09: Gy à Marnay

A la découverte de l’Oignon

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du parcours. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

 

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-gy-a-marnay-par-le-chemin-de-compostelle-218086012

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore en France de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous trouverez bientôt sur Amazon un livre qui traite de ce parcours.

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

Aux confins de la Haute-Saône, posé au bord de l’Ognon, Marnay déploie son charme discret, celui des petites cités où l’histoire et la nature s’entrelacent. Avec ses maisons aux moellons bruts, son centre ancien aux ruelles animées et sa position privilégiée au fil de la rivière, le bourg séduit immédiatement le voyageur. Ici, l’authenticité n’est pas un décor figé : elle se respire dans l’air, se lit dans la pierre et s’écoute dans le murmure de l’eau. L’Ognon, affluent majeur de la Saône, traverse le bourg avec grâce. Long de deux cents kilomètres, il naît dans le massif des Vosges, irrigue la Haute-Saône, frôle le Doubs et le Jura, avant de rejoindre la Saône près de Gray. À Marnay, son cours se fait généreux et spectaculaire : larges méandres, chutes douces dans un cirque naturel, reflets mouvants qui transforment le paysage en tableau impressionniste. Les pêcheurs y trouvent leurs recoins secrets, les promeneurs leurs haltes apaisées, et les pèlerins de Compostelle un écrin de sérénité au terme de leur étape.

Mais Marnay, c’est aussi la rencontre d’un patrimoine et d’un art de vivre. Dans ses rues, les façades anciennes témoignent d’un passé riche, bâti pierre à pierre par des générations. Sur ses places, cafés et commerces accueillent avec simplicité. Au bord de l’eau, un agréable camping ouvre ses portes aux randonneurs, offrant le repos bien mérité après une longue marche. Séjourner à Marnay, c’est goûter à la douceur franc-comtoise dans toute son évidence : un mélange de pierre, d’eau et de verdure, une harmonie tranquille qui séduit sans artifice. Mais pour y arriver, il vous faudra traverser de grandes et belles forêts, en particulier celle des Grands Bois.

Comment les pèlerins planifient-ils leur parcours ? Certains s’imaginent qu’il suffit de suivre le fléchage. Mais vous constaterez à vos dépens que le fléchage est souvent déficient. D’autres utilisent les guides à disposition sur Internet, eux aussi souvent trop élémentaires. D’autres préfèrent le GPS, à condition d’avoir importé sur le téléphone les cartes de Compostelle de la région. En utilisant cette manière d’opérer, si vous êtes un expert de l’utilisation du GPS, vous ne vous perdrez pas, même si parfois le parcours proposé n’est pas exactement le même que celui proposé par les coquilles. Mais, vous arriverez sauf à la fin de l’étape. En la matière, le site qu’on dira officiel est le parcours européen des Chemins de Compostelle (https://camino-europe.eu/). Dans l’étape du jour, la carte n’est pas totalement correcte. Avec un GPS, il est encore plus sûr d’utiliser les cartes Wikilocs que nous mettons à disposition, qui décrivent le parcours actuel fléché. Mais tous les pèlerins ne sont pas des experts de ce type de marche, qui pour eux, défigurent l’esprit du chemin. Alors, vous pouvez vous contenter de nous suivre et de nous lire. Chaque embranchement difficile à déchiffrer du parcours, a été signalé, pour vous éviter de vous perdre.

Difficulté du parcours : Le trajet du jour ne montre pas de forts dénivelés (+284 mètres/-319 mètres). Les deux pentes les plus difficiles sont à la sortie de Gy et à la sortie de Autoreille. Pour le reste, c’est souvent de la balade.

État du parcours : Aujourd’hui, c’est une étape que les pèlerins apprécient. Il y a plus de terre battue que de goudron :

  • Goudron : 3.3 km
  • Chemins : 15.0 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Sur le Monts de Gy

Aperçu général des difficultés du parcours : quelques pentes, mis rien de très difficile.

