Etape 12: Roche-de-Glun au Col de Ponsoye/Cerisier

Ici, il ne faut pas se perdre sur la variante de St Péray

 

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

 

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-roche-de-glun-au-Ponsoye-de-ponsoye-cerisier-par-la-via-gebennensis-adresca-32870312

Tous les pèlerins ne sont pas forcément à l’aise avec la lecture des GPS ou la navigation sur un portable, d’autant plus qu’il existe encore de nombreuses zones sans connexion Internet. C’est pourquoi, pour faciliter votre voyage, un livre dédié à la Via Gebennensis par la Haute-Loire est disponible sur Amazon. Bien plus qu’un simple guide pratique, cet ouvrage vous accompagne pas à pas, kilomètre après kilomètre, en vous offrant toutes les clés pour une planification sereine et sans mauvaises surprises. Mais au-delà des conseils utiles, il vous plonge dans l’atmosphère enchanteresse du Chemin, capturant la beauté des paysages, la majesté des arbres et l’essence même de cette aventure spirituelle. Seules les images manquent : tout le reste est là pour vous transporter.

En complément, nous avons également publié un second livre qui, avec un peu moins de détails mais toutes les informations essentielles, décrit deux itinéraires possibles pour rejoindre Le Puy-en-Velay depuis Genève. Vous pourrez ainsi choisir entre la Via Gebennensis, qui traverse la Haute-Loire, ou la variante de Gillonnay (Via Adresca), qui se sépare de la Via Gebennensis à La Côte-Saint-André pour emprunter un itinéraire à travers l’Ardèche. À vous de choisir votre parcours.  

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

L’Ardèche, ce département mystérieux et contrasté, tire son nom de la rivière qui serpente à travers ses terres. C’est ici, au cœur de l’ancienne province du Vivarais, que se dessine l’identité de ce territoire, à la fois paisible et sauvage. Pour beaucoup, l’Ardèche se résume à des images idylliques de villages pittoresques enfouis dans la garrigue, où le thym, la bruyère et les buis règnent en maîtres, à deux pas des célèbres gorges de l’Ardèche, cette merveille naturelle qui attire chaque année des foules de touristes. Mais ce visage du Bas-Vivarais, au sud du département, n’est que l’une des facettes de l’Ardèche. Aujourd’hui, ce n’est pas cette Ardèche-là que vous allez découvrir. Loin des paysages méridionaux et ensoleillés, l’Ardèche du nord, à la fois plus intime et plus secrète, offre un contraste saisissant. La ligne de partage entre le Bas et le Haut Vivarais est marquée par le Gerbier du Jonc et le Mont Mezenc, ces volcans ardéchois, vestiges d’une époque géologique révolue. Ce sont eux qui, dans les jours à venir, se dessineront à l’horizon, comme une silhouette imposante au-dessus des collines. Un chemin, le GR420, traverse tout le Haut Vivarais en longeant les volcans, mais aujourd’hui, vous n’en effleurerez que les premiers contreforts, tout au bout de l’étape.

 

Vous voici donc dans le Haut Vivarais, là où la nature semble avoir gardé ses droits. Un pays où le silence des montagnes, encore vierge de l’agitation du monde, offre une sensation de solitude et de liberté, loin des foules et du tumulte. C’est le pays des châtaigniers, ces arbres ancestraux qui, au fil des siècles, ont nourri les hommes et forgé le caractère de cette terre rude. Mais, hélas, cette culture est en déclin. L’exode rural a emporté avec lui une grande partie des paysans, et les châtaigneraies, autrefois prospères, ont cédé du terrain. Aujourd’hui, ce sont les épicéas, les pins, les érables et, plus particulièrement, les chênes verts qui prennent le relais, étendant peu à peu leur empire végétal. Pourtant, le châtaignier, bien qu’en recul, n’a pas encore dit son dernier mot. Il persiste, discrètement, dans les vallées et les pentes, comme un témoin silencieux d’un passé plus vivant.

L’étape du jour, elle aussi, suit une progression tranquille mais constante, remontant lentement de la plaine fertile du Rhône vers les hauteurs du plateau ardéchois. À mesure que l’on s’élève, le paysage devient plus rude, plus sauvage, et l’air semble se faire plus pur, plus frais. La fin de l’étape semble marquer un arrêt sur image, un cul-de-sac presque inattendu : le col de Ponsoye, à moyenne altitude, s’offre à vous, tout en simplicité et en retrait. Ce n’est pas une grande étape touristique, pas un village animé, mais une halte modeste où l’on peut, tout de même, se reposer et trouver un abri. Car parfois, il faut savoir « faire avec », accepter la tranquillité, et se contenter de l’essentiel.

Difficulté du parcours : Le parcours du jour présente une difficulté assez marquée, surtout dans sa deuxième moitié. Les chiffres (+713 mètres/-232 mètres) témoignent d’une ascension soutenue, avec des dénivelés qui ne vous laisseront pas indifférents. La première partie de l’étape, douce et presque plate, vous permet de suivre le Rhône dans toute sa sérénité. Mais dès que vous quittez les rives du fleuve pour vous aventurer plus haut, la pente devient plus rude. À partir de St Péray, la montée se fait sentir, parfois même avec une certaine insistance. Le parcours grimpe, sans relâche. Le terrain alterne entre quelques pauses bienvenues, voire même une descente modeste, mais la plupart du temps, la pente reste continue, rarement inférieure à 15%. Et, sur certains tronçons, l’inclinaison dépasse même cette limite, ajoutant à la difficulté de l’effort. Ce n’est pas un parcours facile, mais c’est un défi qui en vaut la peine, surtout si l’on sait apprécier la beauté tranquille de ce territoire, loin du tumulte du monde moderne.

