03: Delle à Héricourt

De grandes forêts et de très beaux canaux

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-delle-a-hericourt-par-le-chemin-de-compostelle-110019419

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous pouvez trouver sur Amazon un livre qui traite de ce parcours.

 

 

 

 

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

Vous allez traverser trois départements aujourd’hui, comme on tournerait les pages d’un livre aux chapitres bien distincts. Delle, première escale, repose dans le Territoire de Belfort, cette frange orientale que l’on effleure à peine avant de glisser doucement dans le Doubs, par Fresches-le-Châtel et Brognard. Là, un monde s’ouvre, un monde clos d’eau, de forêts et de silence. À peine le temps d’un souffle, et l’autoroute franchie, vous voilà en Haute-Saône. Un autre territoire, une autre lumière. Trois départements, trois visages, et la promesse d’un voyage au long cours, presque initiatique. C’est une étape aussi vive que le vent qui traverse les feuillages, une étape qui décoiffe, qui éveille, qui surprend. On y passe sans crier gare de la forêt la plus dense, presque sauvage, aux berges radieuses du canal du Rhône au Rhin. La transition est brutale, presque irréelle, comme si deux mondes s’entrechoquaient sans se connaître. Dans les bois, c’est la solitude qui règne, souveraine. Rien que les arbres, leurs ombres mouvantes et leurs murmures anciens. La forêt semble sans fin, comme un labyrinthe d’écorce et de mousse où le doute s’insinue, lentement, insidieusement. Se perdre y devient une éventualité plausible, presque poétique. Mais dès que l’on atteint les canaux, tout s’apaise. La lumière s’élargit, le paysage s’ouvre. Le bonheur prend ici des allures de miroir d’eau, de lenteur bienveillante. On respire autrement.

Le canal du Rhône au Rhin est une ligne de paix dans la géographie. Il relie deux mondes fluviaux : la Saône, souple et méridionale, affluent du Rhône, et le Rhin, puissant, rigoureux, tourné vers le nord. Son parcours débute à Dijon, traverse Dôle, Besançon, Montbéliard, pour finir son cours peu après Mulhouse, là où les terres s’ouvrent vers l’Allemagne. Ce canal est né d’un rêve d’équilibre, un vieux rêve de roi et de stratèges. Sous Louis XIV, Colbert l’imagina, Vauban le dessina. Mais ce n’est qu’au XVIIIe siècle que l’ambition devint projet, puis œuvre. La première liaison date des années 1830, époque où la France croyait encore que le progrès passerait par l’eau. Des transformations considérables furent entreprises pour accueillir les bateaux de grand tonnage. Mais l’époque moderne, capricieuse, tourna ses yeux vers la route et le bitume. Les voix écologistes, justes et inquiètes, s’élevèrent contre certains aménagements trop brutaux. Une grande partie des projets s’arrêta, abandonnée au bord du chemin. Aujourd’hui, la navigation marchande s’est repliée vers le nord. Ici, c’est la navigation de plaisance qui règne. Les berges sont devenues chemins, puis pistes, et enfin artères douces pour des armées pacifiques de cyclistes, avides de lenteur et de beauté.

Il existe, quelque part sur Internet, un petit ouvrage sans prétention : Le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle – Alsace-Franche-Comté-Bourgogne. Un livre modeste, plus précieux pour ses adresses de gîtes que pour l’indication des chemins. Car les parcours qu’il suggère sont, souvent, de véritables casse-têtes. Cela ne relève pas tant des auteurs eux-mêmes que d’un système local complexe, éclaté. En Alsace comme en Franche-Comté, les balisages prennent des formes diverses : cercles, triangles, losanges, rectangles, et ce, dans un joyeux concert de quatre couleurs. Le marcheur, au lieu d’être guidé, devient enquêteur. Où est la voie ? Où est la coquille ? Parfois absente, parfois cachée. Et pour corser le tout, surgissent les GR, ces grands itinéraires nationaux qui croisent votre route sans vous prévenir. Le GR5, en l’occurrence, que l’on croisera aujourd’hui. Mais qu’on se rassure : il sera discret, presque courtois. À peine une ombre portée sur votre parcours. Vous verrez, en nous lisant, que cette étape se lit autant qu’elle se vit.

Comment les pèlerins planifient-ils leur parcours ? Certains s’imaginent qu’il suffit de suivre le fléchage. Mais vous constaterez à vos dépens que le fléchage est souvent déficient. D’autres utilisent les guides à disposition sur Internet, eux aussi souvent trop élémentaires. D’autres préfèrent le GPS, à condition d’avoir importé sur le téléphone les cartes de Compostelle de la région. En utilisant cette manière d’opérer, si vous êtes un expert de l’utilisation du GPS, vous ne vous perdrez pas, même si parfois le parcours proposé n’est pas exactement le même que celui proposé par les coquilles. Mais, vous arriverez sauf à la fin de l’étape. En la matière, le site qu’on dira officiel est le parcours européen des Chemins de Compostelle (https://camino-europe.eu/). Dans l’étape du jour, la carte est correcte, mais ce n’est pas toujours le cas. Avec un GPS, il est encore plus sûr d’utiliser les cartes Wikilocs que nous mettons à disposition, qui décrivent le parcours actuel fléché. Mais tous les pèlerins ne sont pas des experts de ce type de marche, qui pour eux, défigurent l’esprit du chemin.  Alors, vous pouvez vous contenter de nous suivre et de nous lire. Chaque embranchement difficile à déchiffrer du parcours, a été signalé, pour vous éviter de vous perdre.

Difficulté du parcours : Le trajet du jour ne montre pas de forts dénivelés (+252 mètres/-280 mètres). C’est une étape facile et agréable, avec de rares pentes au-dessus de 10%.


