Etape 10 : St Antoine-L’Abbaye à Mours-St Eusèbe

Une côte d’enfer, un vrai canyon et une rivière de galets

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-st-antoine-labbaye-a-mours-st-eusebe-par-la-via-gebennensis-adresca-32829624

Tous les pèlerins ne sont pas forcément à l’aise avec la lecture des GPS ou la navigation sur un portable, d’autant plus qu’il existe encore de nombreuses zones sans connexion Internet. C’est pourquoi, pour faciliter votre voyage, un livre dédié à la Via Gebennensis par la Haute-Loire est disponible sur Amazon. Bien plus qu’un simple guide pratique, cet ouvrage vous accompagne pas à pas, kilomètre après kilomètre, en vous offrant toutes les clés pour une planification sereine et sans mauvaises surprises. Mais au-delà des conseils utiles, il vous plonge dans l’atmosphère enchanteresse du Chemin, capturant la beauté des paysages, la majesté des arbres et l’essence même de cette aventure spirituelle. Seules les images manquent : tout le reste est là pour vous transporter.

En complément, nous avons également publié un second livre qui, avec un peu moins de détails mais toutes les informations essentielles, décrit deux itinéraires possibles pour rejoindre Le Puy-en-Velay depuis Genève. Vous pourrez ainsi choisir entre la Via Gebennensis, qui traverse la Haute-Loire, ou la variante de Gillonnay (Via Adresca), qui se sépare de la Via Gebennensis à La Côte-Saint-André pour emprunter un itinéraire à travers l’Ardèche. À vous de choisir votre parcours.  

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

Aujourd’hui, préparez-vous à un véritable tourbillon émotionnel, un enchaînement de sensations aussi imprévisibles qu’exaltantes. Vous quittez les hauteurs du Chambaran pour plonger dans la plaine de l’Isère, mais attention, ce n’est pas une descente tranquille. Non, le parcours joue les montagnes russes, vous faisant passer d’une montée vertigineuse à une descente effrénée, comme un train fantôme qui ne vous laisse aucun répit. Le parcours suit en grande partie le cours de la Savasse, une rivière capricieuse qui, la plupart du temps, semble se faire oublier, son lit de galets abandonné, désert, comme un vestige silencieux de la puissance de la nature. Pourtant, lors de violents orages, la rivière sait se rappeler à vous avec une force inattendue, menaçant les terres environnantes de sa colère soudaine. Mais ce n’est pas tout : les galets, loin de se cantonner à la rivière, se retrouvent aussi sous vos pieds, vous les ressentirez à chaque pas, partout. Vous allez être confronté à un terrain rugueux, aux textures variées, comme un terrain de jeu impitoyable, mais fascinant. Au détour de cette étape, vous découvrirez des lieux dont les noms seuls suffisent à évoquer une atmosphère d’aventure : la Grande Combe et la Combe du Ravi. Ces lieux, marqués par la nature indomptée, sont un véritable défi pour l’âme du randonneur, un appel à l’exploration sans fin. Mais ce qui frappe dans cette étape, c’est le contraste étonnant entre les contreforts abrupts et la proximité de la plaine de l’Isère. Vous n’êtes qu’à quelques pas de la civilisation, et pourtant, vous vous sentez transporté dans un autre monde. Ce sont des canyons sauvages, des jungles luxuriantes, où l’ombre des arbres et la végétation dense s’imposent comme des écrins naturels. C’est dans ces espaces indomptés que les randonneurs et cyclistes se livrent à des défis exaltants, s’abandonnant aux plaisirs d’un terrain qui se dérobe sous leurs pieds. Une grande étape, en somme, pour tous ceux qui aiment les chemins de traverse, les sentiers inexplorés et l’imprévisibilité du voyage. Chaque instant ici est une promesse de surprises, et vous n’êtes jamais à l’abri d’une découverte inattendue.

Difficulté du parcours : Les chiffres peuvent sembler trompeurs à première vue (+489 mètres/ -669 mètres) pour une étape de 26 kilomètres. Ces chiffres ne sont pas insurmontables, mais ne vous y fiez pas. Le parcours est marqué par de nombreuses portions de plat, qui laissent parfois entrevoir une certaine facilité. Cependant, dès que le chemin s’élève ou descend sur les galets, tout devient plus complexe. Les pierres roulent sous les pieds, l’effort est plus exigeant, les montées se font plus raides, et chaque descente devient une épreuve pour les articulations. Le parcours débute par une longue montée au-dessus de St Antoine-l’Abbaye pour rejoindre les forêts. Il y a quelques belles pentes sur le parcours. Puis la descente dans la forêt jusqu’à Montmirail ne pose aucun problème. Les montagnes russes sont assez prononcées pour rejoindre St Michel-sur-Savasse. C’est surtout ici que part la terrible montée de la Grande Combe. Une fois là-haut, tout se passe sur des roulettes jusqu’à retrouver le canyon de la combe du Ravi. Un vrai plaisir ! Puis, tout se calme pour rejoindre Mours-St Eusèbe, presque dans les fourrés.

État de la Via Adresca : L’étape du jour se passe à égalité sur les routes et les chemins :  

  • Goudron : 13.1 km
  • Chemins : 13.1 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les vrais dénivelés, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Section 1 : Dans les bois et les prés au-dessus de St Antoine-l’Abbaye

Aperçu général des difficultés du parcours : montée longue, de près de 4 kilomètres, régulière, avec des pentes n’excédant pas les 15%, mais il y a tout de même 200 mètres de dénivelé à avaler.

