10: Marnay à Abbaye d’Acey

Une belle abbaye au bout du chemin

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-marnay-a-labbaye-dacey-par-le-chemin-de-compostelle-218315077

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore en France de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous trouverez bientôt sur Amazon un livre qui traite de ce parcours.

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

Le pèlerin arrive au bout de son périple en Haute-Saône. Il a traversé la Franche-Comté dans une grande partie, découvrant peu à peu les visages multiples de cette région. La Franche-Comté, aujourd’hui intégrée à la Bourgogne–Franche-Comté, est une ancienne province de l’Est de la France. Elle rassemble quatre départements : le Doubs, la Haute-Saône, le Jura et le Territoire de Belfort. Depuis la frontière suisse ou allemande, le parcours s’est avancé d’abord par le nord, franchissant les collines du Territoire de Belfort, avant de s’enfoncer longuement en Haute-Saône, qu’il a traversée dans toute sa largeur, au sud de Vesoul, la capitale départementale. Le département du Doubs, avec Besançon en son cœur, n’est qu’effleuré par la route de Compostelle, qui file ensuite vers le Jura, autre terre emblématique de la région, dont le chef-lieu est Lons-le-Saunier et qui abrite aussi la belle cité de Dole. La Franche-Comté est une région de frontières : elle touche à la Suisse à l’est, à la Bourgogne à l’ouest, à la Lorraine et à l’Alsace au nord. Cette position singulière explique son identité forgée par des influences multiples, mais aussi par une farouche volonté de liberté. Le nom même de « comté franc » évoque cette indépendance jalousement gardée au fil des siècles. La Franche-Comté est une terre où se rencontrent les reliefs accidentés du Jura, de belles rivières, mais surtout de vastes plateaux riches en prairies et en cultures variées. Discrète, elle se dévoile au voyageur comme une contrée de contrastes : âpre et douce à la fois, rude par ses hivers, généreuse par ses paysages. Partout, la marche révèle une forêt omniprésente, parmi les plus denses de France. Ces bois immenses donnent à la région une profondeur et une sérénité singulières.

Le parcours du jour s’achève à l’abbaye Notre-Dame d’Acey. Fondée en 1136, cette abbaye cistercienne se situe dans la vallée de l’Ognon, au nord du département du Jura, en Franche-Comté, à la limite de la Haute-Saône et du Doubs, entre Dole et Besançon. Elle est aujourd’hui habitée par des moines cisterciens trappistes et demeure le seul monastère cistercien encore occupé par une communauté monastique en Franche-Comté.

Comment les pèlerins planifient-ils leur parcours ? Certains s’imaginent qu’il suffit de suivre le fléchage. Mais vous constaterez à vos dépens que le fléchage est souvent déficient. D’autres utilisent les guides à disposition sur Internet, eux aussi souvent trop élémentaires. D’autres préfèrent le GPS, à condition d’avoir importé sur le téléphone les cartes de Compostelle de la région. En utilisant cette manière d’opérer, si vous êtes un expert de l’utilisation du GPS, vous ne vous perdrez pas, même si parfois le parcours proposé n’est pas exactement le même que celui proposé par les coquilles. Mais, vous arriverez sauf à la fin de l’étape. En la matière, le site qu’on dira officiel est le parcours européen des Chemins de Compostelle (https://camino-europe.eu/). Dans l’étape du jour, la carte est correcte, mais ce n’est pas toujours le cas. Avec un GPS, il est encore plus sûr d’utiliser les cartes Wikilocs que nous mettons à disposition, qui décrivent le parcours actuel fléché. Mais tous les pèlerins ne sont pas des experts de ce type de marche, qui pour eux, défigurent l’esprit du chemin.  Alors, vous pouvez vous contenter de nous suivre et de nous lire. Chaque embranchement difficile à déchiffrer du parcours, a été signalé, pour vous éviter de vous perdre.

Difficulté du parcours : Le trajet du jour est sage, avec des dénivelés dérisoires (+63 mètres/-75 mètres).

État du parcours : Aujourd’hui, les parcours sur routes et sur chemins sont équilibrés :

  • Goudron : 7.2 km
  • Chemins : 6.6 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Le long d’une longue plaine qui s’étire

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans grande difficulté.