État de la Via Adresca : Aujourd’hui, les parcours sont au détriment des chemins :  

  • Goudron : 16.5 km
  • Chemins : 8.3 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les vrais dénivelés, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Section 1 : Le long du Vieux Rhône

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Nous l’avons dit dans l’étape précédente. La Via Adresca ne va pas au centre de La Roche-de-Glun, mais il faut bien trouver à loger quelque part. Alors, elle sort du village en direction du barrage. La Via Adresca, telle un fil d’Ariane, s’écarte du centre animé de La Roche-de-Glun pour s’immerger dans un décor plus calme, presque méditatif.

Elle s’élance en direction du barrage, un colosse industriel en activité depuis 1968, témoin silencieux des efforts humains pour dompter la nature. Ce géant n’est pas qu’un simple outil : il orchestre avec précision, grâce à ses six vannes, le flux des eaux du Rhône, assurant la production d’électricité et apaisant les caprices du fleuve en régulant crues et navigation.

Sur la gauche, le vieux Rhône serpente langoureusement vers le sud, une veine aquatique empreinte de sérénité, comme figée dans une époque révolue.
À droite, la rivière s’étend dans une tranquillité trompeuse, encadré par le canal du Rhône, où la silhouette familière de Roche-de-Glun semble flotter, imprégnée de son histoire et de sa vie aquatique. Ici, les vannes grondent et l’eau écume, libérant une force brute qui attire les cormorans. Ces oiseaux noirs, immobiles et avides, scrutent les remous, en attente d’un festin argenté.
À la sortie du barrage, une transition subtile s’opère : vous quittez la Drôme pour entrer en Ardèche, comme si la Via Adresca ouvrait une porte vers un autre monde.
Elle quitte alors le ruban asphalté pour serpenter sur un large chemin sablonneux. Ce chemin, bordant l’eau et ses reflets dansants, mène doucement vers le village de Glun.
Glun, modeste mais chaleureux, abrite environ 700 âmes, niché entre le Rhône et une charmante église. Ici naquit Frédéric Dard, le créateur de San Antonio, qui passa son enfance à explorer ce territoire à la fois rude et poétique. En face, la silhouette de La Roche-de-Glun se découpe clairement, avec son église et ses tourelles comme des sentinelles d’un autre temps.
Depuis l’église de Glun, la Via Adresca se faufile dans un dédale de ruelles étroites et murées, où chaque détour semble murmurer les secrets du passé. Elle débouche enfin sur la périphérie du village, retrouvant la D222A. Cette route sinueuse, comme une veine connectant le présent au passé, contourne Glun et mène au célèbre axe D86, la route des vins des Côtes-du-Rhône. Ici, les vignobles s’étendent, d’un vert éclatant à l’été, et transportent les voyageurs de Cornas jusqu’à Vienne, à travers un paysage parsemé de saveurs et d’histoires.
Le parcours s’étire alors sur un pont modeste, jeté avec simplicité sur le ruisseau du Rioutard, où l’eau se fait rare, presque timide. Bientôt, un chemin serpente au milieu des vergers, entrelacé par des arbres fruitiers, et se dirige vers la voie de chemin de fer, compagnon discret de la départementale D86.

Rapidement, un dilemme se présente. Deux directions s’offrent à vous : soit vous prenez le chemin vers St Péray, soit vous optez pour la variante qui monte directement sur les collines de l’Ardèche par St Romain-de-Lerps. Le premier suit le Rhône avec douceur avant de gravir les hauteurs, tandis que le second grimpe abruptement, s’élançant sans détour dans les collines. Ces deux voies, séparées un instant, finissent par se rejoindre près d’Alboussière. Pour notre part, nous avons choisi Saint-Péray, pour des raisons de commodité, pour pouvoir s’arrêter à St Péray, sur cette longue étape. Mais observez bien le panneau. Le parcours principal qui va à St Jean Pied-de-Port se dirige vers St Romain-de-Lerps, non vers Arles, qui est la vraie Via Adresca. Malheureusement, nous ne pouvons vous décrire ce parcours, n’étant jamais passés par là.

Peut-être avons-nous eu tort, étant donné la difficulté de suivre  le parcours plein d’embûches vers St Péray.

Sur la variante de St Péray, un large chemin plonge rapidement dans un sous-bois. C’est un écrin de verdure niché entre le Rhône et la voie ferrée.
La végétation, luxuriante et sauvage, déborde de vie : chênes rouvres, chênes verts, érables, frênes, châtaigniers, et une myriade d’arbustes se disputent l’espace et l’attention. L’humidité bienfaitrice du fleuve nourrit cette profusion végétale, lui donnant un air presque tropical.
À chaque pas, des écriteaux vous rappellent à la prudence. Le Rhône, dérobé d’une partie de ses eaux pour alimenter le canal, n’a rien perdu de sa puissance. Ses bras multiples serpentent, parfois sages, parfois tumultueux, mais jamais dociles.
Le chemin, large et accueillant, court sous des frondaisons qui projettent une ombre bienfaisante. Seul le grondement lointain des moteurs de la départementale brise cette tranquillité, car le train, lui, se fait rare : cette voie ferrée n’est plus qu’un vestige, réservé au transport de marchandises.
Le sol du chemin, parfois fait de sable doux, parfois de terre battue, offre une marche agréable. Mais encore et toujours, les panneaux avertissent de ne pas s’approcher trop près de l’eau, un fleuve à double visage. 
Les grands aulnes et les robiniers se dressent comme des géants, rivalisant avec les autres feuillus pour atteindre le ciel. Sous cette canopée dense, règne une fraîcheur précieuse, un refuge contre les chaleurs de la journée. De temps en temps, des clairières s’ouvrent sur des vues splendides du Rhône, tantôt paisible comme une peinture, tantôt frémissant d’énergie. 
Puis, le chemin s’éloigne lentement du bord de l’eau, gravissant une butte en pente douce. Le tapis sablonneux fait place à des cailloux épars, les galets ronds et lisses revenant en force, témoins des anciennes colères de la géologie de toute cette région. Là, la voie ferrée se rapproche à nouveau, comme pour chuchoter ses propres récits de fer et de vapeur.
Plus loin, le chemin s’aventure dans une steppe sauvage, une terre oubliée où la nature règne sans partage. Au loin, le regard capte encore la silhouette imposante du barrage de la Roche-de-Glun, gardien silencieux de ce royaume aquatique.