La Via Adresca reprend son souffle à St Antoine-l’Abbaye, déployant ses méandres à travers le lacis des ruelles étroites, au creux du bourg. Ce lieu, lové dans l’ombre bienveillante de son abbaye intemporelle, semble lui aussi suspendu hors du temps. Ses maisons, empreintes d’une dignité patinée par les siècles, dévoilent des pierres chargées d’histoire, certaines exhibant même une austérité presque médiévale.
À l’orée de la cité, le murmure discret du ruisseau Furand résonne dans le vallon étroit où il serpente sous un dais de feuillages. Ce filet d’eau, à la fois modeste et envoûtant, semble recueillir dans son cours les confidences du passé.
La Via Adresca emprunte la route de Romans et franchit un pont de pierre, imposant dans sa simplicité et pourtant subtilement marqué par l’usure des âges. Sa structure, faite d’assises polies, témoigne d’une mémoire accumulée, comme si chaque pierre avait été soigneusement déposée pour défier l’érosion du temps. On annonce les cabanes perchées de Fontfroide, nichées dans les châtaigniers, offrant un refuge suspendu entre ciel et terre pour ceux qui aspirent à une nuit insolite.
Très vite, un choix s’impose. Une bifurcation. C’est ici qu’il faut délaisser la route principale pour suivre la petite route de gauche. En en quête des cabanes de Fontfroide, c’est aussi votre route. En voiture, il faut persévérer tout droit.
Cette route dérobée prend le nom de route de Montmartel et s’élève avec une vigueur certaine sous une voûte d’arbres imposants. La pente constante, invite à l’effort, récompensé bientôt par une récompense visuelle.
Depuis ce belvédère naturel, la vue embrasse le bourg et l’abbaye, joyau gothique enchâssé dans une cuvette verdoyante. La majesté de l’édifice, avec ses arcs élancés et ses façades ciselées, est rehaussée par l’écrin profond dans lequel il repose, accentuant encore son aura mystique.
Plus haut, la route atteint le hameau de Montmartel. C’est ici qu’il faut quitter la Via Adresca si vous souhaitez explorer les cabanes de Fontfroide. Pour y aller, c’est un chemin balisé qui vous guidera sur un kilomètre ou plus à travers des collines où le silence n’est troublé que par le bruissement des feuilles et le chant discret des oiseaux. Ces cabanes, véritables institutions locales, incarnent une parenthèse bucolique, suspendue hors du temps.

Quant à la Via Adresca, elle s’écarte finalement de l’asphalte pour se lover dans un chemin de terre large et accidenté. Les galets, incrustés dans la terre ocre, crissent sous les pas, évoquant une mélodie primitive que seuls les marcheurs attentifs peuvent entendre.

Peu après, le chemin s’ouvre sur un plateau fertile où s’étendent, à perte de vue, les sillons bien ordonnés des cultures. Le maïs, haut et majestueux, danse au gré du vent, tandis que l’avoine, plus discrète, offre son ondulation délicate, comme un tableau impressionniste mouvant.
Puis, le chemin amorce une danse sinueuse au milieu des prés, comme porté par une force douce et apaisante. La pente s’adoucit enfin, comme si la colline elle-même s’était laissé séduire par la quiétude environnante. Les galets, qui râpaient jusqu’alors sous les pieds, semblent s’être éclipsés par enchantement, laissant place à un tapis de verdure soyeux.
Tout autour, ce ne sont plus que des prés, vastes et paisibles, étendus sous un ciel qui semble sourire. Plus loin, le chemin s’immisce dans un sous-bois où les frênes élancés côtoient les châtaigniers, éternels gardiens de ces lieux.
Là, dans l’ombre fraîche, le chemin révèle des bancs de marne grise qui contrastent avec l’ocre de la terre. Quelques galets du Chambaran, discrets et éparpillés, refont timidement surface. À leurs pieds, de petits vallons accueillent le murmure léger du ruisseau de Font Froide et de ses innombrables affluents, qui s’entrelacent comme les lignes d’un parchemin ancien.
À la sortie de cet écrin boisé, le chemin poursuit son ascension modérée avant de plonger doucement sur le flanc d’une colline. Le regard, happé par la descente, devine au loin la route de Romans.
Le parcours débouche sur la petite départementale D27C, traversant le lieu-dit La Bergère. Ici, au pied d’une croix de fer solidement ancrée dans un rocher, la nature reprend ses droits, sauvage et indomptée. Ce point semble marquer une halte spirituelle, une pause offerte au voyageur par la simplicité solennelle du paysage.
La route entame alors une montée prolongée, mais d’une pente douce, serpentant le long de la colline en direction de la forêt. C’est également ici que les véhicules empruntent la voie pour atteindre les cabanes de Fontfroide.
En haut de cette montée, la route rejoint la départementale D20B. Ce tronçon, peu fréquenté, semble appartenir aux troupeaux qui paissent nonchalamment dans les pâturages adjacents. Les charolaises, imposantes et dociles, y ajoutent une touche pastorale, presque picturale.
Après quelques centaines de mètres sur cette départementale, la Via Adresca bifurque à nouveau, dénichant l’impasse des Reynauds. Là, une petite route audacieuse s’élève vers la forêt, comme une invitation à renouer avec la quiétude des bois.
Au bout de l’impasse, le chemin s’enfonce dans la forêt, et, surprise, les galets du Chambaran refont leur apparition, surgissant comme des souvenirs enfouis qui auraient refusé l’oubli. Le chemin grimpe alors résolument à travers les châtaigniers, serrés comme une armée en ordre de bataille, mais la montée, bien que vive, s’avère de courte durée.

