St Agrève, dit “Le balcon des Cévennes”
DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.
Pour ce parcours, voici le lien:
https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/des-nonieres-a-st-agreve-par-la-via-gebennensis-adresca-32985268
Tous les pèlerins ne sont pas forcément à l’aise avec la lecture des GPS ou la navigation sur un portable, d’autant plus qu’il existe encore de nombreuses zones sans connexion Internet. C’est pourquoi, pour faciliter votre voyage, un livre dédié à la Via Gebennensis par la Haute-Loire est disponible sur Amazon. Bien plus qu’un simple guide pratique, cet ouvrage vous accompagne pas à pas, kilomètre après kilomètre, en vous offrant toutes les clés pour une planification sereine et sans mauvaises surprises. Mais au-delà des conseils utiles, il vous plonge dans l’atmosphère enchanteresse du Chemin, capturant la beauté des paysages, la majesté des arbres et l’essence même de cette aventure spirituelle. Seules les images manquent : tout le reste est là pour vous transporter.
En complément, nous avons également publié un second livre qui, avec un peu moins de détails mais toutes les informations essentielles, décrit deux itinéraires possibles pour rejoindre Le Puy-en-Velay depuis Genève. Vous pourrez ainsi choisir entre la Via Gebennensis, qui traverse la Haute-Loire, ou la variante de Gillonnay (Via Adresca), qui se sépare de la Via Gebennensis à La Côte-Saint-André pour emprunter un itinéraire à travers l’Ardèche. À vous de choisir votre parcours.
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Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.
Aujourd’hui, c’est une très longue montée, le plus souvent en forêt, sur le grand plateau de St Agrève, s’élevant à plus de 1 000 mètres d’altitude, un plateau rural de moyenne montagne, avec aussi des collines. Là-haut ne poussent que rarement les châtaigniers, et au milieu des hêtres et des épicéas paissent les vaches, les chevaux et les moutons, à la limite des clairières des forêts et des prés. Ici, l’hiver est assez rude, dit-on, quand souffle la “burle“, un vent froid. Le plateau de St Agrève est un socle de granite qui a été soulevé et érodé avec les siècles. Il appartient au Massif Central, comme son partenaire proche, le Velay. Toute cette région est faite de granit, mais aussi de roches dérivées, transformées, telles que les gneiss ou les schistes. Et comme Héphaïstos a aussi joué aux billes ici, on y voit aussi des basaltes magmatiques. En face de St Agrève, à l’horizon se dessine la montagne ardéchoise, pays de petits lacs et de volcans éteints, faisant limite avec la Haute-Loire. On appelle ces structures en mamelons des “sucs”. Le Gerbier de Jonc, où se trouve la source de la Loire, vous le verrez poindre sur la ligne d’horizon tout au long de l’étape. L’autre célébrité de la région est le Mont Mézenc. Nous ne passerons pas dans ces régions, mais de nombreux randonneurs y vont, d’autant plus que ces merveilles de la nature sont atteignables en voiture.
Aujourd’hui, on se rapproche progressivement de l’extrémité de l’Ardèche, à St Agrève, appelé aussi “balcon des Cévennes”, car les montagnes ardéchoises à l’horizon sont en fait la barrière des Cévennes, en arrière de la crête, au sud. Mais pour aller se dorer au balcon, disons-le franchement, la montée est parfois assez pénible.
Ici, encore la Via Gebennensis/Adresca entre en compétition avec le GR420. Ce dernier se sépare de la Via Adresca dès le départ, rejoint Le Chelylard sur l’Eyrieux, Là, il part à la visite de la Montagne Ardéchoise. Mais une variante, le GR420A remonte vers St Agrève. Si vous aimez l’exercice vous pouvez aussi suivre ce chemin jusqu’à St Agrève, un chemin nettement plus long et plus casse-pattes. Pour votre part, vous resterez sur la Via Adresca. Mais, soyons franc, le vôtre est déjà suffisamment casse-pattes.