Section 2 : Le long de la Voie Bleue

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Le vieux Rhône, dans une sérénité presque méditative, glisse doucement à travers la lande. Ses eaux, amoindries par l’action de l’homme, n’en perdent pas pour autant leur majesté. Le chemin, lui, continue ses méandres sans prétention, ondulant à peine au gré de quelques vallonnements modestes. Tantôt sous l’ombre protectrice des grands frênes et chênes verts, tantôt à découvert sur des étendues plus rases, il invite à une marche paisible, bercée par la douce symphonie de la nature environnante.
Mais bientôt, le paysage change de visage. Le monde sauvage cède sa place à un territoire façonné par la main de l’homme : celui des arbres fruitiers. Sur les collines d’Ardèche, les premières vignes se dévoilent, s’agrippant avec détermination aux pentes abruptes, comme si elles craignaient de sombrer dans le vide. Ces rangées de ceps disciplinés appartiennent très probablement à l’appellation prestigieuse de Cornas. Et là, au milieu des cultures, ce sont les vignes et les oliviers qui se distinguent, ouvrant des panoramas à la fois enchanteurs et mystérieux, comme une invitation à percer les secrets de cette terre fertile.
Au détour du chemin, le goudron refait surface, marquant un retour au monde moderne. C’est alors qu’un spectacle inattendu s’offre à vos yeux : le château fantasmagorique de Châteaubourg surgit, imposant et chargé d’histoire.
Le village lui-même est un véritable joyau, construit tout en pierres, ses ruelles tortueuses serpentant vers l’église et le château. Ce dernier, érigé au XIe siècle, est le vestige d’une trilogie de forteresses contrôlées par un certain Rogier, un bandit de grand chemin dont les méfaits finirent par attirer la colère royale. Louis IX, en personne, aurait assiégé le château de la Roche-de-Glun, occis le malandrin, et passé une nuit à Châteaubourg. Par la suite, la forteresse passa entre des mains diverses : des seigneurs locaux, puis, au XVIe siècle, aux protestants durant les Guerres de Religion, avant d’être restaurée au XXe siècle.
En quittant le village, la Via Adresca s’élève doucement, longeant le cimetière niché sous les ombres protectrices du château.

Mais voilà que, plus loin, l’itinéraire se trouble, semant le doute dans l’esprit du pèlerin. Deux coquilles affichent des directions différentes, et l’indécision s’installe : laquelle suivre ? Pour compliquer davantage, une autre voie, la Voie Bleue, passe aussi par ici. C’est ce chemin qu’il convient d’emprunter pour l’instant. Cette étape devient un véritable casse-tête, quand on passe par cette variante. Sans doute que le parcours vers St Romain-de-Lerps est mieux fléché.

La Voie Bleue, paisible ruban asphalté, s’étire le long du Rhône comme un compagnon fidèle, offrant aux cyclistes un trajet dédié où le fleuve devient une constante complice.

À la sortie du village, une fois dépassé le cimetière, la route, presque timide, s’étire donc à plat dans les vergers, adoptant pour un temps le tracé de la Voie Bleue. Ici, tout semble calme, ordonné, et pourtant, les vergers murmurent des avertissements tacites : la maraude n’est guère tolérée.
Sur cette terre nourricière, enrichie des dépôts fertiles du Rhône, s’épanouissent une variété de cultures : quelques rangées de maïs, des parcelles de vigne, mais surtout des abricotiers, dont les fruits orangés semblent capturer la lumière du soleil, promesse de récoltes abondantes.
Plus loin, la route, fidèle à son habitude, s’en rapproche encore, non pas du fleuve cette fois, mais de la voie ferrée et de la RN86, qui l’accompagnent dans un parallèle presque parfait. Cette ligne ferroviaire, autrefois vivante du passage des voyageurs, s’est tue en 1972. Désormais, seules les marchandises y transitent, et encore, sporadiquement. Cette partie de l’Ardèche, privée d’un transport ferroviaire régulier, semble figée dans une époque où la voiture individuelle règne sans partage. Mais pour ceux qui ne possèdent pas ce privilège, comment se déplace-t-on ? À pied, sans doute, comme vous, pèlerins résolus sur ce chemin ancien.
Le décor change à mesure que la route s’enfonce dans un écrin de verdure. Bordée d’arbres fruitiers et de champs de maïs, elle s’approche d’un sous-bois où subsiste, discrètement, une ombre du passé : ce qui a dû être une petite gare.
Sur la Voie Bleue, le chemin se transforme en une allée de terre si lisse et soignée qu’elle semble tout juste tracée, invitant à une marche agréable sous la voûte feuillue d’un bois dense.
Et puis, tout doucement, le Rhône refait surface, tel un vieil ami. Ici, un instrument de mesure trône discrètement, sentinelle scientifique surveillant les humeurs de ce fleuve capricieux. Une présence qui rappelle que l’eau, parfois, pourrait bien s’aventurer au-delà de ses rives pour venir taquiner ces terres où vous cheminez.

Lorsque vous atteindrez cette clairière aménagée, ornée d’une place de stationnement et d’une aire de pique-nique ombragée, prenez le temps d’observer attentivement. Ici, la Voie Bleue file tout droit, traversant le parc sans la moindre hésitation. Mais la Via Adresca, celle qui conduit à St Péray, emprunte un tout autre chemin. C’est un piège discret, mais réel : la signalisation est loin d’être idéale. En vérité, le panneau qui devrait vous guider se cache derrière un rideau d’arbres touffus, presque comme s’il jouait à se rendre invisible. Votre parcours bifurque à droite, pour rejoindre Cornas en passant par le hameau de La Mure. 