Au sommet de cette colline, au lieu-dit Forêt de Thivolet, les galets s’évanouissent une nouvelle fois, et la pente s’assagit. C’est un point stratégique pour quitter la Via Adresca et rejoindre aussi les célébrées cabanes perchées dans les arbres, suspendues comme des nids secrets entre ciel et terre.

Section 2 : Dans la forêt de Thivolet

Aperçu général des difficultés du parcours : descente sans problème.

Alors, le chemin plonge à nouveau dans la forêt, comme happé par une ombre dense et omniprésente. Ici, les châtaigniers règnent en maîtres absolus, formant un labyrinthe de troncs tortueux et de ramures entremêlées. La lumière, filtrée par ce plafond végétal, s’amenuise à chaque pas, conférant à la scène un caractère presque oppressant. Ces bouquets de châtaigniers sauvages, dressés comme des sentinelles, étouffent toute perspective et enferment le marcheur dans une solitude forestière.
Heureusement, le chemin est bien balisé, et cela s’avère crucial. Les chemins sont innombrables dans cette forêt tentaculaire, et il serait facile de s’égarer. Des panneaux indicateurs jalonnent encore la voie, notamment pour les retardataires qui, dans un moment d’inattention, auraient manqué l’accès aux cabanes de Fontfroide, nichées en retrait du parcours principal.
La grande forêt de Thivolet, pourtant chargée d’histoire, ne séduit guère ici. C’est une étendue sauvage, un enchevêtrement de végétation où la Savasse prend sa source, mais elle manque de cette splendeur qui caractérise d’autres forêts du Chambaran. Les châtaigniers y prolifèrent, un éden pour les sangliers qui doivent se vautrer sans retenue dans les bourbiers d’argile. On raconte que François Ier, fervent amateur de chasse, y trouvait son bonheur. On comprend pourquoi : ces sous-bois humides et sombres semblent taillés sur mesure pour les traques royales.
Plus bas, alors que la pénombre s’intensifie, le paysage ne gagne guère en charme. Les troncs des châtaigniers s’affadissent, ternis par la grisaille de la terre argileuse. Le sol, en partie dénudé, laisse place à des ronces, des fougères luxuriantes et des herbes sauvages, indices de l’humidité constante qui imprègne cet endroit. Quelques chênes verts font une apparition timide, rares éclats de diversité sur ce tronçon du Chemin de Compostelle.
Certaines forêts semblent capables d’éveiller l’âme, d’enflammer l’imaginaire. Ce n’est pas le cas ici. Thivolet, dans cette section, oppresse plus qu’elle n’inspire. Même les clairières, théoriquement des havres de lumière, peinent à briser la monotonie de la terre glaise et des buissons touffus qui barrent le ciel. Peut-être cette morosité découle-t-elle d’un contraste cruel : hier encore, les sublimes forêts du Chambaran offraient leurs cimes baignées de soleil et leur terre vive. Aujourd’hui, tout semble terne, alourdi par la descente.

Enfin, les derniers mètres de forêt s’étirent, interminables. Les herbes folles envahissent le chemin, s’enchevêtrant avec les ornières laissées par les pas et les roues. Il reste 700 mètres avant de quitter cet environnement étouffant pour rejoindre le lieu-dit Les Paladrus. Certains randonneurs y parviendront avec un soupir de soulagement, comme s’ils s’échappaient d’une jungle oppressante. 

Le chemin se traîne encore, à travers ornières et touffes rebelles...
…avant de déboucher enfin sur le lieudit Les Paladrus. Ici, le chemin rejoint la départementale D52, une route qui s’étire à travers la vallée et file vers St Michel-sur-Savasse, puis encore plus loin jusqu’à Mours-Saint-Eusèbe. Ce croisement marque aussi une proximité relative avec Montmirail, distant d’environ deux kilomètres. Une transition, peut-être, mais pas encore une destination.
La Via Adresca franchit alors la départementale, comme une passerelle entre deux mondes, et s’oriente vers une colline douce et apaisante. Le décor se transforme soudain, rompant radicalement avec l’enchevêtrement sauvage des fourrés précédents. Ici, la nature semble avoir retrouvé son harmonie : une colline ondule doucement, parsemée de prairies ouvertes et de bosquets, baignée d’une lumière qui invite à la contemplation.
Vous atteignez bientôt le lieu-dit Le Penon, où la route s’étire calmement, comme fatiguée de ses propres méandres, et disparaît dans un sous-bois accueillant. Ce passage marque aussi une frontière invisible mais significative : vous quittez l’Isère pour entrer dans la Drôme, cette Drôme des collines qui porte bien son nom. Dans cette partie de la Drôme, la géographie prolonge celle de l’Isère : vallées encaissées et hauts plateaux, les fameuses “feytas”, où la roche morainique déploie son cortège de galets, témoins fossilisés de glaciers anciens. Préparez-vous à croiser ces cailloux, ronds et lisses, car le sol en regorge, avec une générosité presque provocante. 
Le sous-bois reprend doucement la main, enveloppant le chemin sous une voûte denses de feuillages. Les frondaisons tamisent la lumière en un jeu d’ombres mouvantes, offrant une atmosphère de sérénité. Ici, le chemin serpente à travers une nature plus discrète, où chaque pas semble réveiller les bruissements d’une faune cachée.
Après avoir traversé cette enclave boisée, le chemin s’ouvre sur un morceau de campagne éparse, avant que la route goudronnée ne reparaisse, presque timidement, à l’approche des premières maisons de Montmirail. Cette transition progressive, entre la forêt et le village, invite à ralentir, à s’imprégner du charme tranquille des lieux avant de regagner la civilisation.