Difficulté du parcours : Les dénivelés (+677 mètres/-316 mètres) sont très prononcés pour une étape si brève. La montée au-dessus des Nonières est très sévère jusqu’à rejoindre la forêt de St Lager, où le parcours prend un peu de repos. Succèdent alors des montagnes russes dans les bois, puis une montée continue vers le Pouzat. Sur tout ce parcours, les pentes souvent dépassent les 10-15%. A partir du Pouzat, c’est presque les vacances sur l’approche du plateau de St Agrève. Enfin, les vacances, c’est une manière de dire, car les pentes sévères apparaissent parfois, autant en montée qu’en descente.
État de la Via Adresca : Dans cette étape, vous marcherez autant sur les routes goudronnées que sur les chemins :
- Goudron : 8.2 km
- Chemins : 9.0 km
Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.
Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.
Pour les vrais dénivelés, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Section 1 : Rude montée au-dessus de Nonières

Aperçu général des difficultés du parcours : montée sévère, souvent à plus de 15% jusqu’au plateau de St Lager; puis parcours casse-pattes dans la forêt.

Soyez attentif ici, car le GR420 traverse le village. Mais ce n’est pas votre route aujourd’hui. La Via Adresca, encore marquée de la coquille symbole des pèlerins, prend le large et s’élève progressivement au-dessus de Les Nonières. Un premier chemin, discret mais persistant, s’engouffre entre les herbes hautes, formant une ligne sinueuse qui s’élance comme la courbe tranquille d’une rivière oubliée. Ce chemin, encore marqué par le passage des âmes en quête, est une relique du passé, où chaque pas semble imprégné de l’histoire des pèlerins qui, autrefois, se traînaient dans leur pèlerinage vers Compostelle. Ici, le sol semble retenir le souvenir de leurs pas, comme si la terre elle-même avait absorbé la poussière des siècles. |
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Le chemin, toujours plus escarpé, grimpe avec une détermination farouche au-dessus du village, serpentant entre les champs comme un serpent traînant sa langue sur le sol brûlant. Par endroits, la pente semble frôler les cieux, défiant l’horizon, avec une inclinaison atteignant facilement les 15 %, un chemin tel un sentier arraché à la terre, dévoré par la chaleur et l’hostilité. La poussière du sol, piétinée par des milliers de pas, se mêle à l’air sec, et l’on peut sentir la rugosité du terrain sous les semelles, tant la terre est sèche et la végétation, rare, se réduit à des buissons d’épines. L’effort pour gravir cette montée est très exhaustif, épuisant, presque insurmontable, chaque fibre musculaire poussée à l’extrême, à tel point qu’on pourrait presque entendre le craquement des muscles sous la pression de l’ascension. |
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Mais la montée n’est pas encore achevée. Après avoir franchi la route départementale D21, un sentier diffus se faufile dans une nouvelle ascension, encore plus redoutable, en direction des prés. La pente se fait encore plus sévère, presque verticale, comme un défi à la gravité. À cet endroit, la difficulté réside aussi dans l’imprévisibilité du terrain : le sentier peut s’effacer sous l’épaisse couche de foins qui recouvre la terre, ne laissant qu’une fine trace de passage. La végétation semble engloutir le sentier tout entier, et il devient alors nécessaire de viser le pylône, discret mais visible sous la forêt, comme un phare guidant les pas des voyageurs. Ce repère devient alors la promesse d’un chemin retrouvé, au cœur d’un monde qui semble vouloir effacer toute trace humaine. |
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Puis, il faut viser le deuxième pylône, plus lointain, plus discret, mais non moins important. Sous Les Nonières, le village disparaît doucement de votre champ de vision, glissant lentement derrière la courbure des collines, comme un souvenir qu’on tente de saisir avant qu’il ne soit englouti par la brume. Le regard se perd dans l’immensité des terres vierges qui s’étendent sous l’azur, et chaque pas semble éloigner un peu plus ce lieu chargé de l’histoire du quotidien. |
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Bientôt, la pente se radoucit, comme un souffle, et le sentier rejoint une petite route asphaltée qui se glisse au cœur de la Serre de Saint-Lager, sur un plateau suspendu, dominé par le ciel clair. À 900 mètres d’altitude, vous avez gravi près de 250 mètres de dénivelé depuis Les Nonières. Une ascension longue et soutenue, où chaque goutte de sueur, chaque souffle court, est un hommage rendu à la majesté de la nature, qui semble se déployer sous vos pieds, sauvage et indomptée. |
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La route devient alors un long murmure, une mélodie douce qui oscille entre les prés ondulants et les forêts ombreuses, se glissant doucement vers les quelques maisons isolées de St Lager. Par endroits, la brise légère qui traverse les bois, enivre l’air de parfums de résine et de terre humide. L’atmosphère, calme et presque suspendue, semble nous envelopper d’une sérénité rare, où le bruit du monde disparaît sous les murmures de la nature. |
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Un nouveau chemin prend alors le relais, descendant de manière irrégulière, casse-pattes, à travers la Serre de St Lager. La forêt se déploie en un vaste écrin de pins, d’épicéas, et de feuillus, chênes, charmille, et érables se côtoient en harmonie. Cependant, les châtaigniers, eux, semblent avoir fondu sous la chaleur de l’été, disparaissant lentement comme des vestiges d’un autre âge, engloutis par l’oubli. La lumière qui filtre entre les branches des arbres est tamisée, créant une ambiance mystérieuse où chaque mouvement semble faire écho à l’histoire de ce lieu. |
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Sur le chemin, l’œil se pose inévitablement sur l’autre côté de la vallée. Là-bas, une succession de petites routes sinueuses se déploie, serpentant entre des vallées secrètes, menant à des impasses où, parfois, quelques maisons égarées semblent perdues dans l’immensité de la forêt. Plus haut, près des éoliennes, ces géantes de métal qui se dressent fièrement dans le ciel, vous les apercevrez bientôt, visibles depuis deux jours, comme des témoins silencieux d’un autre temps, suspendus entre passé et avenir.

