Du département de l’Ardèche à celui de la Haute-Loire
DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.
Pour ce parcours, voici le lien:
https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-st-agreve-a-fay-sur-lignon-par-la-via-gebennensis-adresca-33100158
Tous les pèlerins ne sont pas forcément à l’aise avec la lecture des GPS ou la navigation sur un portable, d’autant plus qu’il existe encore de nombreuses zones sans connexion Internet. C’est pourquoi, pour faciliter votre voyage, un livre dédié à la Via Gebennensis par la Haute-Loire est disponible sur Amazon. Bien plus qu’un simple guide pratique, cet ouvrage vous accompagne pas à pas, kilomètre après kilomètre, en vous offrant toutes les clés pour une planification sereine et sans mauvaises surprises. Mais au-delà des conseils utiles, il vous plonge dans l’atmosphère enchanteresse du Chemin, capturant la beauté des paysages, la majesté des arbres et l’essence même de cette aventure spirituelle. Seules les images manquent : tout le reste est là pour vous transporter.
En complément, nous avons également publié un second livre qui, avec un peu moins de détails mais toutes les informations essentielles, décrit deux itinéraires possibles pour rejoindre Le Puy-en-Velay depuis Genève. Vous pourrez ainsi choisir entre la Via Gebennensis, qui traverse la Haute-Loire, ou la variante de Gillonnay (Via Adresca), qui se sépare de la Via Gebennensis à La Côte-Saint-André pour emprunter un itinéraire à travers l’Ardèche. À vous de choisir votre parcours.
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Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.
Le plateau de St Agrève, à 1000 m d’altitude, alterne les forêts et les prairies, entre vastes paysages et espaces plus restreints. C’est l’image d’une campagne d’altitude, on dirait de pâturages tranquilles. Les sommets et les pentes sont plutôt couverts de prairies, les creux de bosquets, où dominent les conifères, dont les épicéas et les sapins Douglas. Par endroits, les paysages sont vraiment extraordinaires, quand la forêt épouse les pâturages. On avance sur une sorte de belvédère, où le rebord du plateau plonge sur la vallée en dessous et où se détache constamment l’étrange silhouette emblématique du Mont Mézenc, que l’on longe au loin, comme un synonyme d’ouverture, de profondeur, voire de mystère. Les volcans ont toujours fasciné les gens.
Aujourd’hui, on va passer de l’Ardèche à la Haute Loire, sans transition. C’est le même pays, le même paysage. Dans la beauté tout est relatif, mais on peut dire que cette étape traverse sans doute les plus beaux paysages d’Ardèche du nord, car tout y est: les prairies, les forêts et la quiétude des lieux. La région est sillonnée de GR. Ici passent le GR7, le GR420 et le GR430. Jusqu’à Fay-sur-Lignon, la Via Adresca épouse tous ces GR. Vous pouvez donc vous fier autant aux bandes rouge et blanc du GR qu’à la coquille de Compostelle. Il n’y a que deux tronçons où une petite divergence entre les chemins se marque. Ici encore, nous avons coupé la poire en deux. On peut bien sûr aller en une seule étape à St Front, sur 27 kilomètres.

Difficulté du parcours : Les dénivelés (+307 mètres/-205 mètres) sont peu marqués sur l’étape. Ce n’est qu’aux alentours de Fay-sur-Lignon que les pentes sont plus marquées pour descendre dans le trou que fait le Lignon et remonter sur le bourg au sommet de la colline.
État de la Via Adresca : Les parcours sur goudron et chemins sont assez équivalents :
- Goudron : 8.1 km
- Chemins : 9.2 km
Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.
Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.
Pour les vrais dénivelés, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Section 1 : Balade sur le plateau de St Agrève

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté.