Section 3 : De ruine en ruine près de St Michel-sur-Savasse

 

Aperçu général des difficultés du parcours : pente un peu plus prononcée à la hauteur de la Tour de Montmirail, puis parcours très casse-pattes pour redescendre sur St Michel-sur-Savasse.

Montmirail, naguère village animé, s’est vu peu à peu déserté, ne comptant aujourd’hui qu’environ 600 âmes. Une atmosphère de quiétude imprègne ses ruelles étroites, dominées par l’église Saint-Christophe, dont le clocher trapu et l’abside modeste se dressent comme des sentinelles du temps, héritées du XIIe siècle. Ces pierres anciennes murmurent encore des récits oubliés, témoins silencieux des siècles écoulés.
Lorsque vous atteignez le cœur de Montmirail, après avoir dépassé l’église, une vigilance particulière s’impose. Les panneaux de la Via Adresca, avec leur emblématique coquille, s’effacent presque dans le décor. Si votre regard glisse, vous risquez de filer par mégarde sur la route de St Michel-sur-Savasse. À l’angle de la Salle des Fêtes, une coquille timide est fixée, discrète au point d’être invisible à l’œil distrait. Ici, il faut être détective, flairant les indices. À cet endroit précis, la Via Adresca bifurque brusquement à angle droit pour s’élancer à l’assaut de la colline.
Une petite route, baptisée Chemin de la Tour, prend son départ depuis le village, montant avec une assurance tranquille vers la tour de Montmirail, vestige accroché au sommet.
La tour, visible assez rapidement depuis la montée, reste cependant distante. Comme une promesse lointaine, elle se profile sur la colline, sans se rapprocher aussi vite qu’on l’espérerait.
En gravissant la pente, la route longe un hameau à demi abandonné. Les maisons de pierre de taille, bien que partiellement ruinées, semblent chargées d’une noblesse triste. Ces édifices, témoins d’une autre époque, suscitent une réflexion amère : que pourrait-on encore tirer de ces demeures autrefois pleines de vie ? La route, bien que douce, se montre implacable dans sa régularité, serpentant sous les frênes, les chênes verts et les châtaigniers. La pente, n’excédant jamais 15%, invite à l’effort, mais sans brutalité.

Presque au sommet, la route atteint le lieu-dit de la Tour de Montmirail. En contrebas, le village de Montmirail s’étire, protégé par l’ombre majestueuse de la forêt de Thivolet, tandis qu’au loin, les éoliennes dressent leurs pales blanches, ajoutant une touche de modernité à ce panorama intemporel. 

Le chemin continue, contournant la colline sur un chemin de terre jonché de cailloux. La tour, vestige désolé, se tient à l’écart, laissée à son sort. Désormais en ruine, elle semble oublier le monde, perchée sur son promontoire solitaire.
Lorsque vous atteignez le sommet, un tout autre paysage s’offre à vous. Les steppes dominent, vastes et dégagées, et la vue s’élargit vers les collines ondulantes de la Drôme. À l’horizon, les crêtes acérées du Vercors et les montagnes d’Isère tracent une ligne de force, comme une toile magistrale peinte par la nature.
La descente de l’autre versant s’opère sur un chemin caillouteux, impitoyable. Les champs alentour, semés de pierres, racontent la rudesse du terroir. Les paysans, peut-être résignés, n’ont pas entrepris d’épierrer cette terre hostile. Pourquoi s’échiner ? La tâche serait monumentale, et les champs, tels qu’ils sont, se contentent de raconter leur propre histoire d’âpreté et de résilience.
Sur le pierrier, le chemin, si tant est que l’on puisse le nommer ainsi, amorce une descente hésitante, frôlant la lisière des sous-bois de chênes et de châtaigniers. Les galets ronds s’installent volontiers sous vos pieds, vous offrant une caresse aussi inattendue que sournoise à vos chevilles. La pente, pour l’instant, reste clémente, une simple mise en bouche avant des inclinaisons plus féroces.
Plus bas, comme par enchantement, le chemin s’adoucit, serpentant paisiblement à l’ombre d’un sous-bois bienveillant. Ici, les pierres semblent avoir disparu, emportées par quelque sortilège. La lumière filtrée par le feuillage offre un répit, une oasis d’ombre généreuse dans cet univers accidenté.
Mais la magie s’estompe vite, remplacée par des sillons profonds, véritables cicatrices laissées par des tracteurs dans une terre lourde, presque glaiseuse. Ces tranchées marquent le terrain d’un labeur, brutal et inévitable.
Une clairière s’ouvre alors, et comme une apparition, le village de St Michel-sur-Savasse se dévoile en contrebas, minuscule et solitaire sous le regard impassible des collines. Pourtant, le mauvais chemin persiste, s’entêtant dans sa descente, griffant le sol de ses cailloux et creusant des ornières dans la nature sauvage et désordonnée du sous-bois.
Et plus bas encore, le chemin devient franchement hostile, presque inhospitalier. Les buissons s’épaississent, les herbes folles envahissent l’espace, et les galets roulent sous vos pas, comme pour accentuer les pentes qui dépassent maintenant les 25%. Le paysage se fait bourbier, un calvaire prolongé où l’on n’espère qu’une seule chose : atteindre la fin, coûte que coûte.
Enfin, au bas de la descente, la récompense tant attendue apparaît : une petite route, plane et praticable. On en ressent une satisfaction profonde, presque triomphale, surtout par mauvais temps, où chaque pierre glissante aurait pu se transformer en piège.
La route suit son cours, passant bientôt devant une vieille église. Là, quelques ruines dispersées marquent l’ancien prieuré bénédictin de St-Pierre-de-Sérans, dont l’histoire remonte au XIIe siècle. Cette église, autrefois fière, fut ravagée par les troupes autrichiennes lors de leur occupation au début du XIXe siècle. Le cimetière qui l’environnait fut abandonné en 1905, emportant avec lui les souvenirs des âmes qu’il protégeait. Aujourd’hui, le site conserve une beauté mélancolique, presque irréelle. Une maison abandonnée, accolée maladroitement à l’église, nargue le temps qui passe. Peut-être est-ce cela qui rend ces lieux si poignants : leur beauté, amplifiée par le déclin, une âme persistante, témoin des époques révolues.