Partons de la place centrale où s’alignent les commerces de Marnay, comme un petit théâtre de la vie quotidienne. Le temps semble s’écouler à la mesure des pas des habitants. À deux pas, l’hôtel de ville, sobre et digne, veille sur cette place comme une figure tutélaire, témoin d’un bourg qui conjugue son passé et sa vitalité présente.
Dans ce centre ramassé, presque resserré sur lui-même comme une coquille, se dresse l’église St Symphorien. Sa construction s’échelonna du XIe au XIVe siècle, donnant à l’édifice une allure composite mais profondément harmonieuse. Les pierres, patinées par les siècles, racontent une foi ancienne, un enracinement au cœur du territoire. Classée au titre des Monuments historiques, l’église mérite d’être explorée pour ses volumes gothiques, ses chapiteaux sculptés, et les traces d’un art médiéval qui a traversé les âges. Mais encore faut-il, pour le pèlerin, trouver la porte ouverte et avoir le privilège d’admirer ses chefs-d’œuvre sculptés, comme autant de messagers silencieux de l’histoire.

À proximité, le Chemin de Compostelle retrouve ses signes, son langage universel : coquilles et flèches. Pourtant, le pèlerin se heurte à une vieille confusion. La coquille, emblème rassurant et magnifique, n’indique pas la direction. Elle orne, mais ne guide pas. Seule la flèche, discrète et parfois malmenée, dit le vrai parcours. Rappelez-vous toujours de ce détail, essentiel pour ne pas vous perdre dans les méandres des routes et des campagnes.

Le parcours s’engage alors dans la courte Rue Pourny, une venelle sans prétention, avant de tourner à droite sur l’Avenue du Champ de Foire.
Au sommet de la rue, au niveau de la poste, le parcours prend à gauche, s’engageant dans l’Avenue de Marnay-la-Ville.
La route conduit ensuite vers un grand centre commercial. Ici, surprise pour le pèlerin habitué aux errances de la signalétique : pour une fois, la coquille est orientée correctement. Le symbole, fidèle à son rôle, semble sourire au voyageur et lui dire : “Avance, tu es sur la bonne voie“. Rare moment de concordance entre le signe et la direction.

Mais cette harmonie est de courte durée. Quelques pas plus loin, à la sortie du centre commercial, tout se brouille de nouveau. La coquille incite à tourner à gauche, vers la circulation bruyante, comme une tentation trompeuse. Alors, l’on sort son guide, ce compagnon de route indispensable, et l’on vérifie : il faut en réalité continuer tout droit. Soulagement. Sur ce parcours de Franche-Comté, il faut constamment jongler entre les signes gravés sur le terrain et les indications du livre, à moins de s’équiper d’un GPS qui recopie les cartes locales.

Étrangement, juste derrière le carrefour, la coquille réapparaît, cette fois parfaitement orientée. Fidèle à nouveau, elle salue le pèlerin. Le parcours, désormais sans ambiguïté, continue tout droit, comme s’il avait fallu tester l’attention de celui qui marche.
La route quitte alors les dernières maisons de Marnay. Peu à peu, les murs s’espacent, les toits se perdent, et c’est la campagne qui s’ouvre, vaste et silencieuse. À gauche, un chemin s’offre au marcheur, comme une invitation à quitter la ville pour retrouver l’horizon.
C’est un large chemin caillouteux, solide sous les pas, qui s’élance à plat en pleine campagne. Le ciel prend toute sa place, et le pèlerin retrouve la respiration des grands espaces.
Ce chemin s’étire entre deux haies de feuillus, un couloir végétal parallèle à la route. Les branches s’inclinent légèrement comme pour former une voûte, un passage rituel entre le monde habité et la terre ouverte des campagnes.
Ici, ce sont les grands frênes qui dominent le paysage. Leurs troncs droits et élancés forment une allée naturelle presque cérémonielle. Mais l’œil attentif remarquera aussi de nombreux chênes et érables, compagnons silencieux de la campagne, qui ponctuent le paysage de leurs silhouettes solides et familières, caractéristiques de cette région.
Et le chemin avance ainsi, sur près d’un kilomètre, sans effort, comme une invitation à laisser vagabonder l’esprit. Le pas devient régulier, presque méditatif, porté par la simplicité de la route de terre et le calme ambiant.
Plus loin, l’asphalte remplace momentanément le gravier, signal discret de l’approche du village de Chenevrey. Quelques villas discrètes se profilent, blotties derrière des haies ou des jardins soigneusement entretenus, témoins silencieux de la vie paisible des habitants.