A Gy, devant la mairie, un grand panneau prétend informer le visiteur des possibilités touristiques locales. Mais cet amas de textes et d’images, trop dense et trop vague, se révèle inutile au pèlerin. Il promet tout et ne montre rien, comme une carte du ciel où manquent les étoiles. L’œil s’y perd et l’esprit n’y trouve pas la direction attendue. À cet instant, le marcheur n’est guidé que par son instinct, davantage que par ce catalogue figé de promesses illisibles.
Le parcours s’en va donc sur la longue rue qui traverse le bourg, une artère sans éclat mais empreinte de vérité. Les maisons, sobres et sans décor, s’alignent comme des témoins modestes du quotidien de ceux qui les habitent. Ici point de faste, point de pierres sculptées, mais une simplicité digne, presque touchante. Ce ruban de façades ternies par les saisons raconte la persistance de vies discrètes, comme une toile ancienne dont les couleurs se seraient effacées.

Soyez plus loin très attentif lorsque par hasard votre œil tombera à l’angle d’une ruelle sur un panneau qui signale les itinéraires possibles. Ce panneau est minuscule, à peine grand comme une carte postale. Pourtant, ce rectangle anodin décide de l’avenir du pèlerin. Tout droit, ce sont les flèches jaunes du Chemin de Compostelle vers Vézelay, route de lumière et de tradition. À gauche, les flèches blanches mènent vers le Puy-en-Velay, voie austère et montagneuse, marquée par l’ombre et la pierre. En ce lieu minime, presque invisible, se joue un choix immense, comparable à une bifurcation entre deux destins.

Un point fondamental s’impose ici : en Franche-Comté, la coquille de Saint-Jacques, qu’elle soit tête ou éventail, n’indique jamais la direction comme sur le grand GR65. Elle se contente d’attester que l’on marche bien sur le chemin. C’est un signe d’appartenance, une marque de fraternité entre pèlerins, mais non une flèche. Seule compte la petite direction peinte à côté. Celui qui prend la coquille pour guide risque l’égarement, comme un lecteur confondant la signature d’un livre avec son contenu.