État du parcours : Aujourd’hui, il y a un peu plus de temps passé sur les chemins. Il y a du goudron, mais souvent c’est la piste cyclable et non la route départementale :

  • Goudron : 13.2 km
  • Chemins : 15.7 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Dans la campagne et les bois de Delle

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans grande difficulté.

Delle est une cité aux multiples visages, éclatée en quartiers disparates, qui portent les marques des époques successives : bourgs anciens, cœurs ouvriers, urbanismes plus récents, mais souvent disjoints. Une ville de seuils, de transitions, presque indécise. Le Chemin de Compostelle y prend naissance dans la vieille cité, là où le pavé raconte encore des histoires : dans la Grand-Rue, tout près de l’église, comme il se doit. C’est ici, dans cette part préservée de la ville, que le pèlerin met ses pas dans ceux des anciens. Tout de suite, un rond-point se présente, presque en embuscade, et la Rue de la Paix s’élève. C’est elle qu’il faut prendre. La reconnaître est essentiel, vital même, tant Delle peut déconcerter, labyrinthique à souhait. Rater cette rue, c’est s’égarer dans un enchevêtrement de voies sans mémoire.

La Rue de la Paix mérite son nom, mais elle se mérite aussi. C’est une rue montante, qui peu à peu quitte l’enceinte urbaine pour se fondre dans la lisière du dehors. Une rue de sortie, de délivrance presque. Pour l’instant, les bifurcations restent rares. Le marcheur débute encore avec assurance. Mais déjà, le balisage spécifique à la région s’impose, avec sa logique propre, parfois déconcertante. Ici, la coquille, votre guide sacré, ne vous montrera jamais le chemin à suivre. Elle est là, discrète, posée sur un arbre ou un muret, et se contente de signifier que vous marchez sur le Chemin de Compostelle. Elle est comme un souffle de mémoire, un simple écho du pèlerinage, mais elle garde le silence sur la direction. C’est là que les doutes commencent, d’autant que l’itinéraire se partage avec deux autres voies.

Aux carrefours, où la logique voudrait des panneaux clairs, il faut souvent deviner. En principe, sans autre indication, on poursuit tout droit. Mais ce principe, comme tous les principes, souffre d’exceptions. Pour corser l’affaire, d’autres chemins s’entrelacent. Certains, marqués d’un cercle jaune, côtoient la voie du pèlerin. Le Chemin équestre, lui, flamboie en orange. Une fête de couleurs, certes, mais aussi un festival de confusions. Simple, non ?

Dans cette banlieue étirée que l’on traverse longuement, ne vous laissez pas berner par la coquille. Elle est là, mais elle trompe. Sur les chemins officiels, comme le GR65, la base de la coquille indique la direction : ce serait à gauche, ici. Mais ce n’est pas le GR65. Ici, la coquille ne dit rien d’autre que : “Vous êtes là“. Rien de plus. Le parcours, en vérité, continue droit devant, sans détour, sans promesse. C’est une leçon qu’on apprend vite, parfois à ses dépens. Une école de vigilance.

Plus haut, vous quittez Delle pour de bon. La ville se dissipe comme une vapeur. La route, fidèle compagne, vous accompagne encore un moment, grise et docile. Le paysage commence à changer. Les maisons s’espacent. La nature reprend peu à peu ses droits, et l’on sent que le pas va pouvoir respirer à nouveau.

Très vite, le parcours croise une autre route, plus large, qui contourne Delle comme une ceinture. Elle enveloppe la ville, mais ne l’étreint plus. Ce contournement, sans charme particulier, marque pourtant un seuil net. C’est ici, dans cette apparente banalité, que l’on quitte définitivement l’espace urbain. Le souffle s’élargit.

Là, le parcours quitte la route, comme on tourne une page un peu trop épaisse.

Il s’enfonce sous les frondaisons modestes d’un sous-bois où ne poussent que des rejetons malingres de hêtres, frêles et pâles, comme si la forêt hésitait encore à naître.

Plus haut, le parcours tourne à angle droit, accompagné toujours de la piste équestre et du cercle jaune énigmatique.

Malgré les jours de beau temps, le sol garde la mémoire des pluies récentes. Il est creusé, labouré de rigoles, entaillé comme une terre blessée. Chaque pas s’enfonce légèrement, un bruit sourd monte sous la semelle, et le marcheur comprend qu’ici, la sécheresse n’est qu’un mirage.

Mais ce tunnel végétal est bref. Peu après, le chemin s’échappe du bois et longe sa lisière, dans une herbe drue et inégale, comme si la forêt, pudique, laissait entrevoir son flanc. Ce passage, mi-clairière, mi-coulisse, accompagne le pas dans une sorte d’entre-deux, un souffle vert au bord de l’ombre.

Hélas, ce répit bucolique ne dure pas. La nature ici ne charme guère. Le regard se perd dans une mer de maïs monotones, sans relief, sans musique. Rien ne chante dans ces champs, tout semble figé. 

Un peu plus loin, le chemin réintègre le bois, comme un animal blessé qui retourne à son terrier. L’atmosphère change aussitôt. L’air se fait plus lourd, la lumière plus rare. Le sol, d’un noir profond, est souvent détrempé, saturé par les eaux que la forêt conserve jalousement.

Les hêtres, eux, veillent, silencieux et impassibles. Ils sont droits comme des baguettes de chef d’orchestre, rigides, réguliers, un peu sévères. Quelques rares frênes les accompagnent, timides figurants dans cette austère scénographie. Il faut bien le dire : cette forêt n’a rien de séduisant. Elle est fonctionnelle, disciplinée, presque militaire.

Dans la hêtraie, le chemin devient une épreuve. Il est fait d’une belle glaise, noble mais traîtresse. Sous vos pas, il s’est transformé en bourbier, sillonné de longues traces profondes laissées par les tracteurs. Le sol n’est plus un allié, il résiste, englue, freine la marche.

Plus loin, à force de patience, un chemin plus large prend la relève. Il s’impose, net. Ce large passage est presque un soulagement après les méandres du chemin précédent.