Quand vous arriverez à un carrefour, observez attentivement la coquille. En Franche-Comté, souvenez-vous : la coquille, souvent décorative, n’indique presque jamais la direction exacte. Seule la flèche, discrète mais fiable, doit guider vos pas. Ici, elle confirme que le parcours continue tout droit, et le pèlerin doit faire confiance à ce signe sobre.

Un chemin croise alors quelques maisons et fermes éparses de la périphérie du village.
Puis le large chemin reprend, parallèle à la route principale, comme pour rappeler la continuité du voyage. L’itinéraire s’étire dans la même monotonie douce, bordé de haies et d’arbres, témoins silencieux du passage des siècles. Ici et là, des noyers sauvages percent le paysage, leurs branches noueuses et leurs feuilles dentelées apportant une touche sauvage et imprévue à l’harmonie générale.
Le chemin court parallèle à la route, où ne passent que de rares véhicules, amplifiant le sentiment de solitude et d’isolement. La plaine, vaste et ouverte, semble parfois interminable, et l’on sent la lenteur du temps s’étirer à l’image des pas réguliers du pèlerin.
On aperçoit parfois quelques vaches dans les prés, paisibles et silencieuses. Bien que l’on marche dans une région célèbre pour sa production de fromage, le Comté en particulier, le troupeau reste discret, ajoutant une touche de vie sans rompre la sérénité de la campagne. Au bout de ce long passage, le hameau de La Verpillière se dessine enfin à l’horizon, promesse d’un arrêt et d’une transition dans la marche.

Section 2 : De petits hameaux dans la plaine

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Le chemin se rapproche alors avec langueur du hameau, comme une délivrance après la monotonie des longues lignes droites. Chaque pas semble allégé par la perspective de maisons proches, par cette impression qu’une vie discrète s’annonce derrière les haies et les jardins. L’horizon se resserre, et l’on sent que l’on quitte peu à peu la solitude des champs.
Ici, le parcours retrouve le goudron, tracé régulier qui longe de petites villas sagement alignées, modestes dans leur architecture mais soigneusement entretenues, chacune avec son carré de verdure et ses haies taillées. La route parallèle rappelle que le chemin reste toujours lié à la modernité, même lorsqu’il s’égare dans ses détours campagnards.

Au bout de cette longue ligne droite, joliment nommée Chemin du Pommery, le parcours infléchit son cours. La coquille, pour une fois fidèle, confirme le mouvement de la flèche : il faut tourner à gauche. Le pèlerin suit docilement cette injonction, soulagé de ne pas avoir à douter, et reprend son rythme,

La route virevolte alors en douceur, serpentant d’un village à l’autre, dans un paysage où la campagne se teinte de touches boisées. Les bosquets, aux essences variées, ponctuent l’espace comme des refuges d’ombre. La marche devient plus agréable, plus vivante, presque musicale.
Très vite, la route rejoint Morogne.
Dans le village, c’est l’ordonnance des lieux qui frappe d’abord le regard. Ici, tout respire une harmonie tranquille. La pierre domine, claire et massive, imposant son évidence. Un chapelet de grandes maisons anciennes borde la rue, chacune marquée par l’usure noble du temps. Le vieux lavoir, simple et gracieux, évoque les gestes immémoriaux des lavandières, silhouettes penchées sur l’eau claire, et donne à Morogne une âme d’autrefois.
La route quitte ensuite le village, longeant de grandes fermes. Celles-ci n’ont rien de pittoresque ni d’ornemental : elles sont nées pour l’usage, pour la vie agricole, solides et fonctionnelles avant tout. Elles s’imposent comme un rappel concret du travail de la terre.
Parfois, des vaches apparaissent dans les prés. Elles broutent avec lenteur sous les noyers et les frênes, insensibles au passage des pèlerins. Ici, c’est la Montbéliarde qui règne en maîtresse, avec sa robe pie rouge et son regard tranquille. Cette race, emblématique de la région, est le cœur battant de l’élevage comtois, garante de son lait riche et de ses fromages réputés.
Dans ces campagnes, l’herbage domine largement. L’élevage est l’activité essentielle des paysans, tandis que les cultures se font plus discrètes, disséminées entre les prairies, modestes mais nécessaires. La terre se donne surtout au bétail, et c’est ce qui façonne depuis toujours l’économie et le paysage.
Assez rapidement, la route atteint Banne, petit hameau presque caché dans la verdure. Ses maisons paraissent surgir des frondaisons, comme si elles s’étaient volontairement dissimulées à l’abri des arbres, préservant ainsi leur tranquillité. Pour le marcheur, ce repli dans le feuillage a la douceur d’une halte intime, une pause silencieuse au cœur des bois.