Section 4 : En route pour la Guerre et bien plus…

 

Aperçu général des difficultés du parcours : terrible côte sur près de 1 kilomètre, sur les galets qui roulent, à parfois plus de 20% d’inclinaison; puis repos bien mérité dans la forêt.

La route s’échappe en douceur depuis la Vieille Église, s’immisçant entre les noyers altiers et les arbres fruitiers modestes qui bordent les champs. Leur feuillage forme une canopée parcimonieuse, laissant entrevoir des éclats de ciel.
Puis, elle se courbe pour traverser la Savasse, une rivière à l’orgueil bien modeste. Ce cours d’eau, souvent réduit à un filet fluet, semble dessiner dans son lit sec une mélancolie discrète, avant de céder à la pente et de remonter vers le cœur du village.
La Via Adresca atteint alors Saint-Michel-sur-Savasse, paisible bourgade d’environ 600 âmes. L’église, à l’architecture moderne, offre un contraste un peu abrupt avec l’humeur ancienne de ces lieux. Ici, vous atteignez symboliquement la moitié de cette longue et exigeante étape, comme un souffle pris avant l’effort.

Osons un conseil : Si par malheur, vous effectuez cette étape par mauvais temps, évitez le passage vers la Tour de Montmirail et ses chemins terribles. Vous pouvez simplement suivre la route peu circulante de Montmirail à St Michel-sur-Savasse, sur environ 2 kilomètres.

À la sortie du village, une route s’arrache à la départementale D52, s’élevant vers un lieu curieusement nommé La Guerre, via le Chemin de la Grande Combe. Nulle hostilité ici, sauf celle de la pente. Le goudron s’allonge docilement au milieu des noyers et des arbres fruitiers, mais un œil attentif apercevra des galets entassés sur les bas-côtés, témoins d’un territoire travaillé pour les tracteurs des producteurs de noix et de châtaignes.

La montée, d’abord trompeusement simple, devient vite une véritable épreuve. Une rupture de pente révèle un spectaculaire éboulis de galets, comme si la colline elle-même s’était ébrouée de son manteau minéral. Ici, les inclinaisons dépassent les 30 %, et chaque pas semble glisser sur ce sol instable. Le combat est réel, impitoyable. On songe à « La Guerre » comme une épreuve des corps et des volontés. Sur les bas-côtés, on scrute en vain des passages plus cléments : ils sont rares, ces îlots de répit.

Par temps de pluie, ce chemin devient une arène hostile où chaque pierre se fait traître. Mais sous un ciel clair, la beauté du lieu s’impose, brute et minérale, rehaussée par une vieille ruine, solitaire et majestueuse, qui amplifie le sentiment d’un décor hors du temps.

Pour les marcheurs habitués aux pierriers alpins, cette montée s’apprivoise sans trop de peine. Mais pour les retraités du Chemin de Compostelle, souvent moins préparés à de tels défis, chaque pas devient une épreuve, chaque pierre un adversaire.
Par moments, la pente s’adoucit, presque en trompe-l’œil, avant de repartir de plus belle, plongeant le marcheur dans une forêt dense, presque primitive. L’atmosphère semble vibrer, ensorcelante et suffocante, comme si les arbres eux-mêmes murmuraient des incantations au vent.

Enfin, la délivrance porte un nom : La Côte Velay. Ce lieudit marque la fin de cette montée implacable. En un kilomètre et demi, vous aurez gravi 133 mètres, passant de 337 à 470 mètres d’altitude. Une bagatelle pour les alpinistes aguerris, mais pour les autres, chaque mètre s’apparente à une petite victoire.

Désormais, vos pas s’élèvent sur les hauteurs de la « feytas », ces hauts plateaux où les chemins, généralement dociles, offrent un répit bienvenu. Ici, les cailloux semblent avoir disparu comme par magie, non sous l’effort humain mais par la patiente œuvre de la nature. Sur ces terres sombres et austères, qui ne connaissent guère la richesse, une véritable châtaigneraie s’étend. Les troncs serrés comme des sentinelles projettent une ombre dense, plongeant le sol gris dans une lumière crépusculaire, où tout respire la retenue.
Plus loin, vous atteignez le lieudit Bellefont, et le paysage se transforme doucement. La forêt, auparavant presque oppressante, s’ouvre à davantage de diversité. Les châtaigniers continuent de dominer, mais ils cèdent par endroits le terrain aux chênes puissants, aux pins majestueux et aux érables au feuillage délicat. Le sol, adouci, devient un compagnon plus accueillant, absorbant les pas avec une souplesse inattendue.
Même si cette forêt forme un tout, les hommes aiment lui attribuer des noms évocateurs, comme pour mieux apprivoiser ces lieux sauvages. Vous vous dirigez maintenant vers le Bois Brûlé, un endroit singulier où la nature semble hésiter entre dureté et fragilité. Le sol y est compact, presque hostile, un mélange d’ocre et de gris glaiseux, impénétrable à l’eau. Même après des jours de soleil, de larges flaques subsistent dans les ornières, parfois gonflées en véritables lacs qu’il faut contourner prudemment. Les châtaigniers, eux, semblent se plaire dans ce chaos humide, leurs racines cherchant obstinément leur subsistance.
Lorsque vous atteignez enfin le lieudit Bois Brûlé, la forêt commence à s’effacer peu à peu. Deux kilomètres de promenade vous séparent encore de la Croix de Tournu, là où les arbres cèdent définitivement la place à des paysages plus dégagés, comme un horizon qui s’ouvre après le huis clos des sous-bois.