Et bientôt, comme un rideau qui se lève, le bois s’ouvre. La lumière revient, vive et franche.

Devant vous s’étendent à nouveau les champs de céréales, ponctués, bien sûr, par les éternels maïs. Mais cette fois, le paysage semble respirer.

Vous êtes toujours sur le bon chemin. Oui, vraiment. Ce petit soulagement mérite d’être savouré, tant il est délicat de ne pas se perdre dans les dédales balisés de l’Alsace et de la Franche-Comté. Et puis, miracle modeste : la coquille est enfin orientée dans le bon sens ! Sa base, cette fois, pointe dans la direction du chemin. Voilà une rareté qui réchauffe le cœur du marcheur, même si vous ne savez toujours pas pour qui est le cercle jaune.

Le parcours emprunte alors une petite route goudronnée, modeste mais régulière, avant de bifurquer sur la gauche vers une voie de terre battue.

C’est un tournant qu’il ne faut surtout pas manquer. Ici, l’inattention se paie cher, et le bon chemin se mérite à chaque croisement.

Section 2 : Une forêt angoissante, à cause de la peur de se perdre

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans grande difficulté.

Ici commence une longue traversée forestière, une heure environ, au rythme lent des pas dans la Forêt de Grande Noz. Le chemin s’élance droit devant, large et tranquille, en pente douce, comme s’il vous invitait sans ruse à entrer plus avant dans le silence des arbres. Les feuillus dominent, bien sûr, et les hêtres sont là en force, élancés, austères, mais peu à peu, les chênes leur tiennent tête. Majestueux, enracinés, ils élargissent la voûte, donnent à la forêt un air plus solennel, plus ancien. On sent ici une forêt vivante, qui ne dort pas, mais veille en paix.

Très vite, vous tomberez sur un panneau, aussi touffu que la forêt qui l’entoure. C’est un carrefour des chemins et des hésitations. En Franche-Comté, les sentiers sont innombrables, les croisements fréquents, et les indications souvent troublantes. Ce panneau en est un parfait exemple. Sous les multiples flèches, une coquille apparaît… juste au-dessous de la direction indiquant Fesches-l’Église. Mais hélas ! elle est encore une fois mal orientée. Si vous suivez cette voie, vous vous égarerez, comme tant d’autres avant vous. Pire encore, l’ancien guide officiel lui-même, pourtant bien intentionné, indique à ce point précis : “Suivez les rectangles verts“. Le nouveau guide récent n’indique plus aucun signe, si ce n’est de suivre le fléchage. Or, pas l’ombre d’un rectangle à l’horizon ! Ils devraient apparaître un peu plus loin, mais ce “plus loin“ demeure un mystère. Ici, c’est clair : il faut avancer tout droit, résolument, dans la direction de Morvillars, même si le parcours ne passe pas par ce village. Paradoxe du Chemin. Élémentaire, mon cher Watson, certes… mais encore faut-il avoir lu le bon chapitre.

Un peu plus loin, le chemin débouche sur une large clairière, sorte de place de parc improbable, un espace de respiration au milieu du bois. Mais toujours pas de rectangles verts en vue. En revanche, la coquille, fidèle et silencieuse, vous attend là, posée comme une main sur l’épaule. Elle vous propose de prendre à droite, en direction de Morvillars.

Deux options s’offrent à vous : poursuivre tout droit, par la voie de terre large et rassurante, alternative pragmatique (voir plan sur la carte), ou suivre, bravement, à droite, le vrai chemin de Compostelle, marqué de la coquille, malgré l’incertitude qu’il porte. C’est là qu’on reconnaît le pèlerin du flâneur,

À partir d’ici, le chemin devient plus capricieux. Il entre dans une zone où la piste équestre croise votre parcours. Le sol se durcit parfois sous les sabots imaginaires des chevaux, mais le balisage devient encore plus délicat.

Il faut garder l’œil aiguisé, presque inquiet, rivé sur la moindre coquille, toujours mal orientée. Sous la canopée serrée des hêtres, le chemin vire et revient sur lui-même, comme une pensée obstinée. Rien n’est droit, rien n’est simple. La forêt vous enveloppe. Souvent, le chemin se transforme en bourbier délicieux, où l’on patauge avec un soupçon de résignation joyeuse. On glisse, on s’enfonce, on rit parfois seul devant la maladresse de ses pas. Mais le bois ici est aimable. Dense, certes, mais pas oppressant. Il y règne un calme profond, une sorte de refuge végétal. On y accepte volontiers l’effort.

Un peu plus loin, la forêt s’écarte légèrement, laissant le ciel filtrer davantage. Cette ouverture est comme une respiration, un battement d’ailes. Le marcheur, l’espace d’un instant, se sent à nouveau relié au monde. On imagine aisément, à cette saison, les chasseurs aux aguets, leurs silhouettes postées entre deux arbres. La scène s’impose, sans violence, comme un écho des usages locaux. Mais ce répit est de courte durée. Rapidement, le chemin s’enfonce à nouveau, non plus dans les sous-bois sombres, mais dans des herbes hautes, épaisses, qui viennent lécher les jambes et parfois jusqu’aux genoux. Une mer végétale sans sentier bien tracé, où l’on progresse à tâtons, porté par la seule conviction d’être encore sur la bonne voie.

Peu après, le chemin contourne le Grand Étang, masse d’eau paisible, lovée au cœur de cette nature sauvage. Le lieu a quelque chose d’intact, de primitif presque. Rien ne bouge. Pas un frisson dans l’eau, pas un souffle dans les branches. Même les crapauds, ces bavards des soirs d’été, semblent avoir fait vœu de silence. L’endroit est si retiré, si calme, qu’on s’y sent presque intrus. On chuchoterait, comme dans une cathédrale verte.