Le parcours quitte alors la rue principale et monte à gauche vers l’église, par la Rue du Grand Mont. La pente est soutenue, exigeante, comme si l’on devait mériter d’approcher le sanctuaire. Les maisons ocre et grises qui bordent le chemin se dressent dans leur austérité tranquille, semblables à des pèlerins de pierre figés par le temps.
Au sommet, le parcours tourne à droite sur la Rue du Bourg. Ce n’est pas seulement une voie nouvelle, mais une porte ouverte sur la mémoire du village. Autour de cette rue se concentrent les traces les plus anciennes, les murs qui gardent l’écho de jadis. Chaque pierre y devient récit, chaque fenêtre un fragment de l’histoire villageoise.
La Rue du Bourg continue à grimper, et le pèlerin chemine désormais entre de belles demeures anciennes. Ici se concentrent les maisons nobles et vigneronnes, façades élégantes aux linteaux sculptés, portes massives où le temps a gravé son empreinte. Ces pierres respirent encore la prospérité d’antan. Le village dévoile là son âme la plus fière, austère mais splendide. 
L’église surgit enfin au sommet, posée sur une petite place à l’ombre des grands arbres. Cette couronne végétale qui la protège forme un écrin de silence et de lumière. Le marcheur, haletant de la montée, y trouve un apaisement soudain.
Le parcours suit alors la route en direction du cimetière. Là se dresse une demeure imposante, dont la silhouette fière évoque celle d’un château miniature, dominant la route comme pour rappeler l’empreinte des notables d’autrefois. Puis, plus loin, dissimulé dans un écrin de verdure, apparaît le véritable château. On en distingue à peine les contours, les toits, les murailles, protégés par les arbres comme par un voile de mystère. Ainsi, le pèlerin avance entre deux présences : l’une, intime et dévoilée, cette maison noble qui s’offre au regard ; l’autre, majestueuse et secrète, ce château qui demeure dans l’ombre, gardien d’une histoire plus vaste.
Vous marchez ici à plat, sur le Chemin de Bellevue, longeant les dernières maisons du bourg. Ces demeures semblent comme les ultimes témoins d’un monde habité avant que la campagne ne reprenne ses droits. L’air s’y allège, et déjà l’horizon commence à s’ouvrir, promesse des hauteurs à venir.
La promenade s’achève provisoirement près du cimetière.
Depuis le cimetière, la route reprend son élan et s’élève, mais d’une pente raisonnable, aux alentours de 10%. Ce n’est pas une épreuve insurmontable, mais un appel à l’endurance tranquille, un rythme qui force le pas à se caler sur le souffle, comme une respiration accordée au paysage.
La route s’étire ensuite longuement dans les prés. Le regard embrasse des étendues verdoyantes. Mais l’œil s’attarde aussi sur la vigne, rare et précieuse en ces contrées, comme un éclat inattendu de culture méditerranéenne transplantée dans le terroir comtois.
Près d’une belle croix de pierre, dressée comme un signe de veille au bord du chemin, un banc attend le pèlerin. Ici, le voyageur peut déposer son sac, apaiser son souffle, et laisser ses yeux se perdre vers le sommet encore dissimulé. La croix, simple et massive, rappelle que chaque pause sur le chemin peut devenir méditation.
Les jours de grande chaleur, l’ombre des frênes et des érables vient protéger le marcheur. Ces arbres, très présents et dominants dans la région, dessinent de longues voûtes de fraîcheur. Entre eux s’élèvent parfois des chênes plus discrets, sentinelles silencieuses mêlées à la troupe végétale.
La route monte toujours vers le sommet de la colline, sous le couvert majestueux des érables. Leurs branches, larges et généreuses, s’élancent comme des bras ouverts au-dessus du chemin. La montée devient alors moins une contrainte qu’un passage rituel vers la lumière du plateau.
Vous marchez désormais sur les Monts de Gy, au cœur d’une nature plus sauvage. Ici, les prés s’ouvrent et se referment, les haies dessinent des frontières anciennes, et le silence s’impose. Le marcheur retrouve une liberté primitive, celle des chemins qui s’éloignent des bourgs et se perdent dans l’infini du paysage.
Très vite, vous quittez le goudron. Sous vos pas s’ouvre une large route de terre battue, souple et accueillante. Elle serpente avec douceur sur la colline, accompagnant les courbes du relief comme si elle voulait ménager le pèlerin. Le voyage s’accorde enfin à la respiration profonde de la terre.
Les chemins, ici, se font rudes et exigeants. Sous vos pas crissent d’innombrables pierres calcaires, petites mais anguleuses, qui s’enfoncent dans la semelle et rendent la marche malaisée. Chaque foulée devient un effort d’équilibre, comme si le sol lui-même voulait éprouver la ténacité du pèlerin. Ce n’est plus la douceur de l’herbe ni la régularité du bitume, mais une terre âpre, fidèle à l’âpreté de ces monts.
Puis, surgissant au bord du chemin, les grands frênes s’élèvent, puissants et droits, comme des colonnes dressées dans la nature dégagée. Ils s’imposent parmi les petits érables qui jouent plus modestement leur rôle, tandis que les chênes, toujours discrets, se fondent dans l’ensemble. Ces arbres forment un cortège végétal qui accompagne le marcheur, offrant tour à tour ombre, silence et force.
Peu après, le chemin s’enfonce dans un sous-bois plus dense. L’air y devient plus humide et le pas se fait plus feutré. On avance comme dans un sanctuaire vert, où la clarté hésite à pénétrer, laissant au marcheur une impression d’intimité et de recueillement.
Plus loin, le chemin amorce une descente douce, d’abord encore sous le couvert du sous-bois. Les troncs serrés se desserrent peu à peu, et l’horizon se dégage. L’air change, la lumière gagne en intensité, comme une invitation à rejoindre la plaine.
Puis la descente se poursuit dans un espace dégagé, presque aride, qui évoque une steppe brûlée. Le sol paraît assoiffé, l’herbe clairsemée laisse apparaître des teintes rousses et ocres. Ici, le paysage semble dur et dépouillé, comme si la terre, sous le poids des étés, avait renoncé à son manteau vert.
Enfin, le chemin plonge dans la Pelouse de Bellevue, vaste étendue de prés ouverts où s’éparpillent de petits pins, solitaires et résistants. Ces arbres épars, presque inespérés dans ce décor rude, donnent à la scène un parfum de lointaine lande. Mais la rudesse persiste : le sol demeure hérissé de pierres calcaires, rendant la marche toujours âpre et exigeante. Pourtant, cette difficulté contribue à l’authenticité du lieu, comme si la beauté de la Pelouse de Bellevue se méritait pas à pas.