À cela s’ajoute une surabondance de choix : deux variantes pour atteindre St Péray, toutes deux jalonnées des coquilles emblématiques des pèlerins. L’une mesure 3,1 km, l’autre seulement 1,6 km, mais les deux s’enroulent autour du Chemin des Mulets. Une générosité d’options qui, au lieu de guider, finit par désorienter. Certes, il faut saluer le dévouement des bénévoles des Amis de Compostelle pour leur travail remarquable. Mais ici, convenons-en, un effort de clarté supplémentaire aurait été le bienvenu, n’est-ce pas ?

Nous avons choisi, presque au hasard, le chemin le plus court, celui de 1,4 km, qui s’oriente vers Cornas. Était-ce vraiment une bonne décision ? Peut-être pas. Vous découvrirez ici, en approchant, le fameux panneau dissimulé derrière les arbres, comme un secret chuchoté. La Via Adresca, celle qui vous mènera à St Péray en passant par Cornas, quitte la zone juste avant d’atteindre la voie de chemin de fer.
Un peu plus loin, le paysage se transforme. Surplombant discrètement le chemin de fer, une petite chapelle se niche dans le hameau de La Mure. Modeste et paisible, elle veille sur ce passage emprunté par tant de pèlerins au fil des ans. Ici, la Via Adresca épouse le Chemin des Mulets, et vous accompagnera dans cette alliance tranquille jusqu’à St Péray.

Section 3 : En passant par St Péray

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

La route s’étire à plat, tranquille et silencieuse, entre les vergers généreux et la voie de chemin de fer, comme si le paysage hésitait entre nature luxuriante et traces d’industrie humaine. Les pommiers et abricotiers, alourdis de fruits en saison, forment un rideau dense, presque impénétrable, tandis que les rails, abandonnés au passage occasionnel des marchandises, rappellent une époque où le train sifflait encore dans ces contrées.
Plus loin, le chemin s’engage dans une zone qu’on devine vulnérable à l’humeur capricieuse du Rhône. L’air y est chargé d’humidité, presque lourd, comme un avertissement discret de ce que la rivière est capable de faire lorsqu’elle quitte ses berges. La route se redresse alors et mène doucement vers Cornas. Sur la colline, droit devant, se dresse le château de Crussol, cette sentinelle imposante et austère qui surplombe fièrement St Péray. Ses ruines, grandioses malgré leur délabrement, semblent toiser les voyageurs comme pour leur rappeler que, même aujourd’hui, elles restent une boussole immanquable dans cette contrée indécise.
À mesure que vous approchez de Cornas, vous entrez d’abord dans sa périphérie éparse, une banlieue qui annonce un bourg étendu, presque démesuré pour sa modestie apparente. Cornas, c’est plus qu’un village : c’est une icône des Côtes du Rhône Nord, un terroir d’exception qui fait vibrer les amateurs de vin. Pourtant, votre progression est soudain mise à mal : un panneau indique que la Via Adresca ne poursuit pas sa route sur le Chemin des Mulets. Alors, où mène-t-elle vraiment ?  Nous avons tenté de démêler cette énigme, arpentant les alentours pour comprendre. Rien. Le chemin de Compostelle semble s’effacer ici, comme s’il jouait un mauvais tour. Est-ce une erreur ? Que faire alors ? Peut-être aurions-nous dû prendre l’autre chemin vers St Péray. Qui peut le dire ?  Hélas, nous n’avons pas parcouru cette section depuis plusieurs années, et nous ne pouvons garantir que la situation s’est améliorée. Quant au guide récemment publié par l’Association des Chemins de Compostelle, il est certes précieux pour localiser les logements, mais son utilité pour les marcheurs laisse à désirer. Les cartes manquent cruellement de détails. À vous de juger. Mais soyez vigilant : ce parcours, pour charmant qu’il puisse paraître, est semé d’embûches qui demandent à être décryptées avec soin. Dès lors, choisissez plutôt la variante de St Romain-de-Lerps.
Mais après tout, ce détail n’a que peu d’importance, si ce n’est de semer le doute dans votre esprit. L’essentiel est de ne pas céder à l’hésitation : il ne faut pas entrer dans Cornas. Continuez tout droit sur le Chemin des Mulets, qui contourne la banlieue de Cornas, en longeant ses marges discrètes. Gardez toujours le château de Crussol comme guide, majestueux et inébranlable devant vous, dressé comme un phare de pierre dans la mer des collines. La vie paraît soudain plus simple quand on sait précisément où l’on va.
Plus loin, n’allez pas à gauche vers Arles. Prenez donc à droite, au bout du stade, et laissez-vous guider. Ici, aucun risque de se perdre, tout est limpide : l’objectif est St Péray. A partir d’ici, il n’y aura plus embûches sur le parcours.
À la fin de la route, vous tomberez sur une ancienne gare, maintenant désaffectée pour les voyageurs, une relique figée du passé ferroviaire de la région. De là, vous pénétrez dans le bourg, un mélange de modernité tranquille et d’histoire qui effleure chaque recoin.
La Via Adresca longe ici les méandres du Mialan, un affluent du Rhône, et vous mène tout droit au centre-ville. L’eau murmure doucement à vos côtés, ponctuant votre marche d’une mélodie apaisante.
St Péray, cette petite ville nichée au creux des collines, abrite 7 500 âmes. Au-dessus de tout, le château de Crussol, immense forteresse du début du XIIᵉ siècle, veille encore sur la cité. Vue d’ici, seule une ruine imposante subsiste, accompagnée de quelques vestiges de remparts érodés par le temps. Mais, pour qui s’aventure sur l’arrière de la colline, le château dévoile une autre facette : une tour encore debout et les restes d’un village enfermé dans ses remparts séculaires. Jusqu’au XVe siècle, des familles vivaient là-haut, perchées à 200 mètres au-dessus de la plaine, avant de descendre s’établir plus bas. Chaque juin, une fête médiévale anime les ruines avec concerts, reconstitutions et effervescence populaire. Et en juillet, un festival de musique moderne attire les amateurs d’airs contemporains. Mais St Péray, c’est aussi la terre des vins. Son vin blanc, issu des cépages Marsanne et Roussanne, se décline en deux visages : mousseux ou  » tranquille », comme on dit ici. Il est le joyau des Côtes-du-Rhône Nord et l’appellation la plus méridionale de ce terroir.
La route finit par vous mener à la place de l’Hôtel de Ville, où se dresse également le temple protestant, austère et élégant à la fois. Mais attention, ici encore, les pièges pour les marcheurs sont nombreux : les panneaux sont rares, et les indications du Chemin de Compostelle se font discrètes, comme si la ville elle-même cherchait à les cacher. Résistez à la tentation de continuer tout droit, car cela vous mènerait dans une impasse.
La Via Adresca prend un parcours plus abrupt, grimpant sans ménagement derrière le temple, à l’angle de la place. Le parcours s’élève par des escaliers, annonçant une montée qui mettra vos muscles à l’épreuve. Fini la promenade facile : ici, on commence à transpirer. Et les escaliers, tout le monde le sait, ne pardonnent pas.
Au sommet, les escaliers débouchent sur un lotissement, un quartier de maisons récentes, blanches et bien alignées, comme pour marquer une frontière entre le bourg historique et l’expansion contemporaine de St Péray.