Plus loin, le chemin change de visage. Il abandonne son allure désordonnée, ses tournants de liane et de boue, pour une voie plus large, plus droite, presque disciplinée. Le pas retrouve un rythme plus stable. L’esprit aussi.

Mais à peine le calme retrouvé, voici que la coquille, fidèle compagne du pèlerin, s’évanouit comme par magie. À sa place, c’est un cercle bleu qui surgit, discret mais tenace. On a perdu le cercle jaune pour un cercle bleu ! On se penche, perplexe. Alors on ressort le guide, on relit, on tente de comprendre. “Le sentier débouche sur un large chemin empierré. Quittez alors le balisage rectangle vert en tournant à gauche. Après 160 mètres, virez à gauche (balisage anneau bleu) pour un chemin plus ou moins marqué qui se poursuit ouest en sinuant légèrement.” Hélas, point de rectangle vert en vue. Sans doute ont-ils été avalés par cette forêt luxuriante, cette chlorophylle ruisselante qui engloutit tout. En revanche, le cercle bleu, lui, est bien là. Peut-être, alors, que malgré tout, nous sommes sur le bon chemin ? 

Puis la coquille réapparait plus loin, toujours escortée du cercle bleu. Vous êtes sur le bon chemin. Cela rassure.

Et voici que la forêt change à nouveau de ton. Elle devient belle, accueillante, presque tendre. Une grâce nouvelle émane des arbres. Pour la première fois, on aperçoit des épicéas perdus parmi les hêtres. Ils se dressent comme des visiteurs discrets, mêlant leurs aiguilles sombres au feuillage clair. C’est une forêt mixte, plus vivante, plus équilibrée. La glaise se fait traîtresse. Les flaques surgissent sans prévenir, épaisses et piégeuses. Mais les promeneurs, rusés, ont déjà tracé mille petits sentiers d’évitement. Ils serpentent en bordure, grimpent sur les côtés, s’écartent juste ce qu’il faut. Une toile de chemins tissée par les semelles prudentes.

Parfois encore, les ornières laissées par les tracteurs des forestiers labourent le sol meuble

Et puis soudain, miracle. Une belle coquille, éclatante comme une étoile sur un tronc, apparaît sur un hêtre. Elle pointe dans la bonne direction, et, joie suprême, elle est accompagnée du cercle bleu. Deux signes accordés qui chantent à l’unisson. Le cœur s’allège aussitôt. Vous n’aurez donc jamais vu la trace du rectangle vert, promis par le guide. Les lutins de la forât les ont dans doute avalés. Les hêtres, les chênes et les épicéas rivalisent de hauteur dans la nature sauvage, où parfois la canopée se fait plus discrète. 

Dès lors, le chemin se fait plus doux. On avance d’un pas plus confiant, presque joyeux. La forêt, généreuse, s’ouvre un peu, même si parfois le sol se dérobe encore. 

Peu après, le chemin, las de serpenter, se redresse et s’étire en ligne droite. Il longe désormais les tas de bois empilés par les bûcherons, preuves que l’homme, ici, travaille encore la forêt, la façonne, la traverse sans trop la troubler. 

Les hêtres dominent toujours, droits et nombreux, mais par endroits, les épicéas percent timidement à travers les futaies, comme s’ils tentaient un retour discret dans ce règne feuillu. Et l’on devine que le chaos forestier commence à céder un peu de terrain à l’ordre. Les chemins s’organisent, se dessinent mieux. La forêt devient moins inquiétante. On va finir par en sortir, c’est certain. Cette forêt, parfois si labyrinthique, si étouffante pour le pauvre pèlerin qui craint à tout instant de se perdre, semble enfin vouloir l’épargner. Peu après, vous rejoindrez le point d’arrivée de l’alternative mentionnée plus tôt. Les deux chemins, séparés depuis longtemps, se rejoignent ici comme deux lignes de vie qui, après avoir suivi chacune leur logique, finissent par se croiser. Un instant de réconciliation discrète, presque invisible, si ce n’est pour celui qui sait ce qu’il a évité, ou manqué.

Morvillars ? On n’en aura plus entendu parler. Le sentier équestre, avec ses rectangles orange ? Disparus aussi, comme le rectangles verts. Mais les chevaux, eux, trouvent toujours leur chemin, n’est-ce pas ? 

Section 3 : Vers le canal du Rhône au Rhin en passant par l’Allain

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Le parcours quitte ici le chemin de terre, à angle droit, comme une décision brusque mais ferme, pour sortir enfin de la forêt. Et lorsque vous apercevrez, au bout de l’allée, la première maison surgir doucement entre les feuillages, il y a fort à parier que vous pousserez, vous aussi, un grand soupir. Il marque la fin du bois, mais aussi la victoire discrète du marcheur sur la confusion, la boue et la crainte de s’égarer. Une route prend alors le relais, modeste mais claire, et file sur les hauteurs du bourg de Fesches-le-Châtel. On quitte la forêt sans regret, mais non sans un dernier regard en arrière. Le paysage s’ouvre, les repères redeviennent lisibles. Le monde revient.

La route emprunte la bien nommée Rue Sous le Bois. Et là, surprise : les coquilles fleurissent à nouveau, multiples, bavardes, presque trop. Ironie du balisage : quand il n’y a plus aucun risque de se perdre, on se retrouve cerné d’indications. Un peu comme ces amis qui vous donnent mille conseils… quand vous n’en avez plus besoin.

La route descend alors doucement, glissant entre les lisières du bois et les villas paisibles, jusqu’à croiser la Rue du Puit. Les maisons sont sages, les clôtures bien rangées, les jardins assoupis. On sent que la nature, ici, a été domptée, maîtrisée, urbanisée.