Le chemin musarde encore un peu, se faufilant entre les forêts profondes et les clairières étendues, avant de rejoindre la départementale D21, le deuxième axe de la journée. Cette route, qui relie Les Nonières à St Agrève, se dévoile lentement comme un fil d’Ariane, vous guidant vers d’autres horizons, d’autres paysages à découvrir. |
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Section 2 : En montée constante dans la forêt

Aperçu général des difficultés du parcours : montée continue sur le Pouzat, avec parfois des tronçons à plus de 15%; aux Baraques, nous serons au point le plus élevé de l’étape, à 1125 mètres.

La Via Adresca va s’élever sans relâche jusqu’au Pouzat, serpentant sans fin à travers les forêts. La pente, non clémente, s’étend souvent entre 10 % et 15 %, sans excès, mais laissant parfois un répit sous la forme de replats furtifs. C’est un parcours presque austère, où la route se faufile entre des épicéas, des pins et des sapins de Douglas, géants serrés les uns contre les autres, droits et figés comme des soldats dans une parade. La forêt semble se faire plus dense, la terre revêtant une couleur rougeâtre, comme une poudre sèche qui se dissémine sous les pas. |
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Un peu plus haut, la Via Adresca abandonne la route pour un chemin qui plonge dans la Forêt de la Blache. D’abord, l’atmosphère se fait plus lourde, les conifères sont décharnés, privés de vie, leurs cimes n’ayant plus qu’un maigre toupet de verdure, accrochées à des troncs émaciés par l’ombre persistante. Les rayons du soleil peinent à filtrer à travers la canopée, laissant cette partie de la forêt dans une pénombre qui alourdit l’air. |
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Mais les forêts, comme la vie, sont changeantes. On ne sait jamais ce qui peut advenir, et la nature, dans son infinie sagesse, transforme les choses sans que l’on y prenne garde. Plus haut, sur un sentier qui semble s’étirer à l’infini, l’ambiance s’allège. La forêt reprend ses couleurs, ses ardeurs. Les conifères, majestueux, déploient leurs ramures dans une danse silencieuse et apaisante. L’air devient plus frais, plus agréable, et l’on se laisse bercer par la quiétude du lieu. |
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Parfois, le chemin se resserre sur la terre sombre, presque brune, où la végétation semble plus rudimentaire, presque sauvage. Les pins et les épicéas dominent le paysage, comme les chefs de file d’une armée silencieuse. Les feuillus, eux, sont des invités timides, relégués au second plan dans cette symphonie de vert sauvage. |
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Au détour d’un replat, le paysage s’ouvre soudainement. Les collines boisées s’étendent à perte de vue, engloutissant l’horizon sous leur manteau de verdure. Et puis, comme une apparition, le Gerbier de Jonc et le Mézenc se dressent fièrement à l’horizon. Ces volcans majestueux, témoins d’une époque révolue, semblent entrelacer le Velay de la Haute Loire et le Vivarais de l’Ardèche dans un grand souffle géologique. À partir de ce moment-là, ces montagnes ne vous quitteront plus des yeux, imposant leur silhouette éternelle. Plus près de vous, des merisiers, comme des voyageurs égarés, poussent timidement leurs branches au milieu des collines. Ces cerisiers sauvages ont dû parvenir ici par les hasards capricieux des vents, porteurs d’histoire et de mystère. |