Du cœur de St Agrève, le parcours prend son envol, serpentant à travers le bourg dans un dédale d’étroites rues pavées. Cette traversée, qui s’étend sur près d’un kilomètre, mène inexorablement vers la gare, témoin silencieux d’une époque révolue. |
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La gare, bien que toujours fonctionnelle, dégage un charme désuet. Elle ne ressemble en rien aux constructions modernes : ses pierres, ternies par les années, semblent raconter mille histoires. C’est ici que débute la voie touristique du Velay Express, un itinéraire pittoresque reliant les paysages préservés de cette région. À l’écart, une vieille locomotive, figée par le temps, repose près des entrepôts, marquée par l’usure des années. |
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À la gare, vous quittez les derniers vestiges du bourg. La Via Adresca s’y joint, suivant les traces des GR7, GR420 et GR430. La route vous entraîne doucement vers le Pont, un village qui semble avoir surgi tout droit d’un tableau pittoresque. |
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Le Pont, modeste, est marqué par la traversée de l’Eyrieux, ce ruisseau qui, ici, semble n’être qu’une modeste rivière. Pourtant, l’Eyrieux est l’une des artères les plus importantes de l’Ardèche, serpentant à travers une vallée profonde et secrète. C’est dans ce décor que passait jadis le train, aujourd’hui remplacé par la Dolce Via, un sentier prisé des randonneurs qui, comme vous, viennent chercher la beauté brute et tranquille de la nature. Vous avez effleuré la Vallée de l’Eyrieux près de St Julien-Labrousse et de Chalencon, ces deux villages qui gardent jalousement leurs secrets au cœur des montagnes. |
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La Via Adresca quitte le village du Pont et ses maisons pittoresques en pierres de moellon. Vous suivez la route qui longe le lavoir communal, ce bel ouvrage de pierres solidement scellées, témoin d’un passé où l’eau était au centre de la vie quotidienne. |
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Là, un sentier étroit grimpe lentement, serpentant le long d’un talus escarpé qui surplombe la rivière. Vous pénétrez dans le sous-bois, où la végétation dense vous enveloppe de son ombre bienfaisante. Peu à peu, le chemin s’élargit, vous offrant une vue privilégiée sur un monde sauvage, fait de conifères élancés, d’érables aux feuilles nervurées, de frênes aux troncs noueux, et de châtaigniers centenaires, silencieux mais majestueux. |
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À cet endroit, la Via Adresca hésite entre terre battue, sable et parfois même goudron, comme si elle s’adaptait aux humeurs changeantes de la nature. Le chant des oiseaux se mêle au doux bruissement des feuilles, tandis que les grands frênes semblent toujours plus imposants, étendant leurs bras verts pour dominer la scène. |
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Un large chemin de terre traverse un sous-bois fait de glaise saumâtre, où les traces des pas des randonneurs restent marquées pendant un long moment. Les signes des GR et de la Via Adresca zèbrent les troncs, guidant chaque marcheur comme une boussole vivante, évitant ainsi que quiconque ne se perde dans ce labyrinthe naturel. |
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À la sortie de la forêt, le chemin s’ouvre sur un panorama splendide. Vous vous retrouvez face à une ferme imposante, bâtie en pierres de granit, qui semble surgir de la terre elle-même. Cette région repose en effet sur un socle granitique, un matériau qui, au fil des siècles, a servi de fondation pour la construction locale, ancrant les hommes dans ce paysage à la fois rude et magnifique.