En bas, la route débouche sur un grand carrefour, à l’entrée de Fesches-le-Châtel, bourg d’un peu plus de deux mille âmes. C’est un lieu de passage, un point de croisement entre l’histoire et le quotidien. Mieux vaut ici quitter la départementale, trop rapide, et entrer dans le bourg. On y sent la mémoire ouvrière, encore présente. Fesches-le-Châtel, c’est un de ces villages nourris par l’industrie, marqué par la présence de la dynastie Japy, illustre nom de Belfort, dans l’horlogerie, les pompes, les machines à écrire. On devine, derrière les façades simples, le labeur discret de générations d’ouvriers.

Tout près du carrefour se dresse l’église St Laurent. Elle veille sur le village depuis les origines. Fondée au VIe siècle, en même temps qu’un monastère, elle est le cœur historique du lieu. L’église actuelle, de style gothique flamboyant, remonte au XVe siècle, mais les pierres ici ont connu bien des mains, bien des visages. Des ajouts postérieurs l’ont transformée sans la trahir.

La route traverse le bourg longuement.C’est une ligne droite, presque monotone, et le regard du marcheur y glisse sans s’attarder. Peu de charme ici, mais une continuité, une transition.

Bientôt, vous apercevrez le clocher pointu du temple protestant. 

Au bout de cette traversée linéaire, la route oblique légèrement, en direction du temple protestant. Le village, autrefois, possédait un château médiéval. Il a été transformé au fil des siècles, en moulin d’abord, car le ruisseau de la Feschotte coulait sous sa roue, puis en immeuble locatif. Comme tant de lieux, il a changé de visage, mais conserve encore quelque chose de son passé noble et utilitaire.

Après le temple, la route descend vers la rivière. Ici, le GR5 fait son apparition, venant du nord, marqué de ses deux bandes rouge et blanche. Vous partagerez quelques pas avec lui, le temps d’un compagnonnage discret. Le contraste est saisissant : après la lenteur végétale de la forêt, tout semble s’accélérer. La présence humaine est partout. La route bourdonne, les maisons se rapprochent. 

Montbéliard et Sochaux ne sont pas loin. On est déjà dans leur périphérie invisible, ce territoire à la fois dense et fluide, où le monde ne cesse de réapparaître. Il faut désormais viser Châtenois-les-Forges, distante de neuf kilomètres. Le Ballon d’Alsace, lui, s’efface à l’horizon, relégué à ses cinquante-sept kilomètres, comme un rêve trop lointain.

Ici coule la belle rivière Allan, perdue entre les bras souples des saules. L’eau, calme et presque secrète, glisse entre les herbes hautes. C’est un lieu de paix, un de ces endroits où le temps semble suspendu. Et pourtant, le paysage va changer ici de manière drastique, inattendue, pour votre plus grand bonheur.  

Dès lors, une longue route rectiligne, étroite et sans heurts, se présente.  Elle semble s’étirer à l’infini, prenant la direction de Brogard. À 3 km d’ici. 

Ce n’est plus vraiment l’Allan que vous suivez ici, même si la rivière n’est pas loin, coulant un peu plus haut, invisible mais présente. Non, ce que vous longez à présent, c’est un bras du Canal du Rhône au Rhin. Un de ces canaux tranquilles, dédoublés à l’infini dans cette région fluviale d’une complexité presque géographique. 

Les saules y plongent leurs racines et leurs reflets. De l’autre côté de la route, les jeunes hêtres, les chênes timides et les buissons touffus offrent un peu d’ombre au marcheur. Quand le canal se révèle enfin au regard, son eau est verdâtre, comme doucement fatiguée, parsemée de nénuphars. Sous les chênes, les hêtres, les érables devenus plus nombreux, la lumière joue à cache-cache avec les feuillages. Le canal est un miroir vivant, paisible. 

Plus loin, un pont enjambe le canal. Une péniche, amarrée là, semble endormie dans une sieste paisible, presque méditative. Le lieu est envoûtant, irrésistible. Un de ces endroits où l’on ralentit sans s’en rendre compte. Le canal poursuit sa route, droit vers Sochaux, tout proche. Il trace sa ligne d’eau avec obstination. 

Ici, la route change soudainement de cap. Un angle droit net, sans compromis. Elle file vers un pont-écluse, cette grande mécanique paisible, qui assure la jonction entre les canaux et la rivière Allan. La technique et la nature se rejoignent, ici, dans un équilibre presque poétique. 

Section 4 : Le long de l’extraordinaire Coulée Verte

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Alors ici, le parcours joue un ballet incroyable, dans une chorégraphie d’ingénierie entre les ponts, les écluses et les bras d’eau, d’un canal à l’autre. On se retrouve bientôt sur le Canal de Montbéliard à la Haute-Saône. 

L’écluse, monument discret mais crucial, agit comme un véritable garde-frontière entre les eaux. C’est un petit miracle d’hydraulique : les canaux se croisent, s’élèvent et s’enjambent, passant même par un pont-canal au-dessus de l’Allan qui serpente en contrebas. On ne s’étonnera jamais assez de ces prouesses humaines, surtout quand la magie s’en mêle. Car oui, la piste cyclable passe aussi par ici, dans un entrelacs fluide entre technique et nature. C’est rare, et cela mérite d’être salué, la Franche-Comté n’offre pas souvent de tels moments de grâce.

De l’autre côté de l’écluse, le canal s’élargit soudainement. Les bateaux sont souvent à quai, bercés dans une douce torpeur. L’ambiance est à la fois paisible et joyeuse, presque festive dans sa lenteur. C’est ici un lieu de bonheur simple, fait d’eau dormante, de végétation luxuriante et de canards affairés. On resterait des heures à regarder les reflets glisser à la surface, hypnotisé par ce spectacle calme et vivant.

Vous poursuivez alors le long du canal, sur une petite route charmante qu’on appelle ici la Coulée Verte. Ce canal, autrefois artère commerciale entre Saône et Rhône, ne transporte plus de marchandises. Seuls quelques plaisanciers s’y aventurent encore, entre deux branches et roseaux. En revanche, la promenade, elle, est devenue mythique : coureurs, cyclistes, cavaliers et rêveurs s’y croisent dans une douce harmonie.