A partir d’ici, il n’y a plus de grande confusion dans le parcours fléché.

Section 4 : En montée constante sur le haut plateau sur le Chemin de Gachet

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours tout en montée, avec 320 mètres de dénivelé et quelques pentes se baladant entre 15% et 25%.

La route s’élance à la rencontre des coteaux, flirtant avec les collines qui ceinturent le bourg comme un écrin de verdure façonné par les siècles. Ici, le vignoble s’épanouit, sculptant le paysage de ses alignements méthodiques, chaque ceps semblant vibrer sous le poids de l’histoire et des saisons. Ces terres, modelées par des générations de mains laborieuses, racontent une symphonie de couleurs, du vert tendre des jeunes pousses au rubis profond des vendanges tardives.
Au terme de ce ruban sinueux, on débouche sur la D533, une artère palpitante reliant Valence au Puy-en-Velay. Cette route, frémissante d’activité, demeure l’unique lien terrestre entre ces deux pôles, imposant sa cadence implacable à quiconque l’emprunte. Comment expliquer une telle résignation face à ce tourbillon incessant de véhicules ? Peut-être est-ce un reflet du pragmatisme français, toujours prompt à s’accommoder des inconforts en leur conférant une dignité discrète.

Allez encore un petit coup de gueule, juste pour le déplaisir. Vous devez savoir qu’en vous engageant sur ce parcours, quand vous serez au Puy et que vous voulez revenir, mieux vaut le faire en taxi (180 Euros) ou à pied. Les cars Macron ne circulent pas sur des parcours pas rentables, nous a dit le chauffeur de taxi. Ils ne sont présents en fait que pour faire concurrence aux trains. Mais, il n’y a aucun train entre les deux villes. Alors, pour revenir, comptez environ 8 heures pour un trajet de 100 kilomètres à vol d’oiseau. Il vous faudra remonter à Lyon, trouver une correspondance qui redescend sur Valence, puis encore trouver un véhicule pour revenir à St Péray. Comment les français s’accommodent-ils d’un tel bourbier?

Et pourtant, un parfum de nostalgie flotte encore dans l’air. Ici et là, quelques indices évoquent une époque lointaine où les trains traversaient ces terres. Ces vestiges d’un âge révolu, peut-être remontant au haut Moyen Âge, semblent murmurer l’écho d’un passé que plus aucun convoi ne trouble depuis des décennies.
La route continue son ascension jusqu’à croiser le Chemin de Gachet, comme un marque-page ouvrant le chapitre suivant de cette aventure. Ce parcours invite au dépassement, avec une promesse de panoramas récompensant chaque effort consenti. Pour l’atteindre, il faut mériter sa place, gravissant sans relâche des pentes audacieuses où le relief ne faiblit guère. Les inclinaisons oscillent entre 10 % et 15 %, défiant les mollets et l’endurance
Les premières épingles serpentent à travers le quartier de la Tour, bordé de demeures cossues où règne un parfum de Méditerranée. La végétation luxuriante évoque les effluves du Sud ; il ne manque que le chant des grillons pour parfaire l’illusion. 
Plus haut encore, les vignes s’accrochent aux pentes comme si elles cherchaient à rejoindre le ciel. À leur pied, des mas empreints de noblesse veillent, témoins d’une sérénité intemporelle. Les coteaux se parent d’une élégance discrète, où chaque pierre semble avoir trouvé sa juste place.
En poursuivant l’ascension, le tracé traverse Ferraton et Dusserre, deux hameaux dont les noms résonnent comme des secrets chuchotés. Les panneaux de signalisation laissent deviner que des bus bravent parfois ces hauteurs. Une prouesse logistique, dira-t-on, dans une France où chaque avancée trouve son lot d’émerveillement.
Sous vos pieds, la grande plaine de l’Isère s’étire à perte de vue, vaste étendue où les ombres des nuages jouent sur une mosaïque de cultures. Depuis la plaine, vous avez déjà conquis plus de 150 mètres d’altitude. La perspective s’élargit, et l’horizon s’invite dans chaque pas.
La route s’adoucit enfin, comme si elle voulait ménager votre souffle. Ici, les genévriers apparaissent, ces sentinelles méditerranéennes qui annoncent le seuil du Midi. Leur présence confère aux lieux un parfum de garrigue, presque méridional, presque exotique.

Encore plus haut, vous atteignez le lieudit Grand Gachet. L’horizon s’ouvre vers Alboussière, distante de 9,5 kilomètres, tandis que les chemins qui croisent votre route racontent d’autres récits. Vous n’arpentez pas aujourd’hui le GR42 ou le GR420, mais des chemins de pays où la Via Adresca trace aussi son sillon, conjuguant histoire et marche.