Un peu plus loin, le chemin s’incline doucement pour rejoindre l’un des nombreux affluents de l’Eyrieux, une rivière qui serpente discrètement entre les vallées. L’humidité se fait alors sentir, s’insinuant dans l’air et sur la terre. Le sol, gorgé d’eau, se transforme parfois en un mélange boueux de glaise, difficile à traverser, témoignant de la constante moiteur du lieu. |
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À l’entrée d’un sous-bois, soyez attentif aux panneaux de signalisation. C’est ici que la Via Adresca, le chemin de Compostelle marqué de ses coquilles emblématiques, se sépare des sentiers GR, qui traversent le paysage comme une ligne rouge et blanche. Ce geste, discret mais stratégique, témoigne du désir de chaque traceur de conserver l’authenticité de son itinéraire. Hélas, cela crée parfois plus de confusion pour le randonneur novice. C’est ici que la Via Adresca prend une direction propre, suivant la même voie que le chemin de Petite Randonnée (PR), marqué de jaune et blanc. Peu après, tous les chemins convergeront à nouveau, comme des ruisseaux qui se rejoignent pour former une rivière unique. Ce petit manège est une invitation à aiguiser votre mémoire, afin de ne pas vous perdre dans ce dédale de chemins. |
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Un chemin de terre, grisâtre et glissant, s’enfonce dans le sous-bois, serpentant parmi les fougères qui s’épanouissent dans la fraîcheur humide des lieux. Là, la lumière peine à percer à travers le toit feuillu des pins, créant une ambiance douce et tranquille. Le chemin débouche finalement sur les prairies, là où l’herbe s’étend à perte de vue. Les fougères, ces végétaux frénétiques, s’épanouissent sans contrainte dans cette région humide, s’étendant sur des hectares comme un tapis verdoyant. Le plateau, perché à plus de mille mètres d’altitude, voit une végétation plus rare. À cette hauteur, les châtaigniers, arbres majestueux mais capricieux, peinent à trouver leur place, survivant difficilement au-delà de 800 mètres. Mais alors, pourquoi les paysans gardent-ils précieusement ces carcasses de caravanes rouillées, ces souvenirs de vacances passées. à l’ombre des bois, dans un tel écrin de nature ? |
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Le chemin se traîne alors, lentement mais inexorablement, à travers une vaste plaine de prairies, comme une rivière tranquille glissant sur l’herbe tendre. Il passe tout près du lieudit Moze, où une grande ferme se cache sous le feuillage imposant d’un majestueux frêne. Cet arbre, à la stature imposante, semble veiller sur la demeure, comme un vieux sage. |
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Un peu plus loin, le chemin s’améliore et s’étend avec douceur, se faufilant entre les prés en lisière de forêt. Ici, les conifères se multiplient, leur présence se fait plus dense, plus imposante, dessinant des lignes verticales qui défient le ciel. Depuis plusieurs jours, vous avez traversé des forêts couvertes souvent de châtaigniers, ces arbres aux feuilles rugueuses et à l’écorce marquée. Ici, cependant, les frênes prennent le relais, leurs troncs majestueux s’élevant presque jusqu’au Puy, à la fois robustes et gracieux. La campagne, qui se déploie sous vos pas, est d’une beauté indéniable, une nature qui semble intemporelle. |
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Section 2 : Dans les forêts du plateau de St Agrève

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté.