Un peu plus loin, un premier pont coupe le canal. Les canards barbotent dans l’eau doucement saumâtre. Et le vert, il est partout. Dans les nénuphars, bien sûr, mais aussi dans les orties rebelles, les ronces qui griffent la jetée, les folles renouées du Japon. Les jardiniers municipaux reviennent plusieurs fois par saison pour tenter de contenir cette luxuriante explosion chlorophyllienne.

Un autre pont. Toujours plus de canards, parfois des cygnes, et souvent les silhouettes figées des hérons cendrés qui guettent patiemment leur proie. Sur la route, c’est un flot discret mais constant de cyclistes, rois de la piste. Ici, c’est plat, c’est frais, c’est ombragé, un vrai rêve de randonneur ou de joggeur.

Et s’il n’y avait les petites sonnettes qui tintent derrière vous pour annoncer l’arrivée d’un vélo, la promenade serait presque silencieuse. Mais ce silence est peuplé d’ombres légères, des feuillages hauts et puissants. Frênes vénérables, chênes élancés, tilleuls monumentaux, peupliers noirs démesurés… Même les rares charmes semblent vouloir toucher le ciel. Les alisiers, plus discrets, s’essaient à des jeux de lumière, tandis que les saules, fidèles à eux-mêmes, se penchent avec tendresse sur l’eau.

Puis, doucement, la magie s’efface. Le silence capitule. La rumeur sourde et constante de l’autoroute s’impose, monte, se fait plus proche. Une autre réalité s’installe, plus brutale, plus métallique. Vous allez bientôt quitter ce coin de paradis qu’est le canal de la Coulée Verte, qui continue son cours vers le nord. 

C’est alors le passage sous l’autoroute A36, dite La Comtoise, artère tonitruante qui relie Beaune à l’Allemagne et à la Suisse en filant vers le nord, via Dole, Besançon, Montbéliard, Belfort, puis Mulhouse. Le contraste est brutal. Le calme du canal cède à la rugosité de l’asphalte, au grondement incessant des véhicules.

Au bas de la rampe, s’étend un immense parking, prévu pour accueillir des bataillons de touristes, de campeurs, de familles et de plaisanciers.

C’est un sas entre deux mondes. Il faut le traverser pour atteindre une passerelle qui mène tout droit à la base nautique de Brognard. 

Là, soudainement, tout change à nouveau. Le lieu est aménagé, vivant, presque festif. Un restaurant accueille les affamés. Il y a des toilettes, donc de l’eau, soulagement pour le pèlerin. Le chemin longe, contourne, se faufile. Ici, la base nautique est un royaume pour les familles : plage, paddle, aires de jeux. Entre les étangs et les sentiers, serpente la Savoureuse, rivière discrète, parfois solitaire, parfois dissoute dans les étangs.

Pour les pêcheurs, c’est un paradis paisible, canne posée, regard figé. Pour les autres, c’est toboggans, rires d’enfants, serviettes colorées et parasols. Mais bientôt, le chemin abandonne ce joyeux tumulte et reprend son rythme, sur une large voie de terre, passant sous les grandes lignes à haute tension.

De temps à autre, si l’on est curieux, on peut s’aventurer vers les berges du Grand Étang du Pâquis. L’endroit est parfait pour une sieste à l’ombre ou une pause contemplative. L’eau, les roseaux, le ciel… rien d’autre.

C’est un espace libre, sans contrainte, un vrai bonheur de vivre par ici.

Puis le chemin reprend, ferme et décidé, quittant cette parenthèse aquatique. On approche bientôt d’un nouveau parking, signe que le monde n’est jamais bien loin.

Et c’est là que se dresse un panneau, humble mais capital : changement de cap ! Le GR et le Chemin de Compostelle, ici, modifient leur tracé. Autrefois, le parcours se dirigeait vers Nommay. Ce n’est plus le cas. Désormais, le parcours préfère serpenter entre les étangs, longeant la beauté naturelle plutôt que les axes bétonnés. Un petit détail à noter : si vous possédez encore une ancienne édition du guide des chemins de Franche-Comté ou de Bourgogne, le changement de direction n’y est peut-être pas encore indiqué. Il faudra suivre l’instinct, ou plutôt les coquilles, toujours fidèles sentinelles. Le nouveau guide n’est guère plus précis sur la marche à suivre aujourd’hui.

Section 5 : Balade au bord des étangs

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Le parcours fend alors le paysage, traverse le centre sportif de Nommay. En contrebas, on distingue déjà l’imposante cimenterie vers laquelle le chemin va se diriger tout à l’heure.

Un peu plus loin, un sentier s’enfonce dans un sous-bois, sombre et frais, comme une brève parenthèse végétale. L’air y est lourd d’humus et de silence. Ce petit passage boisé débouche à nouveau sur le monde : celui de l’industrie.

Une petite route contourne les installations, puis revient en douceur près des étangs. À l’entrée d’un nouveau parc, tout s’apaise. Le chemin ici est aussi lisse qu’une voie royale, impeccable. Sur votre gauche, serpente la Savoureuse, discrète et souvent cachée par la végétation. Sur la droite, les grands étangs morcelés de la Varonne s’étendent, vastes et majestueux.

La balade devient à nouveau superbe. L’eau est omniprésente, et le chemin serpente calmement sous la ligne à haute tension, comme si elle n’osait troubler cette harmonie.

Les étangs sont splendides ici, véritables miroirs d’un ciel généreux. Le seul trouble vient du grondement lointain mais persistant de l’autoroute, qui racle un peu la poésie du lieu.

Pour vous, ce sont de longs segments rectilignes, un brin monotones mais baignés d’une telle beauté qu’on s’y laisse glisser. 