Plus haut, les maisons s’effacent peu à peu, cédant la place à une mer de genévriers, silhouettes noueuses et piquantes qui semblent veiller sur ces terres.

La route, toujours obstinée, atteint le sommet du vignoble de St Péray. Là, les terrasses s’accrochent en rangs serrés sous l’étreinte d’une forêt dense, un équilibre précaire entre l’effort de l’homme et la nature sauvage. À environ 350 mètres d’altitude, ces vignes se battent contre les éléments, offrant en échange des raisins trempés d’histoire.

Plus loin, la route poursuit son ascension avec la sérénité d’une route qui sait sa fin proche. Et en effet, elle se termine abruptement, butant contre une impasse comme une phrase inachevée, laissant le reste à l’imagination du marcheur.
Le parcours s’abandonne alors à un sentier étroit, tout hérissé de cailloux, s’enfonçant dans une nature indomptée où règnent le houx, les genévriers et une canopée de chênes verts rabougris. Ce décor aride et accidenté évoque une sorte de maquis où chaque plante semble avoir gagné sa place au prix d’une lutte acharnée contre le vent et la roche.
Le houx, ici, surprend par son ambition démesurée. Ce ne sont plus ces modestes arbustes de jardin, mais de véritables arbres, défiant les cieux avec des hauteurs pouvant atteindre jusqu’à vingt mètres. Ces géants à feuilles vernissées donnent au paysage une étrange majesté, mêlant la rudesse à une certaine solennité végétale.
Les pierres, omniprésentes, racontent une autre histoire. En Ardèche, ce ne sont pas les galets dociles de l’Isère, mais des schistes lustrés, compacts et sévères, qui sculptent le caractère du sol. Quant aux châtaigniers, si typiques du reste de la région, ils ont presque déserté ces bois sauvages. Ici rampent au sol des houx et des chênes noueux, silhouettes tordues par le temps et le climat, comme si la forêt elle-même avait dû plier sous un fardeau invisible.

Le sentier, obstinément, continue son ascension et traverse le lieudit Petit Gachet, où un panneau indique une bifurcation vers St Romain-de-Lerps. Mais l’alternative semble superflue ici, tant ce chemin exige qu’on le suive jusqu’au bout, sans détour ni compromis.

Le sentier monte encore un peu dans la forêt de houx, mais le sous-bois se raréfie. Le paysage conserve son austérité. Les houx lustrés et les chênes rabougris se mêlent à une végétation basse et impénétrable, un camaïeu de verts sombres ponctué de buissons rebelles.
Plus haut encore, une clairière s’ouvre, un espace de lumière et de respiration après tant d’étroitesse. Mais cette trouée dans la nature ne signe pas la fin de l’effort. La montée persiste, implacable.
Le sentier traverse ensuite une lande herbeuse, où la rudesse du maquis se mêle à une certaine douceur. Les houx et les chênes sont toujours là, compagnons fidèles. On croise désormais des lentisques, des genévriers urticants et des genêts, témoins d’un climat presque méditerranéen. Çà et là, des vignes s’étendent à la lisière des prés, comme pour rappeler que même dans ce chaos apparent, la main de l’homme n’est jamais loin.
La progression dans cette lande sauvage devient de plus en plus solitaire, les cultures s’effaçant pour céder leur place à un maquis pur, brut, qui ne cède rien à l’esthétique. 

Pourtant, la découverte d’une coquille de Compostelle sur un poteau ou une borne vient parfois rassurer l’âme du pèlerin, signe discret d’une présence humaine ancienne et bienveillante.

Enfin, le sentier émerge du maquis, s’ouvrant sur des horizons plus familiers. Les vastes étendues sauvages laissent place à un paysage plus ordonné, fait de prairies et de champs de blé qui annoncent l’approche des hameaux. Les contours adoucis et les lignes dessinées des champs contrastent avec la rudesse du trajet parcouru.
Pourtant, jusqu’au sommet, l’effort reste constant. La pente, omniprésente tout au long de la montée, refuse de s’atténuer, même à l’arrivée sur cette petite route goudronnée qui coiffe la colline. Là, au sommet, un souffle de triomphe accueille ceux qui ont su persévérer.

Section 5 : De grandes ondulations du chemin sous la départementale

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours casse-pattes, avec parfois des pentes très marquées, en montée comme en descente.

Dans les frênes et les chênes verts, la Via Adresca poursuit son aventure à travers un paysage qui semble vouloir fuir les hommes. Elle longe une route, oubliant les hameaux isolés nichés dans la campagne environnante, dont les traces furtives se devinent ici et là, en haut du plateau. Les maisons restent dissimulées, comme les témoins d’une époque lointaine et presque invisible.
Apparemment, par bonheur, dans cette région d’Ardèche, les frênes ne sont pas malades, atteints de chalarose, ce champignon originaire du Japon qui s’est propagé à vive allure dans toute l’Europe et causé des dégâts considérables. A l’heure actuelle, il n’y a aucune mesure pour traiter les arbres malades, mais on entend dire que certains arbres développeraient eux-mêmes des moyens de résister. Au-dessus, on aperçoit le plateau du Pin.
L’ascension se fait alors douce, la route grimpe en pente légère, guidant le marcheur vers le carrefour du Pin. Ici, le panorama végétal se déploie avec une grande variété de feuillus. Les châtaigniers, timides, osent un retour discret parmi les genêts, qui bordent la route. Un doux mélange de formes et de couleurs, où la nature, sans fard ni prétention, déploie son propre spectacle.
Mais peu après, la tranquillité s’effrite sous les bruits incessants de la départementale D533, où la circulation, dense et pressante, impose sa loi. 
Elle traverse Le Pin, un petit carrefour tranquille à six kilomètres d’Alboussière. La juxtaposition des deux mondes est frappante, comme un contraste brutal entre la quiétude du chemin et le tumulte de la route.

Il y a toujours, pour le bonheur des pèlerins, la coquille de Compostelle qui leur montre la voie.