Le chemin, d’abord immergé dans l’herbe tendre, finit par retrouver, un peu plus loin, une petite route goudronnée qui longe la lisière des bois, une frontière subtile entre le sauvage et le civilisé. |
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La route mène à un carrefour où, si l’envie vous prenait, vous pourriez vous diriger vers le Château de Flossac, mais l’âme du voyageur vous invite à ne pas suivre cette voie. Au loin, au-delà des rangées d’épicéas sombres, se dessine la ligne de crête des Cévennes et des Puys, dominée par l’imposant Mont Mézenc. C’est ici que la Via Adresca, à nouveau, fusionne avec les GR, créant une convergence des chemins, comme des ruisseaux qui se rejoignent dans une vallée. |
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Alors, un large chemin s’élance à travers les prés, ombragé par les frênes robustes, les pins majestueux et les érables, dans une nature qui semble se déployer dans toute sa splendeur. Le temps s’étire ici, lentement, porté par la douceur des lieux. |
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C’est une véritable promenade, une balade dans une nature intacte et généreuse, qui semble offrir son accueil sans effort ni contrainte. L’âme se laisse porter, sereine, par la beauté de ce monde, sans que le moindre effort ne vienne troubler la paix du chemin. Plus loin, le chemin se termine brusquement sur le goudron, retour à la civilisation. |
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La petite route, discrète mais déterminée, s’étend à travers les prairies verdoyantes en direction du hameau de Le Coin. Ici, les vaches Abondances, ces majestueuses créatures du Reblochon, paissent tranquillement en altitude, indifférentes au passage du temps. |
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Un peu plus loin, la route sage et tranquille rejoint un axe plus important, l’artère qui relie St Agrève au Puy-en-Velay. Mais rassurez-vous, il ne s’agit pas d’une voie très fréquentée. Cette partie de l’Ardèche, sauvage et préservée, semble échapper à l’agitation des grandes routes. |
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La Via Adresca, fidèle à son caractère, ne suit pas la D15. Elle s’engouffre sur une petite route entre sous-bois et prés, toujours escortée de pins, d’épicéas, de frênes et d’érables. Devant vous, les forêts s’étalent à perte de vue, parsemées de conifères, principalement des pins, leurs silhouettes élancées dessinant des lignes nettes contre le ciel. |
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Puis, la route entre discrètement dans la grande forêt de Maret, se fondant dans son épaisseur presque impénétrable, comme si elle devenait une partie intégrante de ce monde végétal. |
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Un petit chemin, fuyant la route, se faufile entre les arbres, pour s’enfoncer davantage dans la nature sauvage. Mais, bien vite, il se réunit à nouveau avec la route principale, comme si l’appel de la civilisation était trop fort pour résister. |
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La route poursuit sa route, se frayant un chemin dans la forêt dense avant d’atteindre une clairière, un havre de lumière au cœur de l’ombre des arbres. |
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À un carrefour discret, la Via Adresca prend la direction de Le Gueyt, un lieu-dit sans prétention mais empreint de calme. |
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Ici, la région se distingue par l’absence de villages ou de hameaux. Seule une maison, isolée, abrite des ânes qui cherchent la fraîcheur sous les frênes protecteurs, comme des ombres discrètes dans ce paysage paisible. |
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Un peu plus loin, après une ferme qui semble abandonnée, la route s’interrompt, et un chemin part à nouveau s’enfoncer dans les bois, dans un silence presque palpable. |
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De loin, la forêt peut sembler homogène, dominée par des épicéas et des pins serrés les uns contre les autres, mais, en réalité, elle est d’une richesse inattendue. Ici, la forêt est mixte, abritant de nombreux feuillus splendides qui viennent s’ajouter à la diversité de ce monde végétal. Le sol, quant à lui, vire entre des teintes grises et ocres, parsemé de pommes de pin qui roulent sous vos pas, ajoutant une touche de parfum et de texture à l’expérience. |
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Peu après, le chemin sort un instant de la forêt, se posant brièvement sur une petite route, avant de reprendre son souffle, comme un voyageur fatigué qui se réajuste pour la suite du périple. |
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À deux pas, la route arrive à un carrefour où trône une croix, un point de repère discret. Ici, vous pourriez choisir de rejoindre le village de St Romain, avec son observatoire astronomique, un phare de savoir au cœur de la nature.

La Via Adresca, fidèle à elle-même, rejoue une fois de plus avec les GR, s’en séparant sur un chemin à peine discernable. Les signes des GR s’effacent sur les arbres, tandis que seule la coquille, fidèle guide, vous invite à poursuivre tout droit, sans détour. Quelle idée saugrenue ont eu les traceurs de chemins, vous demandez-vous, en prenant ces décisions apparemment sans logique ?
Le chemin traverse alors une forêt d’épicéas et de pins de Douglas, ces géants alignés comme s’ils avaient été tracés à la règle, dessinant une colonne végétale infinie. |
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Il ressort enfin sur une terre ocre, dans une clairière baignée de lumière, où les frênes et les érables dansent lentement au rythme du vent. Ces arbres, friands d’air pur et d’espace ouvert, vivent pleinement leur existence dans ce havre de paix. Le chemin alors franchit et continue dans la clairière. |
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Disons simplement que sur ce haut plateau, le spectacle de la nature est juste grandiose, peut-être le plus beau de toute la Via Adresca, en tout cas le plus reposant. Pas un seul champ cultivé, pas de champs de maïs souvent misérables au regard, mais pas non plus de blés qui se balancent dans le vent. Que des prairies et des forêts.

Section 3 : Tout au bout de l’Ardèche

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté.