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Le chemin, fidèle à lui-même, poursuit sa course en suivant la crête, tel un spectateur paisible qui suit chaque mouvement du paysage. La marche est toujours agréable, bercée par les conifères et les genêts, bien que la montée continue sa lente ascension. Mais ici, la pente se fait plus douce, moins évidente, presque imperceptible. Le corps, moins sollicité, se laisse porter par l’atmosphère sereine, et chaque pas devient un moment de répit. |
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Enfin, après cette longue ascension, Le Pouzat se dévoile, émergeant sous les éoliennes qui, il y a plus de deux jours, se dessinaient déjà à l’horizon. À première vue, le Haut Vivarais semble être un immense plateau, une mer calme de verdure et de roches. Pourtant, à mesure que l’on s’enfonce dans ce pays de vallées et de crêtes, on comprend que ce plateau n’est qu’une illusion. En réalité, cette terre est découpée par des vallons, des creux où l’on ne cesse de descendre pour mieux remonter, un va-et-vient incessant entre ciel et terre.

Le chemin s’étire devant une chapelle solitaire, perchée sur une petite colline, à l’ombre d’un cimetière. L’histoire de l’Ardèche se murmure dans ces pierres, imprégnée des querelles séculaires entre catholiques et protestants. Ici, chaque monument semble raconter sa propre légende, tissée de récits et de croyances populaires. Ces chapelles sont des refuges où, dit-on, des sources miraculeuses jaillissent, offrant aux pèlerins la promesse de guérisons inespérées, de remèdes pour tous les maux de l’âme et du corps. |
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La Via Adresca s’éloigne alors de ce lieu de culte et rejoint la départementale D21, qui traverse le hameau. La circulation, ici, est presque insignifiante, comme un murmure dans la grande symphonie des paysages. Ce n’est ni l’axe qui mène aux volcans ardéchois, ni celui qui relie Valence au Puy-en-Velay, mais un simple fil d’asphalte qui court paisiblement entre les maisons et les champs, presque indifférent à la majesté des terres qu’il traverse. |
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La route commence à monter lentement, grimpant en direction des Baraques, le point culminant de l’étape, à plus de 1 100 mètres d’altitude. Là, la Via Adresca abandonne la D21, qui l’attend encore à St Agrève, pour bifurquer sur le Chemin des Ambalès. Une petite route se déploie devant, semblable à une respiration tranquille du paysage. |
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Le parcours se poursuit à plat, puis amorce une légère descente, serpentant à travers une mer d’épicéas, de sapins blancs et de sapins de Douglas, des géants des hauteurs, comme les habitants d’un royaume d’altitude. Les châtaigniers, eux, dédaignent ces cieux trop élevés et ne s’aventurent pas au-delà des pentes douces. Quelques centaines de mètres plus loin, un chemin prend le relais, se dirigeant vers Les Boudouilles, où l’on pourrait presque entendre, à l’oreille fine, les échos de l’histoire résonner entre les pierres. |
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Derrière les genêts, les prés s’étendent à perte de vue, ponctués ici et là par les éoliennes qui tournent lentement dans le vent. Ces géantes de métal, portées par l’air, ont-elles défiguré le paysage ? Certains, peut-être, pourraient le penser. Mais dans certains lieux, ces colosses semblent s’être parfaitement intégrés à l’harmonie naturelle, comme de véritables oiseaux géants qui glissent dans le ciel, leurs pales traçant des arcs dans l’immensité. Dans ces paysages, leur présence semble presque élégante, une danse silencieuse et majestueuse, au rythme de l’air et du temps.