À Banne, la route s’infléchit brusquement, partant à angle droit, comme si elle hésitait un instant sur la direction à suivre. Le village, replié sur lui-même, reste derrière, tandis que le parcours s’ouvre de nouveau vers la campagne.

Très vite, la route croise un filet d’eau minuscule : le ruisseau de la Mouille. Ce n’est guère plus qu’un murmure entre les mousses, une trace discrète qui glisse à travers les herbes. Pourtant, il porte en lui cette humilité des sources qui alimentent patiemment la vie des plaines. 
La route contourne ensuite le hameau, s’effaçant doucement derrière des haies de feuillus, comme un écrin mouvant de feuillages qui accompagne le pas du marcheur comme une compagnie bienveillante. 
À deux pas, un pont métallique surgit, peint d’un vert profond, ouvrage d’acier robuste tel que Gustave Eiffel en imagina tant au XIXe siècle. C’est sur lui que l’on franchit l’Ognon, rivière ample et large, mais paisible, qui déroule son courant avec une discrétion souveraine. Elle coule sans bruit, comme si elle avait choisi la retenue plutôt que la force. 
De l’autre côté du pont, la route se déploie en quelques doux virages, serpentant sous les frênes chevelus qui la couvrent d’une ombre dansante. C’est précisément ici que l’on quitte momentanément la Haute-Saône pour pénétrer dans le département du Jura, comme un passage symbolique entre deux mondes aux nuances voisines.
Puis s’ouvre un paysage tout différent : un passage silencieux, presque nu, mais d’une paix saisissante. La campagne se déploie en une plaine dénudée, sans arbres ni collines, comme un drap immense posé à même la terre. L’œil se perd dans cette étendue d’herbes et la route, droite comme tracée au couteau, fend cet horizon sans obstacle.
Enfin, à l’horizon, une élévation légère se dessine : une montée imperceptible mais régulière, bordée de champs de maïs dont les tiges bruissent au vent. Elle conduit au pont qui permet de franchir la ligne de chemin de fer, comme un seuil moderne posé au milieu de la ruralité ancienne.
Un peu plus loin, une haie de feuillus réapparaît, brisant la monotonie. Elle offre, aux heures brûlantes, un abri providentiel, un peu d’ombre salvatrice où l’on se glisse volontiers pour souffler un instant.