Un peu plus loin, le chemin rejoint la petite départementale D151, qui s’étire comme une longue langue de goudron serpentant à travers des prairies verdoyantes. Les herbes, hautes et denses, bordent la route de chaque côté, se balançant doucement sous la brise légère. À l’horizon, la ligne de crête des montagnes demeure implacable, dessinant une silhouette majestueuse contre le ciel. Le Gerbier de Jonc, autrefois imposant, semble à présent s’effacer, se réduisant progressivement en une forme lointaine et presque intangible, tandis que le mont Mézenc, plus massif et imposant, prend peu à peu le devant de la scène, sa silhouette dominante émergeant de plus en plus clairement dans le paysage. Son sommet s’élève comme un géant endormi, veillant sur la vallée. |
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La route paraît sans fin, une voie dégagée qui se déroule dans un panorama d’une beauté rare. Elle s’étire sur de longues distances à travers des prairies infinies, où des troupeaux de bétail se dispersent ici et là, errant paisiblement dans l’herbe haute. Les animaux, presque invisibles dans cette mer verte, semblent se fondre dans le décor, comme des ombres vivant en parfaite harmonie avec la nature environnante. Les premiers arbres, érables, pins et frênes, apparaissent çà et là, plantés comme des sentinelles de bois, immobiles et solitaires, observant le passage du temps. Ces géants discrets veillent silencieusement sur la campagne, apportant ombre et fraîcheur à ceux qui les approchent. Ici, le bétail évolue dans un monde où la liberté règne, où chaque vache, chaque chèvre ou cheval semble être maître de son espace, évoluant au gré du vent et des saisons. L’élevage est la règle sur ces terres, où les champs cultivés n’atteignent pas la hauteur nécessaire pour prospérer au-delà de 1 000 mètres d’altitude, sauf à se plier aux caprices du climat rigoureux. Ici, le monde semble s’arrêter, le temps suspendu entre les cimes des arbres et le sol couvert de mousse, de fougères et de pierres disjointes. |
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La route approche du lieudit Le Petit Freydier, un petit hameau presque secret, dissimulé sous des toits de pierres soigneusement taillées et jointoyées. Les fermes, modestes et discrètes, se cachent parmi les arbres, leurs murs en pierre façonnés avec un soin presque millénaire, témoins silencieux des générations passées. Dans cette région, les habitations ne sont jamais d’imposantes bâtisses, mais plutôt des maisons simples, solides, construites pour résister à l’épreuve du temps et du climat. Elles paraissent se fondre dans le paysage, comme des éléments naturels, et leur forme modeste dénote une simplicité élégante, presque rustique. |
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À cet instant, la Via Adresca quitte la départementale, un geste presque imperceptible mais pourtant significatif. Le chemin s’éloigne de l’asphalte pour se fondre de nouveau avec les chemins plus naturels, ceux des grandes randonnées, où les traces du passé s’entrelacent avec la géographie du lieu. Les GR et la Via Adresca fusionnent, comme si les routes avaient maintenant décidé d’ignorer leur séparation. Le chemin se dirige désormais vers le village de Hugons, à travers une campagne paisible, où l’agriculture, parfois parsemée de cultures céréalières, donne au paysage une touche de verdure vivante. Les champs semblent renaître à chaque saison, recouvrant la terre de la douceur de leur cycle sans fin. |
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Le sol de ce plateau, principalement granitique, est un élément fondamental de cette région. La pierre est partout, un compagnon fidèle des hommes et de la nature. Les murets de pierres sèches qui délimitent les prés sont comme des gardiens de ce territoire, marquant les frontières invisibles du pays. Les fermes et les maisons sont bâties en pierre, solidement ancrées dans cette terre dure et parfois rugueuse. Par endroits, le basalte s’ajoute au granit, apportant une nouvelle texture à ce paysage minéral. Mais ce qui frappe avant tout, c’est la majesté des Abondances, ces vaches imposantes qui paissent paisiblement dans les prés. Elles incarnent la force tranquille de la nature, élevées dans un climat rude, où la burle, ce vent glacial, souffle violemment, particulièrement en hiver, projetant la neige sur les pentes du plateau avec une force inouïe. Ces vaches sont la vie incarnée dans ce pays, un symbole de résilience face à la violence des éléments. |
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Alors, la route quitte un village, éclaté, dispersé à travers les champs. Ce n’est pas un lieu où la vie se concentre, mais plutôt un endroit où chaque maison semble être une petite cellule, concentrée sur l’activité agricole, absorbée par les saisons et les récoltes. Les hommes et les femmes de ce village sont comme les terres qu’ils cultivent : solidement ancrés, mais aussi ouverts aux fluctuations de la nature. |
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Un chemin, bordé de murets de granite moussus, s’élance ensuite sous les frênes et les érables, leurs branches s’entrelacent au-dessus de vous comme un toit vivant. Le chemin serpente, parfois presque invisible, comme un secret bien gardé, dans ce paysage où le bétail, paisible et libre, erre çà et là. Des vaches, des chèvres, parfois des chevaux, partagent ce territoire avec une joie tranquille, une harmonie parfaite entre l’homme, l’animal et la terre. Ici, tout semble calme, presque figé dans le temps, un paysage où chaque élément trouve sa place avec une évidence tranquille. |
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Section 4 : Bienvenue en Haute-Loire

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté.