Section 3 : En passant chez les protestants ardéchois

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté, le plus souvent en descente assez légère.

Le chemin, bordé de silence, s’élargit bientôt devant une robuste demeure de pierre taillée, majestueuse dans son austérité. Ces maisons, si caractéristiques des paysages ardéchois, sont les gardiennes d’un patrimoine immémorial. Les murs épais, ornés d’une patine que seul le passage des siècles peut offrir, portent en eux la mémoire des générations, des vies modestes et laborieuses. Elles résistent, stoïques, témoins muets des vents d’histoire qui les ont effleurées. Pourtant, le chemin, indifférent à cette éternité figée, s’enfonce à nouveau dans l’ombre apaisante de la forêt. |
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La forêt, ici, s’offre dans toute sa splendeur contenue, belle sans prétention, accueillante dans son calme. Le chemin semble flotter sur un sol moelleux, composé d’un sable gris ou ocre, doux sous les pieds. Les épicéas, comme des gardiens taciturnes, dressent leurs colonnes élancées, formant une architecture naturelle, solennelle. Par instants, une clairière s’ouvre, un souffle lumineux perçant la canopée, laissant entrevoir un coin de ciel. Ces moments suspendus sont comme un soupir, une pause bienfaisante dans l’intimité ombragée de la forêt. |
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Plus loin, les pins de Douglas prennent le relais, leurs troncs immenses s’élevant vers les hauteurs, témoins de plantations soignées, probablement entreprises dans les années d’après-guerre. Ces arbres, au port altier, se mêlent à de grands hêtres, leurs feuilles bruissant doucement dans le vent. Ensemble avec les hêtres, ils forment une haie d’honneur, une procession végétale où l’on marche en se sentant infiniment petit, presque irréel. Ici, on se trouve à la croisée du vivant et de l’éternel, nain insignifiant au cœur d’une cathédrale de verdure. |
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Puis, comme un tableau changé par un coup de pinceau, le chemin s’ouvre sur une clairière lumineuse, presque irréelle. Les herbes hautes ondulent sous un vent discret, évoquant une mer paisible. À l’horizon, le Gerbier de Jonc et le Mont Mézenc dessinent des silhouettes familières. Ces volcans endormis, immuables, dominent la scène, leurs contours à peine altérés par le passage du temps ou la distance. Leur constance est un baume, une ancre pour l’âme dans ce décor mouvant. |
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Après cette rêverie, le chemin poursuit son ascension, frôlant un lieu-dit, Le Riou Frey. Ici, un ruisseau, l’Aygueneyre, glisse avec une discrétion presque absolue, caché sous les fougères et les pierres moussues. Son murmure est à peine audible, comme une confidence murmurée au creux des bois. Le chemin, imperturbable, monte encore, grimpant vers une butte, comme pour chercher un point d’observation privilégié sur ces paysages qui se déploient en silence. |
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Au sommet, une petite route apparaît, traçant une ligne paisible et obstinée vers Beauvert. Ce nom, qui résonne comme une promesse, évoque un village aux contours simples et harmonieux. |
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En entrant dans St Jean-Roure, ou Beauvert, le voyageur est saisi par l’élégance brute du lieu. Les maisons, en pierre de taille, semblent avoir été conçues pour défier le temps. Chaque mur, chaque façade, est un poème de sobriété. Le village est un éloge à la simplicité, un havre où l’âme peut trouver un peu de répit. |
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Mais au cœur du hameau, ce n’est pas une église qui s’élève, mais un temple, sobre et droit, comme un manifeste silencieux. Il raconte à sa manière l’histoire protestante de l’Ardèche, marquée par les persécutions et les renaissances. Ces temples, jeunes par leur architecture, contrastent avec les églises catholiques d’une ancienneté vénérable. Ici, dans ce premier village où le protestantisme s’affirme clairement, le temple est à la fois lieu de culte et monument d’une mémoire vivante. Aujourd’hui, pourtant, combien se rassemblent encore autour de cette foi ? Alors que seulement 5 % des catholiques pratiquent, le temple semble parler davantage au passé qu’à l’avenir. |
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Depuis Beauvert, la Via Adresca s’entrelace avec le GR420A. Désormais, les balises rouge et blanc guident aussi le pas. Une route délabrée quitte le village, frôle le cimetière, souvent distant des temples dans la tradition protestante, et s’étire dans la campagne, bientôt engloutie par la forêt. |
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À l’orée du bois, le parcours redevient une simple piste de terre. Là, les châtaigniers réapparaissent, comme pour rappeler leur rôle de sentinelles des collines ardéchoises, témoins des siècles et des saisons. |
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Section 4 : Montagnes russes entre prés et sous-bois