Section 5 : En route pour un joli canyon

 

Aperçu général des difficultés du parcours : descente sans problème jusqu’à la combe du Ravi. Là, c’est un peu plus particulier. Ici, ce n’est pas vraiment la pente qui est la majeure difficulté, c’est l’état du terrain.

Dans la forêt, la scène reste presque immuable : des flaques stagnantes s’accumulent dans les ornières creusées par le passage d’anciens chariots ou de tracteurs récents. La terre grise s’étale, dense et lourde, comme si elle contenait en elle une mémoire séculaire. Les châtaigniers, maigres et torses, semblent figés dans une lutte silencieuse contre ce sol ingrat. Parmi eux, quelques grands chênes sessiles élèvent leurs couronnes majestueuses, comme des sentinelles d’un temps révolu, tandis que des chênes verts se mêlent à l’ensemble, accompagnés parfois de rares pins ou d’érables qui se font discrets, presque timides dans cet univers sombre.
Puis, sans prévenir, le chemin offre une courte parenthèse dans un décor de galets épars, comme pour rappeler que la géologie, implacable et éternelle, dicte toujours ses règles. Ici, la pente se fait plus douce, une simple plaisanterie comparée aux épreuves des terrains abrupts de la « Guerre » précédente.
Lorsque le chemin sort enfin de la forêt, la lumière s’épanouit sous les grands chênes et dévoile un panorama saisissant. Les collines de la Drôme, élégantes et ondoyantes, plongent doucement vers la vaste plaine de l’Isère. Plus loin, à l’horizon, le Vercors s’impose, massif et immuable, baignant dans un éclat doré sous les rayons du soleil.
Après cette ouverture sur la beauté naturelle, le chemin se fait joueur et s’aventure le long des champs de céréales. Mais il ne s’y attarde pas. Très vite, il remonte à travers des broussailles où la végétation, plus sauvage, reprend ses droits. Là, le sol devient presque sableux, un terrain piégeur où les galets, tapis dans l’ombre, attendent de surprendre le pas du marcheur.
La montée est brève, un simple sursaut du relief, avant que le chemin n’atteigne enfin la Croix de Tournu. Dressée dans la campagne, cette belle croix de fer tend ses bras vers un horizon dégagé, comme une invitation au repos et à la contemplation.
À ce point précis, la Via Adresca prend un ton plus apaisant. Elle conduit en douceur vers Sainte-Ange, longeant une route goudronnée de 1,6 kilomètre, vide de toute circulation. Sous l’ombrage bienveillant des grands feuillus, le parcours devient presque méditatif.
La route serpente au gré des contrastes entre des bois ouverts et des forêts plus sombres, où les frênes serrés et les chênes semblent vouloir défier l’hégémonie des châtaigniers. Une lutte végétale, imperceptible mais réelle, où chacun cherche à capturer un fragment de lumière.
Enfin, à l’approche du hameau de Saint-Ange, l’espace s’ouvre à nouveau.
Ici, perché sur une colline dominant la plaine de l’Isère, face à l’imposant Vercors, s’étale un ancien site gallo-romain chargé d’histoire. L’église, construite en pierres, évoque une forteresse d’un autre âge. Son architecture romane du XIIe siècle, bien que marquée par des ajouts postérieurs, témoigne d’une sobriété magistrale. Sa façade, dénuée de tout ornement, impose un respect silencieux. Classée au patrimoine historique, elle est l’écho d’un passé glorieux. Pourtant, comme beaucoup de ces églises rurales sur le Chemin de Compostelle, elle reste close la plupart du temps, n’ouvrant ses portes qu’occasionnellement pour un dimanche… ou un mariage.

Le hameau, avec ses maisons de pierre accrochées au coteau, semble lui aussi figé dans le temps. La vie s’y est raréfiée, et la mairie, comme la cure, n’existent plus. L’église, rattachée depuis un siècle à la paroisse de Peyrins, continue cependant d’attirer les mariages. Et pour cause : la grange, transformée en salle de mariage, est devenue une attraction en soi, un lieu où le passé et le présent s’entrelacent.