Le chemin traverse alors une immense plaine déserte, aussi vaste que déconcertante. Un paysage presque irréel se déploie, d’une simplicité brute, qui n’a d’égale que la liberté qu’elle offre. L’herbe y pousse librement, sauvage, sans la moindre intervention humaine, se dressant dans une mer verte où quelques murets de pierres sèches, vieillots et épars, sont les seules traces d’un travail ancien, oublié. Ici et là, des blocs de granit jonchent la terre, comme des sculptures abandonnées par la nature elle-même, sans raison apparente. Des vaches en liberté s’éparpillent dans cet univers infini, comme les pièces d’un puzzle dispersées sur la toile. C’est un endroit où l’âme semble s’élever, flottant dans l’immensité, portée par la beauté brutale de la plaine. Ici, on se sent tout petit, mais aussi sereinement perdu, apaisé. C’est dans cette étendue sans fin que vous quittez discrètement le département de l’Ardèche pour entrer dans celui de la Haute-Loire, sur les terres du Puy-en-Velay. |
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L’horizon semble vous attirer davantage vers la crête des Cévennes, vers ces monts qui, bien que proches, paraissent pourtant hors de portée, comme des géants assoupis. En face, le Mont Mézenc s’étend devant vous, vaste et imposant, sa silhouette tout en longueur se profilant à l’horizon. Ce mont est un lieu de passage obligé pour les amateurs de tourisme local, tout comme son voisin, le Gerbier de Jonc. Ce dernier, malgré sa renommée, ne semble pas rivaliser avec la majesté du Mézenc, qui, coupé en deux par la géographie, s’élève avec force et détermination. Le sommet sud, atteignant 1753 mètres, est le plus haut du département de l’Ardèche, tandis que le sommet nord, tout aussi élevé, devient le point culminant de la Haute-Loire.
On raconte que lorsque le vent souffle sur cette plaine, il peut transporter des mètres de neige en un instant, recouvrant le plateau de son manteau glacé. Le pèlerin prudent se dira qu’il serait peut-être préférable de traverser la région en dehors de cette période, mais malgré tout, l’endroit reste d’une beauté saisissante. Il n’est pas sans rappeler l’Aubrac, par ses paysages de granite éparpillé çà et là, où chaque pierre semble raconter l’histoire d’un temps révolu.