Section 2 : Sur les hauteurs de Autoreille

Aperçu général des difficultés du parcours : quelques pentes, mis rien de difficile.

Plus bas, la pente s’accentue, et le chemin se resserre sous un couvert plus touffu. Vous cheminez au milieu des buissons et des petits feuillus, dont les branches s’entrelacent comme pour refermer derrière vous la porte de la clairière. L’atmosphère se fait plus intime, presque secrète, et l’ombre du bois protège le marcheur dans le silence.

La coquille de Compostelle apparaît souvent sur ce chemin, gravée, fixée ou peinte, comme une sentinelle immobile rappelant que vous êtes sur la voie des pèlerins. Pourtant, il faut garder en mémoire qu’ici, en Franche-Comté, elle n’indique en rien la direction à suivre. Ailleurs, un tel signe vous ferait croire que le chemin bifurque sur la gauche ; ici, il n’en est rien, car le chemin poursuit sa route en ligne droite. Ce rappel est essentiel : seul le jeu des flèches doit guider vos pas.

Au bas de la descente, toujours dans le sous-bois, le large chemin rejoint la route départementale D225. C’est une voie tranquille, peu fréquentée, qui s’insère avec douceur dans le paysage et ne trouble pas le calme de la marche.
La route s’élance alors en une promenade paresseuse, musardant à l’ombre bienveillante des grands arbres. Les érables dressent leur feuillage ample, les frênes leur verticalité robuste, les chênes leur majesté discrète, tandis que les charmes, fidèles et humbles, complètent ce cortège végétal. Cette compagnie d’arbres, diversifiée et protectrice, enveloppe le marcheur comme une voûte naturelle, un refuge contre le soleil et le vent.
Bientôt, la route atteint le village d’Autoreille. À l’entrée, un beau Christ de pierre se dresse, témoin de la foi et des générations passées, silhouette immobile qui bénit encore les passants.
L’église du village surprend par sa masse imposante, étonnante pour un si petit village. Mais c’est là une constante de la région : ces édifices paroissiaux, bâtis solides et puissants, rappellent que la foi des campagnes se voulait aussi durable que la pierre qui la portait.
À deux pas, au carrefour de l’église, se trouvent les restes du vieux lavoir communal. Ce n’est plus aujourd’hui qu’une ruine partielle, mais quelle éloquence dans ces pierres ! Solide et imposant, ce vestige raconte à lui seul le temps qui passe et la mémoire des gestes simples d’autrefois, quand l’eau et le travail de la lessive rassemblaient les habitants.
Depuis l’église, l’itinéraire emprunte la Rue du Lac, longeant une jardinerie aquatique. Là, un parc s’offre à la visite, où l’eau apprivoisée et les plantes aquatiques composent une parenthèse inattendue, presque délicate, après la rudesse des collines et des chemins pierreux. 
Près du jardin aquatique, le parcours s’engage le long de la Rue des Corvées, serpentant au milieu des villas cossues et des fermes dont les murs, bâtis en moellons de pierre, semblent garder la mémoire des saisons passées, comme autant de témoins silencieux de la vie rurale. Les jardins bien entretenus exhalent parfois l’odeur du tilleul.
La route en pente douce flirte avec un parc aux allées bordées d’arbres, avant de retrouver un terrain plat et d’aborder la Rue des Barots. Les villas qui la jalonnent, avec leurs façades claires et leurs volets soigneusement peints, donnent l’impression d’un décor figé dans le temps, où chaque pierre semble raconter une histoire.
La Rue de la Côte, qui porte son nom avec une loyauté presque théâtrale, s’élève avec une pente soutenue. Chaque pas semble peser un peu plus, et l’effort physique se mêle à un sentiment d’exaltation, comme si la colline vous offrait en récompense son panorama encore invisible.
La route longe d’abord les prés, vastes tapis verts où paissent les herbes folles. Le spectacle de la campagne s’étend devant vous, calme et rassurant, comme une peinture impressionniste animée par la brise.
Puis la route se glisse sous une voûte de grands feuillus, où se mêlent les érables joufflus et les frênes aux branches chevelues, offrant leur ombre bienfaisante. Les feuilles filtrent la lumière, projetant des motifs mouvants sur le sol et vous accompagnant jusqu’au sommet, comme un sanctuaire végétal suspendu au temps.
Au sommet de la colline, la prudence s’impose. Le sens de la flèche plantée sur un arbre semble vous inviter à poursuivre tout droit, mais c’est un leurre. Cette route du karting est une impasse trompeuse. Nous nous sommes laissés berner, une fois de plus. En Franche-Comté, il n’est pas rare de se retrouver égaré sur un parcours trop souvent mal fléché, où chaque détour peut devenir une leçon d’humilité. 