Section 3 : Un petit jeu avec le TGV

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

La route s’élève d’abord avec lenteur, puis gravit franchement la rampe qui mène au-dessus de la ligne LGV. Ici, le TGV file à toute allure, insaisissable éclair de métal lancé à 320 km/h. C’est la ligne Rhin-Rhône, inaugurée en 2011, qui relie Dijon à Mulhouse en traversant le cœur de la Franche-Comté. Le contraste est saisissant : d’un côté, le pas mesuré du pèlerin, de l’autre, la vitesse fulgurante de la modernité. Entre Besançon et Dole, la connexion est désormais immédiate. Mais pour les villages alentour, cette prouesse technologique est comme invisible : juste le passage silencieux d’un train trop rapide pour eux. La route demeure le seul lien, fragile et nécessaire, à un monde plus vaster.
Une douce descente s’amorce alors, la route s’inclinant vers Pagnay.
Bientôt apparaissent les premières maisons, dispersées sur une large surface, car le village s’étire sans fin. Ici, le TGV passe à deux pas, mais paradoxalement aucun train ne s’arrête. Pourtant, un bus circule dans cette campagne, rareté presque miraculeuse dans une France rurale souvent désertée par les transports publics.
Le cœur du village se dévoile, simple et modeste. Au centre, la mairie se dresse, voisine d’une croix de mission qui témoigne d’une piété ancienne. Aucun commerce n’anime les rues : seul le silence veille sur les lieux.
Puis la route traverse Pagnay et passe devant l’église St Léger, dédiée à l’évêque d’Autun, martyr du VIIe siècle. L’édifice, d’un style cistercien sobre et sévère, fut bâti entre les XIIIe et XIVe siècles, succédant à une église plus ancienne. Au XVIIe siècle, sa nef fut transformée, donnant à l’ensemble une allure singulière, à mi-chemin entre austérité médiévale et réaménagement baroque.
En quittant le centre, la route frôle le château de Beauregard, dissimulé derrière ses grilles et ses arbres, vaste demeure privée au sein d’un parc où l’on devine encore le parfum d’un autre âge.
La sortie du village se fait paisiblement, en longeant les dernières maisons, comme un effacement progressif de l’habitat vers la campagne.
À l’angle du cimetière, le parcours rompt brutalement avec l’axe majeur. Il tourne à angle droit, quittant la route principale pour s’enfoncer dans une route secondaire, comme si le pèlerinage reprenait soudain sa respiration intime, loin du passage des voitures.
Rapidement, le goudron disparaît sous vos pas. La terre battue, compacte et caillouteuse, prend le relais. Le chemin s’élance droit devant, s’enfonçant dans la plaine nue, où s’étendent sans fin les prés et les champs de maïs. Le paysage, vaste et silencieux, s’ouvre comme une page blanche que le pèlerin traverse, le rythme de ses pas marquant seul le passage du temps.
Le chemin, tenace, sillonne longuement cette plaine monotone. Sa trajectoire implacable se dirige de nouveau vers la ligne de chemin de fer, comme attirée par cette cicatrice moderne qui fend la campagne.
Il franchit alors la ligne du LGV. Si le hasard vous offre le spectacle d’un train lancé à pleine vitesse, préparez-vous : c’est un grondement de tonnerre, une secousse d’air et de bruit qui balaie tout, mais qui s’éteint en quelques secondes, laissant derrière lui un silence presque surnaturel, comme si rien n’avait eu lieu. 
Bientôt, la rigidité du chemin se relâche. La terre battue cède la place à un tapis plus souple, mélange de terre et d’herbe. Le pas s’y enfonce légèrement, retrouvant un confort plus naturel.
Toujours droit, le chemin s’étire encore dans la plaine nue, sous un ciel vaste, entre les prés et les maïs. L’horizon semble immuable, mais peu à peu, une lisière se dessine, promesse d’ombre et de fraîcheur : le bois approche.
Soudain, le chemin vire brusquement à angle droit. L’herbe s’efface, remplacée par un revêtement de cailloux. Une haie d’arbustes l’accompagne, comme un garde-fou discret, jusqu’à rejoindre une petite route goudronnée.
La route, d’abord timide, se rapproche peu à peu du bois. Les frondaisons se referment, annonçant une ambiance plus secrète. Ici, hors des villages, aucune ferme n’interrompt l’espace : seulement la présence des tracteurs au loin, silhouettes laborieuses qui tracent des sillons dans les terres.
Un nouveau virage à angle droit vous entraîne au détour d’un paysage plus intime : le ruisselet de la Vèze se cache dans les herbes folles, presque invisible. Parfois, un troupeau maigre vient chercher refuge sous l’ombre des grands feuillus, comme pour se dissimuler du soleil implacable.
Puis le bitume s’efface de nouveau. Le chemin reprend sa forme primitive : de la terre battue, souple et familière, qui s’enfonce désormais dans le bois de Vaudenay. Tout droit, il se dirige vers une barrière, comme une porte symbolique à franchir.
Commence alors une longue traversée rectiligne sous les arbres. Le pas se fait régulier, facile, presque mécanique. Rien n’entrave la marche, le chemin déroule son fil continu dans la pénombre verte.
Les frênes dominent largement cette forêt. Leurs silhouettes élancées composent un plafond léger, où s’insinuent quelques érables, de jeunes chênes, des hêtres et des charmes plus discrets. Ici et là, les fougères tapissent le sol en larges nappes, signe certain que le bois garde une humidité persistante, comme une éponge de verdure.

Section 4 : En route pour une belle abbaye 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Le chemin musarde encore un peu, toujours à plat, sous les frondaisons généreuses. L’air est plus frais, adouci par l’ombre des arbres, et le pas s’y fait plus léger.
Puis soudain, il débouche sur une clairière, vaste respiration lumineuse après l’épaisseur du bois. Une barrière marque la sortie de la forêt.
Là, dans la perspective, vous apercevez enfin ce que vous attendiez : le clocher de l’abbatiale, qui se dresse sobre et massif de l’autre côté d’un bois. C’est comme une apparition discrète, mais chargée de promesse.
Au bout de la clairière, le chemin large et terreux retrouve le couvert des arbres. Le pèlerin replonge dans un sous-bois apaisant.
Ici, ce sont les hêtres et les charmes, parfois rabougris par le sol pauvre, qui composent le paysage. Leur densité donne une atmosphère plus secrète, presque fermée.
Bientôt, le chemin bute sur une route goudronnée. Elle repart à angle droit, conduisant directement vers l’abbaye. 
Peu à peu, au détour d’une courbe, les bâtiments de moellons apparaissent. Massifs mais sobres, ils annoncent la présence spirituelle des lieux.