Face à l’intrusion de la départementale, la Via Adresca n’a d’autre choix que de s’échapper, de se glisser dans l’ombre des arbres, loin du bruit et du danger. Un sentier, étroit et discret, serpente alors sous la route, s’échappant dans la forêt.
Là, le sol devient plus rugueux, pierreux, comme pour rappeler la présence indomptée de la nature. Le sentier s’enfonce dans le sous-bois de houx et de chênes verts, où la lumière s’effleure à peine, où chaque pas semble lutter contre la touffeur de la végétation.

Les vallons se superposent, entremêlant leurs courbes douces dans un ballet de chlorophylle. Le Sorbier, ruisseau capricieux, se faufile discrètement entre les montagnes, invisible en temps sec, mais pourtant omniprésent, sculptant le paysage de ses méandres insidieux. Le sentier, comme un miroir des caprices de la nature, monte et descend très longtemps dans la nature vierge, suivant les ondulations du ruisseau qui vous échappe toujours, dissimulé dans les profondeurs du terrain.

Au cœur de cette nature sauvage, le houx règne, dominant la végétation d’un vert sombre et obstiné. Mais peu à peu, l’érable, le chêne et le châtaignier reprennent leur place, la diversité végétale s’impose, comme une respiration nouvelle qui brise l’uniformité.
Plus loin, le sentier se redresse. Les pins et épicéas se font plus présents, intercalés de genêts lumineux. Le souffle du vent semble plus frais, l’altitude augmentant légèrement sans franchir la barre des 500 mètres.
Un sentiment étrange de solitude se fait plus oppressant à mesure que l’on pénètre plus avant dans cette forêt, où l’on a parfois le sentiment de fouler les terres sauvages du Canada, cet infini de vert et de silence, menaçant dans sa pureté. Ce sentiment d’inquiétude, d’imprévu, flotte dans l’air. Mais les plus nerveux peuvent se rassurer : le chemin, bientôt, s’échappera de cette forêt indomptée.
Finalement, après cette immersion dans la nature brute, le chemin atteint un point de libération au lieudit Pierre Blanche, où il rejoint une petite route, presque anonyme, qui marque la fin de ce long passage à travers la forêt. La civilisation revient, mais la sauvage beauté du chemin, elle, restera sans doute gravée dans la mémoire du marcheur.

Section 6 : D’un col à l’autre

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours plus facile ici, mais parfois encore avec quelques pentes marquées.

La route, perdue sous les épicéas, s’approche des maisons discrètes de la Combe des Rioux, où la végétation, dense et indomptée, semble engloutir les constructions. Les maisons, là, paraissent figées dans un silence profond, comme suspendues dans un temps qui ne semble plus appartenir au monde. C’est ici que la départementale D533 reprend sa place, bousculant un peu l’atmosphère paisible.
La Via Adresca, quant à elle, continue de suivre cette départementale jusqu’à Le Fringuet. Un mince sentier herbeux longe la route, tentant de soustraire les voyageurs à la violence de la circulation incessante sur cet axe majeur, le seul à relier Valence au Puy-en-Velay. Ce contraste entre l’urgence du passage et la nature qui l’entoure semble suspendre le temps, comme un souffle court, un fragile équilibre.
Au Fringuet, un pèlerin fait de l’auto-stop. Il veut rejoindre le Puy-en-Velay, car pour lui, le Chemin de Compostelle ne commence qu’à cet endroit précis. Que dire des idées préconçues véhiculées par internet et les légendes qui entourent le pèlerinage ? Tout semble devenu une question de destination, comme si l’on pouvait réduire l’essence du voyage à un simple point de départ ?

C’est à cet endroit que l’on peut aussi se restaurer. Les routiers s’arrêtent régulièrement, attirés par la grande place qui s’offre à eux. La quiétude de la pause semble dérisoire face à la frénésie des moteurs et des vies pressées.

Mais la Via Adresca, elle, n’a pas l’intention de se laisser dominer par la route. Elle trouve un sentier sous la départementale, comme une respiration qui permet au marcheur d’échapper à la densité du trafic. Le vacarme de la circulation semble soudainement très lointain, presque étouffé par les arbres.
Le sentier plonge alors brièvement dans un sous-bois dense, presque sauvage, qui s’étend sous la route. Là, la nature se fait plus brutale, l’ombre des arbres épais semble vous engloutir, les racines saillantes emprisonnent le sol dans un entrelacs rugueux, comme une étreinte sans fin.
Mais bientôt, le sentier débouche sur une petite route qui serpente, remontant doucement vers la départementale. La transition entre les deux mondes se fait sans bruit, comme une autre étape dans cette traversée.
La Via Adresca atteint alors le Col de Leyrisse, à près de 600 mètres d’altitude. C’est ici que l’on quitte définitivement l’axe de la D533, qui mène au Puy-en-Velay, et l’on s’engage sur la D14, la route qui file en direction de Vernoux-en-Vivarais, une étape à venir. Ce col, suspendu entre deux mondes, marque un tournant : d’un côté, la grande voie, bruyante et animée, de l’autre, le chemin plus intime, plus secret, qui se faufile vers la suite de l’aventure.

Ici, si l’on avait choisi l’autre itinéraire, on aurait rejoint ce même point en passant par St Romain-de-Lerps, en évitant St Péray. Le GR43/420, qui suit cette variante, affiche les traditionnelles bandes rouges et blanches comme signalisation. Cependant, la coquille bleue de Compostelle reste présente, discrète mais rassurante. Ces symboles, comme un fil d’Ariane, guideront ici le pèlerin vers le même but. 