Il est indéniablement plus simple d’être guidé, de se voir mâcher le travail et de suivre un itinéraire clair. Le GPS peut être un allié, mais encore faut-il que la carte indique le bon chemin, ce qui n’est pas toujours le cas. Les cartes globales des Chemins européens, censées être cohérentes, contiennent ici une erreur, vestige probable d’un itinéraire ancien devenu obsolète. Si vous vous tournez vers le guide publié par les Amis de Compostelle pour l’Alsace, la Franche-Comté et la Bourgogne, l’information reste décevante. Le guide se limite à un laconique : “Gravir la colline jusqu’à la RD11“. On pourrait croire avoir atteint la RD11 au sommet de la colline, mais en réalité, elle se trouve plus bas, comme une surprise dérobée par la pente.

Revenons donc au sommet, là où trône le panneau du karting. Sur votre droite, une direction indique Besançon-Gray, mais aucun indice ne signale que c’est la route à suivre. Pourtant, c’est bien celle-ci que le parcours emprunte, descendant en douceur vers les prés et les buissons, telle une rivière d’asphalte caressant le paysage.

La route, étroite et sinueuse, s’infiltre dans les prés et les bosquets, descendante comme une respiration tranquille, jusqu’à rejoindre la RD11.
Ici, l’intersection pour monter au karting se fait discrète. Sans guide écrit ni GPS, comment savoir si vous êtes sur la bonne route ? Aucune indication ne vient rassurer le voyageur. La suite du guide devient presque comique : “La traverser prudemment et la suivre sur quelques mètres à droite jusqu’à un chemin qui monte à gauche“. Mais le chemin, lui, a disparu, effacé par le temps ou la nature, et seule la mémoire collective d’un joggeur local pourra vous sauver. Vous cherchez le chemin qui monte à gauche. Il n’y en a pas. Ceci doit être un chemin qui a disparu. Il y a une autre possibilité : Oublier “quelques mètres“ pour “quelques centaines de mètres“. Nous avons par bonheur pu trouver de l’aide auprès d’un camionneur local qui fait du jogging dans ces forêts.
Alors, que faire ? La seule option est de poursuivre sur la route à droite, à la recherche de ce chemin salvateur. C’est un choix qu’il faut affronter avec détermination et un soupçon de flair, car chaque détour perdu peut se transformer en aventure et chaque erreur en une leçon inscrite dans le paysage. 

Section 3 : Dans la belle et grande forêt des Grands Bois 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.