La route s’étire sous Saint-Ange, serpentant à travers l’ombre dense des chênes centenaires. Ici, les oléagineux imposent leur présence, avec la dominance des champs de colza qui, à perte de vue, capturent la lumière d’une manière presque irréelle. La terre, dorée, semble respirer au rythme du vent qui soulève doucement les tiges.
À mesure que vous vous enfoncez, la route descend pour rejoindre un carrefour où les chemins s’entrelacent comme les fils d’une toile oubliée. En temps normal, vous auriez l’intuition que le sentier caillouteux qui grimpe vers la colline est le vôtre, mais une surprise vous attend. Ce chemin-là est barré, comme une invitation subtile à changer de direction. Les organisateurs de la Via Adresca, toujours à l’affût de découvertes inédites, ont tracé ici une variante qui promet de vous émerveiller. L’anticipation vous saisit, et déjà, vos papilles se préparent à l’inconnu. Salivez d’avance.
La route, désormais détournée, se glisse vers Pianières, dévalant la pente vers de rares maisons enfouies parmi les arbres fruitiers, silhouettes discrètes dans un paysage encore préservé. Ces résidences, un peu sauvages et discrètes, semblent appartenir plus aux saisons qu’à la main de l’homme.
Plus bas, un nouveau carrefour, où un chemin caillouteux s’élance, solitaire, vers les hauteurs. Mais non, ce n’est pas le vôtre. Le vôtre, celui qui vous attend, s’enfonce tout droit, droit dans l’impasse, tout droit dans l’inconnu.

Bientôt, vous voilà sur un étroit sentier, un véritable couloir de galets qui se précipite dans une pente abrupte, plongeant directement dans la Combe du Ravi. Le nom, presque prophétique, semble épouser la géographie d’un lieu où la nature, sauvage et rugueuse, s’impose dans toute sa splendeur brute.

Qui aurait imaginé qu’à seulement une dizaine de kilomètres de l’agglomération urbaine de Valence et Romans, villes animées comptant plus de 150 000 âmes, un tel joyau de la nature aurait pu se cacher ? L’étroitesse du sentier, la pente vertigineuse, tout concourt à faire de cette descente une expérience inédite, un pur délice pour les sens. Parfois, les galets se sont solidifiés en masses impénétrables, et les ornières, véritables gouffres, représentent un défi à chaque pas. L’endroit est si sauvage que l’on s’attend presque, à chaque mètre parcouru, à voir surgir une silhouette menaçante, un sanglier, ou peut-être un loup, surgissant des fourrés comme un spectre du passé.

Section 6 : La Savasse, une rivière ou un canyon ?

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté.

Au fond du ravin, le sable profond et doux remplace soudainement les galets, comme si, par un enchantement inattendu, vous vous retrouviez au bord de la mer. L’atmosphère devient presque irréelle, un paysage qui oscille entre l’aridité et la douceur, où le sol change à chaque instant, se métamorphosant sous vos pieds. Ici, les traces laissées par les vététistes sont bien plus nombreuses que celles des simples marcheurs, imprimées sur le sable comme des témoignages d’une vie vibrante, toujours en mouvement.
Le chemin, sans se presser, remonte légèrement, toujours caressé par ce sable fin, et rejoint une petite route asphaltée, somnolant sous les frondaisons généreuses. L’air semble suspendu, l’endroit invitant au repos, comme si le temps lui-même hésitait à avancer sous le dôme des arbres.
La route traverse alors une plaine étendue, bordée de sous-bois. La terre ici respire une sérénité profonde. La végétation, dense et protectrice, semble murmurer à chaque pas, presque imperceptiblement, une vieille chanson oubliée.
Au bout de cette plaine, les arbres fruitiers se dressent, fiers et silencieux, comme des témoins du temps. Vous arrivez alors sur une grande route, près de la Savasse, un lieu marqué par la contradiction entre le calme apparent et la violence souterraine de la rivière qui lui prête son nom.
La route longe la rivière, mais, curieusement, aucun murmure d’eau ne vient troubler le silence ambiant. Un calme étrange, presque surnaturel.

Et pour cause : voici la rivière. La Savasse, vous la voyez, mais vous ne l’entendez pas. Vous ne la sentez pas. Pas une goutte d’eau, juste un large lit de gros galets, figé dans une immobilité presque inquiétante. Pourtant, ce lit sans eau n’est qu’une illusion passagère. Car la Savasse, malgré cette apparence de tranquillité, est un véritable fléau, redoutée pour ses crues soudaines et dévastatrices qui, chaque année, défigureront la plaine de Romans-sur-Isère. Si vous doutez de cette violence, quelques vidéos sur Internet vous dévoileront la fureur de cette rivière quand elle se déchaîne. Lors de notre passage, la région n’avait pas vu la pluie depuis quinze jours, et pourtant la menace demeurait.

Un peu plus bas, un pont franchit la rivière. À cet endroit, un mince filet d’eau, à peine perceptible, serpente entre les galets. Mais, peut-être, l’eau circule-t-elle, à votre insu, sous le lit de pierres, invisible mais omniprésente.
Depuis ce pont, la Via Adresca poursuit son chemin, presque à plat, sur le Chemin des Blaches. Le nom, comme un écho du passé, évoque d’anciennes chênaies, témoins d’une époque révolue. La terre, ici, se fait presque sableuse, offrant à chaque pas un petit défi pour les pieds, un léger effort, presque plaisant. Le Chemin des Blaches est prisé des vététistes et des joggeurs, surtout le week-end, où leur nombre témoigne de la popularité de cette escapade en plein cœur de la nature.
Le Chemin du Bateau prend ensuite le relais, et ici, le sable se dispute le terrain avec le gros gravier, offrant un contraste frappant et vibrant sous vos pas. Le paysage semble jouer avec la texture de la terre, une petite bataille entre douceur et rugosité, qui vous pousse à vous ajuster sans cesse.

Au bout du chemin, la Via Adresca s’engage à angle droit sur la rue de Sallmard. Une transition discrète mais marquée, comme une invitation à un autre voyage.