À l’extrémité de cette plaine sans fin, où l’on souhaiterait que le chemin ne finisse jamais, la terre prend une teinte ocre, et le chemin s’enfonce lentement dans un sous-bois clairsemé. Les Charolaises, au pelage pâle et aux grands yeux doux, et les Blanches d’Aquitaine, robustes et élégantes, font une pause sous les frênes et les épicéas, savourant le calme de l’endroit. Le sous-bois, peu dense, laisse entrevoir la vaste étendue de la plaine, créant une impression de léger isolement. Le bruit des feuilles qui frémissent sous le souffle du vent est l’unique son qui brise le silence, tel un murmure que la nature se confie à elle-même. |
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Un peu plus loin, la forêt prend une tournure différente. Les épicéas et les pins de Douglas se pressent les uns contre les autres, formant une forêt presque impénétrable. Leurs troncs massifs, serrés dans une danse verticale, semblent vouloir toucher le ciel, tandis que la lumière peinait à se frayer un chemin à travers les ramures denses. Le sol, recouvert de mousse épaisse, semble absorber toute trace de bruit, créant une ambiance presque irréelle, où le temps semble suspendu, en attente d’un événement mystérieux. L’atmosphère devient presque noire, une obscurité tranquille où les ombres des arbres semblent se confondre dans une grande unité. |
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Tout au long de cette traversée du plateau, le chemin reste large, aisément praticable, presque parfaitement dégagé. Il ne présente que peu d’obstacles, et la terre y est souple sous les pas. Lorsque le chemin émerge enfin du bois, il longe La Croix de la Vieille Église, un monument solitaire en granite, égaré ici au milieu de cette nature vierge. Cette croix, pourtant majestueuse dans sa simplicité, marque l’endroit où se dressait autrefois une église, détruite lors de la Guerre de Cent Ans, au XIVe siècle. Les pierres de l’église ont été englouties par le temps, mais la croix reste, témoin d’un passé révolu, indifférente aux vicissitudes du monde. |
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Depuis la croix de granite, le chemin reprend son cours, traversant la plaine, serpentant parmi les prés, les haies de genêts qui bordent le passage. Ce chemin, long mais d’une sérénité presque inaltérable, semble se dérouler sans fin, et pourtant, le temps semble se dilater ici. Les heures se fondent dans le paysage, comme les couleurs qui se mélangent dans un tableau impressionniste. Ce territoire abritait autrefois une voie romaine, et l’on peut presque imaginer les légions de Jules César, leurs chars dévalant cette plaine à toute allure, invincibles et sûrs de leur conquête. La géographie de l’endroit, parfaitement adaptée, leur offrait un passage idéal, un chemin que ni les intempéries ni la guerre ne pouvaient freiner. |
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Plus loin, le chemin croise un menhir solitaire, un vestige mystérieux planté au milieu des champs. Ce bloc de basalte, posé sur un socle de granite, se dresse comme un témoin silencieux des anciens rites et croyances qui ont habité cette terre. De symbolique, on ne sait que peu de choses, mais l’on ressent une étrange impression de solitude, comme si ce monolithe attendait toujours quelque chose, un souvenir, un retour, ou peut-être une reconnaissance oubliée. Le menhir semble prendre son temps, perdu dans l’immensité des champs, attendant d’être à nouveau saisi par l’histoire. |
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Le chemin, maintenant, descend légèrement, s’éloignant de la vaste plaine pour se rapprocher de la civilisation. Il guide les pas du pèlerin vers le village des Vastres, où l’église Ste-Anne, édifiée au XIVe siècle avec les pierres de l’ancienne église détruite, se dresse majestueusement. Elle a été restaurée et modifiée au fil des siècles, mais sa silhouette reste intacte, un rappel permanent du passé. La région, marquée par un fort héritage protestant, est aussi divisée par une histoire religieuse complexe. Les protestants, comme pour mieux préserver leur différence, ont leur propre temple, installé dans un hameau éloigné du village, dans un acte de résistance silencieuse face à l’histoire locale. |
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Section 5 : Vers Fay-sur-Lignon, au sommet de la colline

Aperçu général des difficultés du parcours : la seule difficulté du parcours, avec une descente sévère sur la plaine du Lignon, et une remontée interminable sur le bourg au sommet de la colline.