Alors, par bonheur, le signe rassurant du Chemin de Compostelle réapparaît sur la route, tel un phare minuscule mais providentiel au milieu des incertitudes. Il indique enfin que le parcours tourne vers la gauche. Mais attention : il ne s’agit pas de “quelques mètres“ depuis l’intersection de la D11, comme le guide l’affirmait, mais bien de plus de quatre cents mètres. Quatre cents mètres qui, pour un pèlerin fatigué et hésitant, peuvent paraître une éternité. 
Ouf ! La délivrance. Le parcours se retrouve, comme une eau vive qui reprend son lit. À gauche, un large chemin s’élève, s’ouvrant dans la forêt. L’ombre fraîche des arbres accueille le marcheur et l’invite à poursuivre, comme si la nature elle-même lui offrait une accolade de réconfort.
Le chemin ondule alors avec douceur, serpentant entre les troncs élancés. À mesure que l’on avance, le silence de la forêt enveloppe les pas et apaise le souffle. Plus loin, au lieu-dit Mont Colombin, un panneau surgit et fixe le programme du jour : neuf kilomètres à parcourir presque exclusivement en forêt, jusqu’à Marnay, en passant par le Mont Varin. Mais que l’on ne s’y trompe pas : malgré son nom, il n’y a guère de monts en ces lieux. Le chemin se contente de jouer avec les reliefs, sans jamais se hausser à la hauteur des grandes ascensions.
Le chemin se fait alors compagnon de voyage, musardant à l’ombre des grands feuillus : érables généreux, frênes élancés, chênes robustes, charmes et hêtres gracieux. Chacun semble prêter sa personnalité au paysage : les uns massifs et tranquilles, les autres souples et aériens, comme une symphonie de formes et de feuillages.
Un peu plus loin, une modeste exploitation de bois apparaît, discrète mais vivante, rappelant que l’homme aussi prélève dans cette forêt une part de son existence. Pourtant, malgré ces traces de travail, le chemin ne se perd jamais : à chaque bifurcation, un signe précieux, une coquille, comme un clin d’œil complice, veille à ce que le pèlerin garde la bonne direction.
Parfois, le chemin s’étire en longues rectilignes, semblables à des flèches plantées dans le bois, offrant un rythme régulier à vos pas, comme une marche cadencée vers l’horizon.
Parfois au contraire, le chemin virevolte avec délice, dessine des arabesques et joue avec la topographie, comme un danseur capricieux qui refuse la ligne droite et préfère l’élan de la courbe.
Les maîtres incontestés de ce bois sont les hêtres et les charmes. Il faut le dire, tant cela étonne : il est rare, sur le Chemin de Compostelle, de traverser une forêt qui offre autant de charmes. Ici, ces arbres ne se réduisent pas à la charmille basse et buissonnière que l’on croise dans bien des régions. Non : ils s’élancent avec vigueur, devenant de hauts fûts ou des rejets puissants, dressés comme une armée végétale, noble et discrète à la fois, donnant au bois une grâce singulière.
Plus loin, le chemin se transforme, comme s’il voulait éprouver la persévérance du marcheur : il devient embourbé, étonnamment spongieux même par temps sec. Les ornières profondes, sculptées par les tracteurs des forestiers, sillonnent le sol telles des cicatrices, rappelant que l’homme, ici encore, imprime sa trace sur la chair de la forêt.
Après près de trois kilomètres de balade au cœur de ce sanctuaire boisé, sans âme humaine à l’horizon, seul accompagné du concert des oiseaux et du froissement des feuilles, le chemin finit par croiser une petite route. Elle paraît discrète, presque clandestine, sans doute tracée uniquement pour les besoins des exploitants du bois. Ce ruban étroit, perdu dans la verdure, contraste avec le silence solennel des sous-bois.
Puis le chemin, comme pour mieux se protéger du monde, se resserre et s’engouffre davantage dans la nature sauvage. Sous la voûte persistante des grands feuillus, il se fraie un passage parmi les hêtres et les charmes, fidèles compagnons de cette marche. Çà et là, un chêne majestueux, un érable aux feuilles larges ou un frêne élancé viennent diversifier le décor. Mais point de châtaigniers : ils semblent absents de ce territoire, comme si ce sol, cette lumière, ne leur étaient pas destinés. Le paysage garde ainsi une identité singulière, fidèle à ses essences locales.

Section 4 : Toujours et encore dans la belle et grande forêt des Grands Bois  

Aperçu général des difficultés du parcours : quelques pentes, mais rien de difficile.