Une petite route prend alors naissance, s’enfonçant dans la forêt, qui semble tout englober de ses ombres profondes.
Enfin, « rue » est un terme un peu exagéré pour décrire cet endroit, car la route finit en impasse, se perdant dans la terre battue, comme une frontière oubliée. Alors, un vrai chemin de terre s’élance, se faufilant entre les prés, dans un vallon d’une douceur presque parfaite, un havre de paix où la nature semble suspendue dans une éternité sans fin.

Section 7 : Dans les canyons exotiques de Mours-St Eusèbe

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté, avec des montagnes russes légères jusqu’à la fin de l’étape.

Au bout du petit vallon, le chemin, encore caillouteux, prend de l’altitude dans un sous-bois dense, avant de déboucher sur le Chemin des Grottes.
Ici, l’aventure prend un tour radicalement différent. Le paysage devient sauvage à l’extrême, comme un défi lancé à l’homme. La colline, percée de grottes et de cavernes mystérieuses, semble respirer une histoire ancestrale. Certaines de ces cavités, dit-on, remontent au paléolithique, témoin d’une époque révolue. Mais aujourd’hui, la rapidité du voyage vous laisse peu de temps pour explorer ces lieux de légende.
À quelques pas à peine de la civilisation, vous pénétrez dans un véritable canyon, où le sentier devient souvent si étroit qu’il semble se fondre dans la végétation. Le chemin descend, se faufilant entre les broussailles et les herbes folles, dans un univers brut, où la nature règne en maîtresse. L’endroit, de toute beauté, ne vous épargne cependant pas de quelques difficultés. Parfois, il vous faudra un peu de persévérance pour trouver votre voie parmi les nombreux sentiers qui serpentent à travers les fourrés. Mais tous ces chemins, aussi égarants soient-ils, vous conduiront inévitablement vers le bourg.
Les galets du Chambaran, qui vous ont accompagné jusque-là, laissent place à un sable doux, presque caressant, qui recouvre peu à peu le sol. Au détour du chemin, vous croiserez les vététistes audacieux, dévalant la pente à toute allure, ainsi que les joggeurs pressés qui peuplent les lieux durant le week-end. La foule semble se multiplier en un clin d’œil, comme un microcosme vivant, vibrant au rythme de cette nature intense. Au fond du vallon, le chemin s’élargit, vous signalant, peut-être, la fin de cette aventure sauvage, une transition imperceptible vers un monde plus ordonné.
Le Chemin des Grottes vous mène alors, tout en douceur, vers la périphérie de Mours-St Eusèbe, où le paysage se modifie peu à peu, donnant le sentiment de quitter la nature brute pour un endroit plus domestiqué.
La route, désormais plus calme, suit le Chemin des Marronniers, qui vous guide lentement vers le centre du bourg.
Mours-Saint-Eusèbe, petit bourg de 3 000 habitants, ne regorge pas de grandes attractions. Pourtant, cette localité semble figée dans le temps, conservant en son âme un parfum de passé et de nature indomptée. Le nom de Mours, qui évoque les marais qui jadis engloutissaient ces terres lorsque la Savasse rugissait jusqu’à Romans, résonne comme un souvenir lointain. Le passage du canyon, justement, est un témoignage vivant de ce que fut ce paysage autrefois : un lieu marqué par la puissance et la sauvagerie de l’eau. La légende, elle, parle d’un autre temps, où la colline servait de point de rencontre pour les sorciers et les païens primitifs, une histoire qu’on chuchote encore dans les ruelles. L’église du village, avec son clocher roman, classé monument historique, est un vestige de cette époque ancienne. Bien que modifiée au XIXe siècle pour intégrer des éléments de style néo-classique, elle conserve une partie de son âme romane, une fusion subtile entre le passé et le présent. Le musée d’art sacré, niché dans le village, invite à une exploration tranquille de cette dimension spirituelle.

Quant à l’hébergement, Mours n’offre aucune possibilité. C’est un peu comme une banlieue tranquille, éloignée des commodités d’une grande ville. La meilleure solution pour y loger reste donc de gagner Romans-sur-Isère, située à seulement deux kilomètres. Cette ville de plus de 30 000 habitants offre, elle, un choix bien plus large d’options, tout en restant proche de cette nature presque sauvage qui caractérise Mours.

Logements officiels sur la Via Adresca

 

  • M. Tardy, 1 Impasse des Lavandières, St Michel-sur-Savasse; 04 75 02 96 46 ; Chambre d’hôtes, repas, petit déj.
  • Gîte la Renaissance, Pont sur la Savasse ; 06 16 11 60 91 ; Gîte, repas, petit déj.

Accueils jacquaires (voir introduction)

  • Saint-Ange (1)

Sur la Via Adresca, les options d’hébergement sont presque toujours limitées. Vous ne traversez pas l’Ardèche touristique du Sud. Le logement est limité, même pour les AirBnB, dont les adresses ne sont pas disponibles. La liste ne répertorie que les logements situés directement sur le parcours ou à moins de 1 km du chemin. En revanche, le guide des Amis de Compostelle recense toutes les adresses de logements, ainsi que celles des bars, restaurants et boulangeries le long du tracé, et même à plusieurs kilomètres du parcours. Cette étape est particulièrement difficile en termes de logements. Il n’y a aucune possibilité d’hébergement à Mours-Saint-Eusèbe. Il est donc conseillé de se renseigner pour trouver un logement à Romans-sur-Isère (Office du Tourisme : 04 75 02 28 72), une grande ville située à seulement 2 kilomètres. Sinon, vous pouvez poursuivre jusqu’aux Balmes, un peu plus loin sur le parcours.

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 11: De Mours-St Eusèbe à Roche-de-Glun
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