Aux Vastres, un village modeste de 200 habitants, la vigilance est de mise, car de nombreux chemins s’entrelacent ici. Tout près d’une gigantesque croix en fer, portant le Christ, vous découvrez votre propre itinéraire, marqué de la coquille du pèlerin. Vous vous engagez alors sur le Circuit du Marais, un parcours qui vous entraîne plus profondément dans la nature, sur des traces foulées par des siècles d’histoire. |
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Le parcours, tel un serpent silencieux, prend bientôt la direction de la départementale D7 à la sortie du village, suivant le tracé du GR7/420/430. Il se fond dans le paysage, discrètement, tout en se dirigeant vers Fay-sur-Lignon, se frayant un passage près d’une croix en granite, témoin d’un passé intemporel. |
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Une petite route monte alors doucement, presque sans effort, vers les Vastrets. L’altitude approche les 1 100 mètres, et l’univers semble se réduire à une vaste étendue de prés et de bétail en liberté. Les champs se déploient à perte de vue, un océan de verdure où les ombres des animaux semblent se fondre dans la lumière, comme des silhouettes perdues dans un tableau vivant. |
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La route s’avance sous un ciel clair, se frayant un chemin parmi les frênes et les érables qui bordent le paysage. Les Vastrets se dévoilent lentement à vous, comme une promesse tenue au bout de cette ascension tranquille. Votre orientation reste inchangée : le Circuit du Marais vous guide toujours, paisiblement. |
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Ici, parmi les pierres et le granit, la tradition semble figée dans la matière. Les maisons, taillées dans le basalte et le granite, témoignent de la solidité de la terre et des hommes qui ont su l’apprivoiser. Pourtant, dans cette beauté sauvage, une tentation s’empare de vous : l’envie de suivre le chemin tout droit, de monter dans les prés. Mais non, dès la sortie du hameau, un détour est nécessaire. Le chemin part à droite, obliquant dans la lande, montant doucement le long de la crête. Une petite coquille, discrètement accrochée à un poteau, est votre seul repère. |
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Le chemin serpente alors le long de la crête, et il devient impossible de se perdre. Un peu plus haut, un grand frêne vous indique que vous suivez la même voie que la GR, un parcours qui, comme une empreinte dans l’herbe, relie ces lieux d’une manière invisible, mais profonde. |
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Au bout de cette crête, le chemin entre dans un sous-bois, où la Via Adresca s’engage sur un PR, un circuit de petite randonnée, emportant le marcheur sur le Chemin de la Douce. Le chemin s’amuse à se glisser entre les arbres, filant vers une promesse plus douce encore, celle d’un paysage moins âpre, mais tout aussi vivant. |
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Lorsque le bois se dissipe enfin, devant vous se dresse Fay-sur-Lignon, juchée sur sa colline. D’un regard, vous pourriez imaginer qu’il vous suffit de descendre pour atteindre le village. Mais détrompez-vous, la vallée entre les deux collines est une barrière invisible, un creux de terre qu’il vous faudra franchir avant de pouvoir atteindre le village suspendu. La Haute-Loire, tout comme l’Ardèche, est un terrain de creux et de bosses, où chaque vallée appelle à l’ascension d’un sommet. |
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Le chemin s’enfonce alors dans les prés nus, comme une coulée de lumière fendant l’obscurité. Il se dirige vers la départementale D500, qui mène à Fay-sur-Lignon. La traversée a été généreuse, mais ici, la pente se fait plus ardente, souvent au-delà de 15 %. Le sol, plus escarpé, semble vous défier de poursuivre. |
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Après avoir traversé la route, le chemin continue de descendre, mais cette fois, plus progressivement, avec une pente plus douce. Il vous conduit vers un pont, posé délicatement sur un affluent du Lignon, tel un petit arc de pierre traversant le temps. |
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Entre le pont et le village, il y a près de 100 mètres de dénivelé. La montée est exigeante. Vous grimpez à nouveau, au milieu des frênes, vers les premières maisons en pierre qui bordent le bas du village. Ce n’est pas une ascension facile, mais elle est récompensée par la vue sur ces bâtisses solides, où chaque pierre semble racontée une histoire. |
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À mesure que vous approchez du village, la terre battue fait place à l’asphalte. La montée devient plus ardue, plus marquée, le long de ces magnifiques bâtisses en basalte et en granite. Aucune maison ne dépareille ici, chacune semble avoir été taillée dans la même roche, une harmonie parfaite d’élégance et de force. |
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La route vous mène alors à la fontaine St Régis, un lieu de pèlerinage local, où, au XVIe siècle, St Régis se serait désaltéré en traversant cette région profondément marquée par la Réforme. Le pèlerinage ici est une tradition vivante, inscrite dans la pierre, dans les eaux de cette fontaine. Puis, vous arrivez sous l’église St Nicolas, une église datant du XIIe siècle, transformée au fil des siècles, mais restant un témoignage précieux du passé. Près de l’église se dresse un pic basaltique, une merveille géologique qui fait écho aux forces naturelles de la région (Image Wikipedia Commons, auteur: Arnaud-Victor Monteux). |
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Au début du Xe siècle, la famille de Fay édifia une forteresse sur ce rocher basaltique, et c’est ainsi qu’est né le village de Fay-sur-Lignon. Aujourd’hui, ce village de 375 habitants est un lieu pittoresque, avec tous les commerces nécessaires à la vie quotidienne, un village où le temps semble s’être arrêté, mais où la vie continue, paisible et sereine, entre les pierres et les montagnes. |
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