Parfois, un pêcheur solitaire, bien équipé, tente sa chance dans le silence. 

Vous partagez souvent ces chemins avec des cyclistes discrets.

Plus loin, un petit pont enjambe la Savoureuse, qui s’étire ici entre méandres et herbes folles. Elle n’a rien d’imposant, mais elle semble toujours vouloir vous accompagner.

Ces grands étangs de la Varonne sont vraiment une pause de bonheur dans ces chemins souvent ennuyeux de Franche Comté.

Entre farniente, pêche et pique-nique, les gens de la région se laissent aller avec délectation.

Le chemin contourne alors un dernier étang, s’éloigne de l’eau, traverse à nouveau la Savoureuse et se rapproche peu à peu des premières habitations.

Et soudain, voici les faubourgs de Châtenois-Les-Forges. Des constructions neuves, des jardins ordonnés, des rues sages : le décor change radicalement.

Le parcours devient presque un jeu de piste urbain : tournant ici, longeant là, pour zigzaguer entre les lotissements. Un petit gymkhana entre murs, haies et trottoirs. Mais pas d’inquiétude, le balisage est là, fidèle.

C’est presque tout droit jusqu’au centre du bourg. Au loin, on aperçoit bientôt le clocher comtois de l’église, coiffé de ses tuiles vernissées. Il y a un siècle, un train passait encore ici. Vous devinez sans doute ce qu’il en reste… Peu de choses, sinon quelques souvenirs ferrés. 

Le parcours traverse alors un carrefour en périphérie du centre du bourg.

Au bout de l’Allée du Colonel Beltrame, le parcours débouche au cœur du bourg, juste à côté de l’église et des quelques commerces. Châtenois-Les-Forges compte aujourd’hui environ 2 700 habitants.

Le parcours, heureusement bien fléché, car il y eu des modifications par ici, monte au-dessus du centre par quelques rues tranquilles….

…avant de rejoindre la Rue du Maréchal Foch, longue et droite, qui file en direction de la déchetterie.

Section 6 : Un train à grande vitesse au milieu des forêts

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans grande difficulté ; le premier moment de la journée avec des pentes un peu plus prononcées en montée.

La route traverse en montant le haut du bourg et ses petites villas.

À la sortie du bourg, la route se dirige doucement entre les champs, vers la déchetterie de Châtenois. Cela faisait un bon moment qu’on n’avait pas traversé de vrais prés ni croisé de larges champs cultivés. Le paysage s’ouvre à nouveau, l’air semble respirer plus large.

Depuis la déchetterie, la route s’enfonce dans un petit sous-bois, humide, tranquille, tapissé de feuilles. L’ombre y est profonde, ponctuée de rais de lumière.

La route descend au fond d’un doux vallon sous les arbres, dans les maïs jusqu’à rejoindre un chemin qui part dans le bois. 

Le large chemin de terre part à plat dans la grande Forêt de Châtenois. Depuis Fesches-le-Châtel, le GR5 et le Chemin de Compostelle ne font plus qu’un ici.

Le tracé est presque rectiligne, filant entre de hauts feuillus et des rangées d’épicéas bien alignés. La promenade devient agréable, régulière, un peu monotone mais paisible, comme une respiration lente au cœur du massif.

Le chemin file toujours tout droit, comme l’indique la signalisation du GR. Ne prêtez jamais attention aux signes jaunes des chemins de randonnée locaux.

Après une très longue distance, le chemin se dirige vers la la ligne du TGV Rhin-Rhône.

Vous la traversez sur un passage sécurisé. Cette ligne relie Dijon à Mulhouse, et plus largement, fait partie de l’axe stratégique vers l’est de l’Europe.

De l’autre côté, la marche se poursuit dans une forêt de plus en plus dominée par les conifères. Les épicéas sont ici rois, dressés comme des sentinelles.

Mais bientôt, le chemin change de structure. Vous entrez dans un tronçon bien particulier : celui du “Chemin des bornes de Montbéliard“. Ici, au bord du chemin, vous apercevrez d’anciennes bornes de pierre, muettes mais toujours debout, témoins d’un passé frontalier. Le chemin peut devenir boueux, même sans pluie récente. Il est creusé par le temps, par les pas et par les ruissellements. 

Dans le bois, le signalement du GR est toujours signalé, bien que la coquille de Compostelle soit toujours fausse et mal orientée. Mais, c’est tout droit, sans importance.

Les bornes, dont on ne sait ce qu’elles mesurent, se dressent comme des menhirs sous les arbres, su un sol où effleure parfois le calcaire lisse.

Vous arriverez ensuite à un curieux panneau directionnel, sorte de totem aux couleurs multiples, qui semble presque trop gai pour la solennité des lieux. Brevilliers est annoncé à 45 minutes.

Peu après, vous sortez progressivement de la forêt.

Devant vous, en hauteur, un imposant corps de ferme se découpe sur la crête. 

La montée qui suit n’est pas très raide au départ. Le chemin serpente longuement entre les champs de céréales, bien à l’écart de la ferme, qui s’étale sur toute la colline comme un petit royaume rural. Et lorsque vous apercevez au loin le tracteur, minuscule dans l’immensité, vous vous dites qu’il doit bien falloir une semaine pour faire le tour de ce domaine.

Section 7 : Parcours un peu plus casse-pattes pour gagner Héricourt

Aperçu général des difficultés du parcours : il n’y a guère que le passage dans la forêt après Breviliers qui soit un peu plus sévère.

 

Plus haut, la pente se durcit un peu. Les mollets sont mis à l’épreuve, mais sans excès.

Heureusement, un grand chêne étale sa ramure sur le bord du chemin. Y a-t-on placé un banc pour le marcheur fatigué ? Cela semblerait presque naturel.

La montée s’adoucit ensuite dans un océan de champs à perte de vue. Le chemin s’élargit et serpente au milieu des blés, puis comme souvent dans cette région, il finit par plonger dans les rangs serrés des maïs.