Le chemin s’amincit encore, se faufilant entre les troncs comme un sentier joueur, virevoltant sous la voûte des arbres. Ici, les organisateurs du parcours ont choisi d’accrocher en abondance des coquilles aux écorces, comme une pluie de signes, alors même qu’aucune intersection ne trouble vraiment la marche. Elles sont parfois mal orientées, flottant dans le désordre, mais la flèche, fidèle, indique malgré tout la bonne direction. On se prend à sourire : quelle ironie de gaspiller ces précieux repères dans des lieux où l’on ne risque guère de s’égarer, alors qu’ils seraient tant nécessaires aux carrefours trompeurs. 
Le chemin se fait ensuite caresse, ondulant avec douceur dans la forêt, au milieu des rejets de charmes et de hêtres qui tapissent le paysage. L’air y est plus dense, imprégné de sève et de fraîcheur, et l’œil se perd dans le vert profond de ce sanctuaire.
Parfois, les feuillus s’élancent haut, fiers et majestueux ; mais le plus souvent, ce sont des rejets, fins et nombreux, qui serrent leurs silhouettes les unes contre les autres, dessinant un bois serré où la lumière a du mal à pénétrer. À leurs pieds, les fougères s’épanouissent en tapis délicats, témoins d’une humidité constante, comme une nappe invisible qui nourrit ces sous-bois.
Peu après, le chemin s’élargit, comme pour souffler un instant, et offre une halte : une petite cabane rustique, accompagnée d’un espace aménagé pour le pique-nique. C’est un lieu pensé pour les randonneurs et les pèlerins, une pause bienvenue au cœur de la solitude verte, une invitation à poser son sac, à reprendre souffle et à écouter le murmure de la forêt.
Puis le chemin reprend, imperturbable, fidèle à sa descente presque imperceptible, toujours sous le couvert des feuillus. Les coquilles continuent de fleurir sur les troncs, ponctuant le passage comme des lanternes. Pas un conifère à l’horizon : le bois reste homogène, fidèle à son alliance avec les essences nobles de feuillus.
Plus loin, le chemin croise une petite route carrossable, taillée dans la forêt pour relier un village à un autre. C’est une ouverture brève, presque une respiration dans la marche, avant que la canopée ne referme son manteaut.
Après avoir franchi cette route, le chemin pénètre dans une zone plus humide, où l’eau, parfois, s’attarde en flaques ou en poches discrètes, comme si la terre elle-même hésitait à la laisser filer. Le pas s’y fait plus attentif, mesuré.
Et toujours, les coquilles, peut-être superflues, mais obstinées, se répètent sur les arbres, une omniprésence rassurante et parfois agaçante, comme un refrain entêtant.
Le chemin poursuit sa danse, virevoltant de nouveau sous les arbres, où l’ombre douce et les reliefs légers rendent la marche facile, presque insouciante. Le pas se laisse aller, porté par l’élan du chemin.

Plus loin, un panneau surgit : il annonce que vous êtes à 3,5 kilomètres de Marnay. Déjà près de six kilomètres ont été avalés à travers ce bois sans jamais se perdre, preuve que l’abondance de coquilles trouve peut-être une justification. D’autres chemins traversent également ces lieux, signalés par des ronds, des triangles et des couleurs diverses, comme si chaque balisage cherchait à imposer sa voix dans cette polyphonie forestière,

Depuis ce panneau, le chemin s’incline davantage, descendant de manière plus marquée, mais toujours avec douceur. Le bois, placide et charmant, accompagne cette pente comme une main qui soutient plutôt qu’elle ne pousse.
Et toujours, fidèles, les coquilles, les ronds et les triangles jalonnent le passage, une escorte vigilante qui vous mène sans ambiguïté.
La descente se poursuit, paisible et régulière, jamais trop sévère. Sous l’ombre tendre des grands feuillus, le marcheur se sent protégé, comme enveloppé dans une cathédrale végétale où chaque pas résonne doucement sur le sol forestier.

Section 5 : Descente sur une belle rivière  

Aperçu général des difficultés du parcours : quelques pentes, mais rien de difficile.

