajoutée ultérieurement, elle s’intègre avec une discrétion respectueuse, ne brisant en rien l’harmonie du site. Son clocher en peigne, typique de la région, élève ses ouvertures élégantes vers le ciel, tandis qu’un balcon en pierre, solide mais raffiné, souligne l’ensemble. À l’intérieur, l’église respire la sobriété et la ferveur contenue. Ses murs, presque nus, invitent au recueillement, à une spiritualité dénuée de tout artifice.
Non loin de l’église, une croix du XVIe siècle attire le regard. D’une seule pierre, elle s’élance vers le ciel avec une grâce austère, défiant le passage du temps. Sa hauteur, impressionnante, lui confère une allure de monument, une présence qui semble résumer à elle seule l’histoire de ce village : la solidité, l’élan, et cette foi ancrée dans la pierre.
Cependant, les plus vaillants pourraient envisager de poursuivre jusqu’à Bigorre, un hameau situé à seulement cinq kilomètres. Cette option, à condition d’avoir encore un peu d’énergie, allège l’étape suivante, une décision que la plupart des marcheurs avisés apprécient. Ce jour-là, à St Front, les colonies de vacances étaient en excursion, et la route s’ouvre sans encombre vers un carrefour sur le plateau.
La Via Adresca emprunte d’abord la départementale D39, qui relie St Front au Puy-en-Velay. C’est ici que s’amorce un nouveau rythme. Désormais, vous quittez les chemins balisés du GR pour suivre les PR, ces « petites randonnées » indiquées par des marques jaunes. Les coquilles de Compostelle, symboles discrets et universels des pèlerins, deviennent vos guides.
Rapidement, le bitume cède la place à une route de terre carrossable qui s’étend à perte de vue, droite et monotone, comme une veine tracée sur le vaste plateau. Bordée par la forêt d’épicéas, elle s’accompagne toujours, à l’horizon, de la ligne majestueuse des volcans de Haute-Loire, vos compagnons de route depuis la veille. Ces silhouettes, imposantes et immuables, rappellent leur présence constante, bien que les petits volcans du Velay restent hors de portée de ce chemin : pour les explorer, il faut emprunter la Via Gebennensis.
Plus loin, la terre battue se transforme en une route goudronnée qui longe encore la forêt. Les pieds, habitués aux reliefs irréguliers, se surprennent à cette régularité, tandis que l’esprit, bercé par l’odeur des conifères, se perd dans la contemplation des arbres qui bordent la route.
Bientôt, le parcours délaisse à nouveau l’asphalte pour s’enfoncer dans les profondeurs ombreuses de la forêt d’épicéas. Ce jour-là, les cris joyeux des enfants jouant à des aventures médiévales résonnaient entre les troncs. Leurs rires semblaient animer les lieux, ajoutant une vie inattendue à cet écrin de nature.
Mais la forêt ne garde jamais longtemps ses visiteurs. Le chemin en émerge soudain, et le paysage s’ouvre comme un souffle libérateur. Devant vous, le plateau s’étend, une mer d’herbes dans laquelle dansent les éoliennes, blanches et immenses, ponctuant l’horizon de leur rotation majestueuse. Plus loin encore, le mont Alambre se dresse, voisin discret mais imposant du mont Mézenc. L’air y est si pur, si chargé de lumière, qu’il semble vibrer. C’est une grandeur qui inspire autant qu’elle intimide.
Dans ce décor presque irréel, le chemin serpente à travers une nature calme et apaisante. L’herbe douce caresse vos pas, et de petits murets de granit, vieux gardiens de ces terres, bordent votre avancée. Sous l’ombre bienveillante des frênes, la terre battue reprend son règne. Et soudain, dans ce paysage d’exception, Machabert apparaît à l’horizon, un village minuscule posé comme un joyau discret sur la colline.

Section 4: Montagnes russes vers Bigorre

Aperçu général des difficultés du parcours: parcours sans difficulté.

Le chemin de terre battue, fidèle compagnon des marcheurs, rejoint la D36 à l’entrée du village de Machabert.  
Ici, une croix de granite s’élève fièrement, témoin immuable d’une foi ancienne et d’un art lapidaire qui traverse les âges. Mais le chemin ne s’attarde pas : il contourne le village, discret, et invite à poursuivre l’aventure sans s’enliser dans ses ruelles silencieuses.
Un large chemin reprend, sculpté dans la terre ocre du plateau, où la nature offre un tableau d’une richesse subtile. Les pins trapus et robustes côtoient les épicéas, dont les branches se balancent avec la légèreté des queues d’épagneul. Plus haut, les érables déploient leurs cimes, et les frênes, élancés comme des sentinelles, semblent résister aux assauts du temps. Loin des terres infectées par le champignon destructeur, ces arbres paraissent détenir un secret, un remède intime que la forêt protège jalousement.
Le chemin s’engouffre alors dans le Bois de la Fayolle, une forêt aérée, presque théâtrale dans sa beauté, où chaque tronc et chaque clairière semblent composés pour captiver l’œil. Le granite affleure par endroits, ses blocs rugueux et érodés contrastant avec la douceur des sous-bois.
La descente commence, et derrière les conifères, un horizon grandiose s’ouvre. Le chemin, jonché de petits graviers noirs, déroule son ruban vers des terres lointaines. Là-bas, au-delà des puys du Velay, les ondulations du Massif Central se dessinent : le Dévès, la Margeride, et plus loin encore, l’Aubrac. Ces noms résonnent comme des promesses de vastes espaces, d’itinéraires anciens, comme celui de la Via Podiensis qui court depuis le Puy-en-Velay. Ici, le miel doit être pur, un nectar extrait d’une flore épargnée par les poisons modernes.
Le chemin, devenant plus large, presque une route carrossable, amorce une descente vers le village de Bournac. La pente, douce et mesurée, traverse un tapis de pommes de pin, crissant sous les pas. Autour, un vallon s’étend sous les collines, calme et apaisé, offrant un paysage d’une beauté simple et honnête.

C’est à Bournac que se présente une bifurcation pour Bigorre. Si vous optez pour cet itinéraire, le détour est modeste, à peine un kilomètre. Il faut résister à l’appel des ruelles de Bournac, quitter le village, et emprunter une route qui descend doucement dans le vallon avant de remonter vers Bigorre. Ce court parcours est une transition, un passage vers un lieu presque hors du temps.

Bigorre se dévoile enfin, un hameau où le patrimoine s’incarne dans ses maisons de basalte aux toits de chaume, magnifiquement conservées ou en cours de rénovation. La paille de seigle, matériau traditionnel, coiffe encore de nombreuses bâtisses, bien que certains aient cédé à l’appel des lauzes, qui, dans leur austère élégance, offrent une alternative durable. Ce lieu, véritable musée à ciel ouvert, abrite également un musée du patrimoine, comme pour mieux ancrer cette mémoire collective dans le présent.
Mais Bigorre, c’est aussi L’Herminette, cette promesse d’un accueil sincère et d’un bonheur simple. Ce lieu incarne l’esprit de la région : un havre où chaque pierre, chaque détail, murmure des histoires d’hommes et de femmes qui ont modelé ces terres. Un passage ici n’est pas qu’un arrêt ; c’est une immersion dans une vie tissée de traditions et de labeur.