Puis, doucement, la pente s’inverse. Le chemin redescend la colline, toujours au milieu des cultures.

La pente est douce entre les prés, les maïs et les bosquets rares.

Le chemin longe bientôt une autre grosse exploitation agricole. Ici, les fermes sont vastes, souvent modernes, et témoignent d’une agriculture bien implantée.

Plus bas, vous arrivez sur les hauteurs de Brevilliers. Le village émerge en dessous accroché à la colline.

Une ruelle très pentue vous mène au cœur du village. Vous passez devant le temple, simple et moderne, comme souvent en terre protestante. Cette zone, autour d’Héricourt, est marquée par la tradition réformée.

Sur la place, les monuments affichent une certaine diversité de styles, du très sobre au franchement kitch.

Un panneau de direction vous y attend. Farfelu. Comme c’est souvent le cas en Franche-Comté, vous y trouverez des triangles, des cercles, des couleurs sans légende, parfois une coquille. Deux directions de Compostelle sont indiquées ici. L’une suit le GR5, l’autre semble partir on ne sait trop où. Mais où est la direction d’Héricourt ? Mystère.

Ceux qui connaissent le Chemin de Compostelle préfèrent suivre le GR5, généralement bien balisé. Ici pourtant, c’est une erreur. Pourquoi ? Parce que le GR5 évite Héricourt, et pour y arriver ensuite, c’est un vrai parcours du combattant. Il vaut mieux tout de même trouver un endroit pour passer la nuit. Héricourt est le bon choix. Le bon choix, ici, est celui indiqué par un triangle jaune, qui traverse Brevilliers par la Rue de l’École. C’est le bon chemin, bien noté dans le petit guide des Amis de Compostelle.

Le parcours file ensuite tout droit à travers le village, qu’il quitte vers le haut, dans une douce montée. 

Puis, il rejoint une large route de terre battue, qu’il suit un moment. À un embranchement, un petit chemin descend ensuite dans le vallon.

Ici, la direction de Héricourt est parfaitement identifiable.

Au fond, surprise : un étang verdâtre occupe le bas-fond, jouxtant une station d’épuration. L’endroit est inattendu, un peu sauvage, un peu technique.

Là, le chemin traverse le discret ruisseau de Brevilliers, modeste filet d’eau qui marque un passage symbolique entre vallon et colline.

Depuis ce petit pont, le chemin s’élève brusquement dans une belle hêtraie. C’est une montée rude, près de 50 mètres de dénivelé, sur un chemin parfois glissant.

Les derniers mètre d’ascension vous causeront peut-être quelques gouttes de sueur.

Mais l’effort en vaut la peine : au sommet, une large route de terre battue vous attend dans une lumière tamisée.

Depuis ce plateau forestier, le chemin redescend, cette fois sur un large chemin empierré. La pente est franche, et la descente se fait à vive allure dans les sous-bois.

Vous marchez alors dans la Forêt de Salamon, à l’orée d’Héricourt. Le chemin, caillouteux et parfois raide, demande que peu d’attention.

Au bas de cette descente, surprise : une petite gare régionale se dresse, presque oubliée. Elle appartient à la ligne Dôle-Belfort, tandis que la LGV, plus moderne, contourne la ville au sud.

Depuis la gare, le parcours suit l’Avenue Pierre Bérégovoy, longue et rectiligne. On aime rappeler ici qu’il fut arpenteur avant d’entrer en politique, comme pour souligner que les tracés sont affaire sérieuse.

Au bout de l’avenue, un virage sur la gauche vous mène à la Place du 19 juillet 1942, nom chargée de mémoire. Deuxième ville du département de la Haute-Saône après Vesoul, Héricourt compte environ 10’600 habitants. Elle s’inscrit dans la Franche-Comté du Nord, un ensemble de près de 300’000 habitants. Dans le centre, coule la Lizaine. Une rivière discrète, mais qui donne une âme à la ville. Demain, nous partirons à la découverte de la partie la plus pittoresque de cette cité ancienne, aux charmes bien cachés.

Logements officiels sur le parcours de la Suisse et l’Allemagne à Cluny /Le Puy-en-Velay

 

  • La Filature, 8 Rue de la 5ème Division Blindée, Héricourt; 03 84 56 80 80 ; Hôtel

Accueils jacquaires (voir introduction)

  • Nommay (1)
  • Châtenois-les-Forges (1)
  • Héricourt (3)

Airbnb

  • Fesches-Le-Châtel (1)
  • Châtenois-les-Forges (6)
  • Héricourt (6)

Chaque année, le chemin évolue. Certains hébergements disparaissent, d’autres apparaissent. Il est donc impossible d’en dresser une liste définitive. Celle-ci ne comprend que les logements situés sur l’itinéraire ou à moins d’un kilomètre. Pour des informations plus détaillées, le guide Chemins de Compostelle en Rhône-Alpes, publié par l’Association des Amis de Compostelle, reste la référence. On y trouve aussi les adresses utiles des bars, restaurants et boulangeries qui jalonnent le parcours. Dans cette étape, les possibilités de logement, en dehors des airbnb sont limités. Il faut le dire : la région n’est pas touristique. Elle offre d’autres richesses, mais pas l’abondance des infrastructures. Aujourd’hui, airbnb est devenu une nouvelle référence touristique, que nous ne pouvons ignorer. C’est devenu la source la plus importante de logements dans toutes les régions, même les régions touristiques peu favorisées. Comme vous le savez, les adresses ne sont pas disponibles directement. Il est toujours vivement conseillé de réserver à l’avance. Un lit trouvé au dernier moment est parfois un coup de chance ; mieux vaut ne pas s’y fier tous les jours. Renseignez-vous, lors de vos réservations des possibilités de repas ou de petit déjeuner.

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 4: De Héricourt à  Villers-sur-Saulnot
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