L’Abbaye Notre-Dame d’Acey, fondée en 1136, surgit enfin, paisible et authentique. C’est la seule abbaye cistercienne encore habitée par une communauté monastique dans toute la région.

Un parc magnifique, calme et plein de charme, s’étend à proximité. En contrebas, presque invisible derrière les arbres, se cache pourtant un bâtiment industriel. Depuis plus de soixante-dix ans, l’abbaye vit en partie grâce à cette discrète activité économique : une usine de traitement de surface des métaux, qui emploie quelques moines et des laïcs. Une étonnante alliance entre silence monastique et modernité industrielle. 
Au Moyen Âge, l’abbaye connut son âge d’or, jusqu’à fonder une abbaye-fille en Hongrie. Mais l’histoire lui fut cruelle : elle subit les destructions de la Guerre de Dix Ans (1636-1644), puis un incendie en 1683. À la Révolution française, elle fut vendue comme bien national en 1791 et passa entre différentes mains avant de retrouver sa vocation en 1873, grâce au retour de moines cisterciens.

Son architecture reflète l’esprit cistercien : sobriété, pureté des lignes et fonctionnalité. Le style mêle éléments romans et gothiques, enrichis aujourd’hui par de lumineuses verrières contemporaines. 

Aujourd’hui encore, l’abbaye abrite une communauté de moines cisterciens-trappistes. Ils suivent la règle de saint Benoît, rythmant leur quotidien entre prière et travail, avec sept offices quotidiens, du lever du jour à la nuit tombée (image empruntée de Arnaud25, Wikipédia, domaine public). 

L’abbaye propose aussi une hôtellerie, ouverte aux pèlerins et à ceux qui cherchent une retraite spirituelle. Les hôtes sont accueillis dans un cadre simple, invités à partager le silence du lieu et, s’ils le souhaitent, à participer aux offices. 

Logements officiels sur le parcours de la Suisse et l’Allemagne à Cluny /Le Puy-en-Velay

 

  • Gîte du Moulin, Banne ; 03 84 32 26 85 ; Gîte
  • Abbaye d’Acey ; 03 84 81 04 11 ; Gîte

Accueils jacquaires (voir introduction)

  • Banne (1)

 

Airbnb

  • Chenevrey et Morogne (4)
  • Banne (1)

Chaque année, le chemin évolue. Certains hébergements disparaissent, d’autres apparaissent. Il est donc impossible d’en dresser une liste définitive. Celle-ci ne comprend que les logements situés sur l’itinéraire ou à moins d’un kilomètre. Pour des informations plus détaillées, le guide Chemins de Compostelle en Rhône-Alpes, publié par l’Association des Amis de Compostelle, reste la référence. On y trouve aussi les adresses utiles des bars, restaurants et boulangeries qui jalonnent le parcours. Dans cette étape, s’il n’y a pas de place à l’abbaye, ce qui est rare, il faut aller plus loin sur le parcours. Il faut le dire : la région n’est pas touristique. Elle offre d’autres richesses, mais pas l’abondance des infrastructures. Aujourd’hui, airbnb est devenu une nouvelle référence touristique, que nous ne pouvons ignorer. C’est devenu la source la plus importante de logements dans toutes les régions, même les régions touristiques peu favorisées. Comme vous le savez, les adresses ne sont pas disponibles directement. Dans cette étape, le logement est très limité. S’l n’y a pas de place à l’abbaye, il faudra gagner le gîte de Banne, au bord de la route. Il est toujours vivement conseillé de réserver à l’avance. Un lit trouvé au dernier moment est parfois un coup de chance ; mieux vaut ne pas s’y fier tous les jours. Renseignez-vous, lors de vos réservations des possibilités de repas ou de petit déjeuner.

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 11: De l’Abbaye d’Acey au Mont Roland

 

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