Les deux parcours se fondent alors sur une petite route, filant en direction de Rosières, s’élevant avec une certaine rigueur à travers des prés, entrecoupés de maigres cultures de céréales qui, telles des taches de lumière, ponctuent l’étendue verdoyante. La montée est raide, mais elle dégage une sensation de solitude, loin des tumultes des vallées plus peuplées.
À mesure que l’on prend de la hauteur, la pente se fait plus douce, se diluant dans la tranquillité des prés parsemés de bosquets de chênes verts. La route franchit le sommet de la colline, et le paysage bascule alors, la descente amorçant le flanc opposé dans une courbe légère, presque apaisante. L’horizon se déploie alors sous un ciel qui semble plus vaste, plus pur.
Peu après, la route atteint la bifurcation de Rosières, un carrefour de chemins, où il devient crucial de faire un choix. L’indécision pèse ici, mais la voie la plus évidente, la plus directe, reste la Via Adresca. Elle continue en direction de Boffres, de Cerisier, et suit le même tracé que le GR42/420, un itinéraire qui mène en toute sécurité vers le Col de Pensoye. Il y a ici une certaine sérénité dans cette orientation, une certitude que l’on suit la bonne route, celle qui mène au repos.

 

Pour vous aider, voici un résumé des chemins qui passent dans la région. Le GR42A va à Alboussière, mais il n’y a aucune raison de prendre cette voie. A Alboussière, seul est disponible le camping, et encore pas toujours ouvert, près de la rivière, mais on peut aussi se restaurer dans le village. Depuis Alboussière, on peut aussi continuer sur le GR42A qui conduit aussi au Col de Pensoye, où vous retrouvez la Via Adresca.

Reprenant la Via Adresca et le GR420, un chemin caillouteux monte alors, sèchement, mais brièvement, à travers les prés, vers un petit plateau, témoin d’une histoire mouvementée. L’Ardèche, terre d’affrontement pendant les Guerres de Religion, reste marquée par cette histoire, et ces lieux, longtemps disputés, rappellent les traces d’une époque où les protestants et catholiques s’affrontaient. Les souvenirs semblent s’incruster dans le sol comme des racines profondes.
Au sommet de la butte, le chemin devient plus doux. Il serpente agréablement, oscillant entre herbe fraîche et terre battue, en une ondulation régulière, épousant les contours du plateau. C’est un moment de calme, presque méditatif, où l’on prend le temps de contempler l’horizon.
L’âme du lieu semble se révéler ici, dans ce paysage simple mais reposant. Le chemin alterne entre les prairies ouvertes et les champs de céréales, un décor presque idyllique qui conduit peu à peu vers une forêt d’épicéas, dont les arbres sombres semblent se fondre dans le ciel. Une musique silencieuse semble émaner du paysage, un chant léger porté par le vent qui s’infiltre entre les troncs.
Peu après, le chemin plonge à nouveau dans un sous-bois épars, où les frênes, les houx, les sorbiers et les chênes verts s’entrelacent avec les châtaigniers et les épicéas. La lumière, tamisée par les feuillages, donne au sentier une atmosphère presque mystique, comme si le temps était suspendu, immobile.
Plus loin, le chemin, devenu un peu plus rocailleux, amorce une descente vers le Col de Pensoye. L’air devient plus frais à mesure que l’on s’enfonce dans ce décor forestier où les collines, recouvertes principalement de chênes verts, créent une mer de verdure compacte, comme un tapis de nature qui recouvre tout sous son épais manteau.
En arrivant au lieudit Bouchard, le chemin rencontre la départementale D42. Cette route, nettement plus calme que celle du Puy, traverse des paysages plus sereins, conduisant à Boffres puis à Vernoux. C’est un axe plus paisible, qui contraste avec l’agitation des grands axes.
Quelques centaines de mètres plus haut, la route atteint le Col de Pensoye, un point d’étape qui semble s’arrêter dans une sorte de cul-de-sac, sans village à proximité immédiate. Vernoux-en-Vivarais reste encore éloigné. Ici, il devient impératif de quitter le Chemin de Compostelle/GR420, qui monte plus haut, si vous désirez vous reposer pour la nuit. En suivant la route, à moins d’un kilomètre, vous trouverez deux maisons d’hôtes juste en dessous du col, à Cerisier. Ces lieux, charmants et accueillants, offriront le réconfort nécessaire après cette longue journée de marche. Il va sans dire que la réservation est fortement conseillée si vous ne souhaitez pas passer la nuit à la belle étoile.

Demain, lorsque le jour se lèvera, vous reviendrez ici pour poursuivre votre voyage, toujours guidé par la Via Adresca.

Logements officiels sur la Via Adresca

 

  • Côté Sud, Allée Mistral, St Péray; 04 75 40 55 56 ; Hôtel, repas, petit déj.
  • La Ferme des Ratzes, gîte équestre, Col de Ponsoye/Cerisier ; 06 20 20 78 26 ; Chambre d’hôte, repas, petit déj.
  • Véronique Legrand, L’Abéale, Col de Ponsoye/Cerisier ; 04 75 84 58 10/06 80 54 97 75 ; Chambre d’hôte, repas, petit déj.

Accueils jacquaires (voir introduction)

  • Cornas (1)
  • St Péray (2)

Sur la Via Adresca, les options d’hébergement sont presque toujours limitées. Vous ne traversez pas l’Ardèche touristique du Sud. Le logement est limité, même pour les AirBnB, dont les adresses ne sont pas disponibles. La liste ne répertorie que les logements situés directement sur le parcours ou à moins de 1 km du chemin. Le guide des Amis de Compostelle, quant à lui, recense toutes les adresses de logements disponibles, ainsi que celles des bars, restaurants et boulangeries le long du tracé, et même à plusieurs kilomètres du parcours. Pour se restaurer, il est possible de faire une pause à StPéray, qui dispose de tous les commerces, ainsi qu’au Pin et à Fringuet, situés sur le parcours. À la fin de l’étape, vous serez proche d’Alboussière, avec tous les commerces, mais sans possibilité de logement. Heureusement, deux chambres d’hôte sont disponibles à moins d’un kilomètre du col de Ponsoye, au lieu-dit Cerisier. Il est impératif de réserver à l’avance.

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 13: Du Col de Ponsoye/Cerisier à Chalencon
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