Le chemin consent enfin à sortir de la forêt, et l’on doit le dire : pour bien des pèlerins, après près de huit kilomètres passés seuls dans ce grand bois, c’est une délivrance. Retrouver l’air libre, sentir le souffle du vent courir sans entraves et deviner au loin les contours d’un village, voilà qui rassure. L’on se dit alors, presque avec gratitude, que l’on n’a pas erré en vain, que le fil du chemin ne s’est pas rompu. 
Une large route de terre battue s’élance alors, longeant le sous-bois comme pour accompagner encore un instant ce royaume d’ombre avant de le quitter définitivement.
À la sortie du bois, la récompense surgit : Marnay se découvre enfin devant vous, posée comme une promesse au bout de la marche.
Après la diversité foisonnante de la forêt, c’est désormais l’uniformité des prairies et des cultures qui s’impose. La route s’étire, nue, glissant vers la civilisation à travers ce paysage sans un seul arbre, où le ciel prend toute la place et pèse d’autant plus sur l’horizon.
La marche rapproche assez rapidement du bourg, modeste mais bien vivant, où résident environ 1 600 habitants.
Bientôt, les premières maisons apparaissent, signe tangible de la localité étendue, accueillante dans sa simplicité.

Un panneau se dresse pour expliciter enfin ce que signifient les ronds, les triangles et autres signes colorés qui jalonnaient la forêt : tous ces chemins locaux de petite randonnée convergent ici, comme autant de veines vers un cœur battant

Un chemin de terre et d’herbe longe ensuite une route et vous mène vers un rond-point, à deux pas seulement du centre de la cité.
Puis, la route glisse doucement à proximité d’un petit ruisseau, la Fontaine des Douis, qui accompagne vos pas de son clapotis discret.
Après un parc verdoyant, le chemin franchit le ruisseau et s’engage au cœur même du bourg, vous immergeant dans la vie quotidienne de la cité.
Vous êtes désormais à deux pas de l’Ognon, au pied de la ville. Si vous choisissez de gagner l’agréable camping établi au bord de l’eau, où bien des pèlerins trouveront repos et hospitalité, il vous faudra traverser un bras de la rivière.
L’Ognon, affluent de la Saône long de deux cents kilomètres, prend sa source dans le massif des Vosges. Il déroule l’essentiel de son cours à travers la Haute-Saône, dont il épouse les vallons, puis marque la limite avec le Doubs et le Jura avant de se jeter dans la Saône près de Gray, tout près d’ici. À Marnay, la rivière se fait spectacle : elle dessine des chutes d’eau douces et majestueuses, logées dans un vaste cirque où l’écume se mêle à la pierre.
Le centre de cette charmante petite bourgade s’élève légèrement au-dessus de la rivière. On y découvre un centre commercial avenant, mais surtout de belles maisons, souvent bâties en moellons bruts, qui confèrent à la cité un caractère solide et authentique, fidèle à ses racines franc-comtoises.

Logements officiels sur le parcours de la Suisse et l’Allemagne à Cluny /Le Puy-en-Velay

 

  • Camping municipal, Marnay ; 03 84 31 90 91 ; Gîte
  • Le Vert Lagon, Marnay ; 03 84 31 73 16 ; Camping
  • Hôtel Restaurant Le Balcon, Marnay; 03 84 31 75 11 ; Hôtel

Accueils jacquaires (voir introduction)

  • Marnay (2)

 

Airbnb

  • Marnay (4)

Chaque année, le chemin évolue. Certains hébergements disparaissent, d’autres apparaissent. Il est donc impossible d’en dresser une liste définitive. Celle-ci ne comprend que les logements situés sur l’itinéraire ou à moins d’un kilomètre. Pour des informations plus détaillées, le guide Chemins de Compostelle en Rhône-Alpes, publié par l’Association des Amis de Compostelle, reste la référence. On y trouve aussi les adresses utiles des bars, restaurants et boulangeries qui jalonnent le parcours. Dans cette étape, il ne devrait pas y avoir de grands problèmes pour se loger. Il faut le dire : la région n’est pas touristique. Elle offre d’autres richesses, mais pas l’abondance des infrastructures. Aujourd’hui, airbnb est devenu une nouvelle référence touristique, que nous ne pouvons ignorer. C’est devenu la source la plus importante de logements dans toutes les régions, même les régions touristiques peu favorisées. Comme vous le savez, les adresses ne sont pas disponibles directement. Il est toujours vivement conseillé de réserver à l’avance. Un lit trouvé au dernier moment est parfois un coup de chance ; mieux vaut ne pas s’y fier tous les jours. Renseignez-vous, lors de vos réservations des possibilités de repas ou de petit déjeuner.

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 10: De Marnay à l’Abbaye d’Acey

 

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