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours casse-pattes avec quelques pentes marquées.

Le chemin amorce sa descente, s’élargissant doucement comme pour mieux s’intégrer à la majesté des feuillus qui l’enserrent. Sous ce dôme naturel, les châtaigniers imposent leur présence, véritables sentinelles du paysage. Leurs troncs massifs, noueux, portent la mémoire de mains humaines qui les ont greffés, courbés à leurs besoins, tout en respectant leur force sauvage. Chaque arbre est une histoire, un fragment d’un passé agricole révolu. À côté d’eux, les conifères, relégués à une timide discrétion, semblent courber l’échine, reconnaissant leur supériorité naturelle. L’air ici est doux, imprégné d’une fraîcheur végétale, et la lumière, tamisée par le feuillage dense, s’éparpille en éclats fragiles, dessinant un tableau mouvant et intime. |
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Sous les châtaigniers et les frênes, le chemin traverse un petit pont de pierre, le pont de Truchet, une merveille discrète suspendue au-dessus du murmure à peine audible du ruisseau d’Aygueneyre. L’eau, si ténue qu’elle semble parfois absente, serpente paresseusement entre les galets. C’est un endroit qui appelle à l’arrêt, à l’observation minutieuse de ce qui, à première vue, semble insignifiant : la douceur d’un filet d’eau, la robustesse millénaire des pierres qui le surplombent, la simplicité de l’ouvrage humain qui épouse la nature. Ces ponts, humbles et solides, sont les poèmes silencieux des campagnes, des passages fragiles entre hier et aujourd’hui. |
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Après le pont, le parcours reprend sa marche, serpentant pour contourner le vallon. Sa texture change peu à peu, laissant place à une route goudronnée qui s’étire brièvement, un rappel presque incongru de la modernité dans ce cadre intemporel. Pourtant, même ce revêtement semble se fondre dans le paysage, comme une veine discrète dans le grand corps de la nature. |
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Chaque forêt en Ardèche est un univers unique, une variation sur le même thème, mais jamais redondante. Ici, les pins et les épicéas retrouvent leur domination. Leurs troncs, droits et sévères, s’élancent vers le ciel, comme s’ils défiaient la gravité. |
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Peu après, vous quittez le goudron pour suivre un chemin qui monte brièvement, bordé de pierres éparses, avant de rejoindre à nouveau la route un peu plus haut, comme si le chemin jouait à disparaître et à réapparaître, à surprendre son voyageur. |
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Plus loin, la route plonge dans un vallon secret, presque oublié. Le ruisseau de Riou La Selle y sommeille, perdu dans les herbes folles. On dirait une peinture impressionniste, où le vert domine, où l’eau n’est qu’un éclat fugace, une note discrète dans une symphonie végétale. Ici, le temps semble suspendu, retenu par l’ombre des arbres et la douceur de l’air. |
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Depuis ce ruisseau endormi, un chemin reprend son cours, montant tranquillement sur le flanc d’une colline. Il oscille entre terre nue et herbe tendre, traçant une ligne simple mais parfaite, comme une calligraphie épurée sur la toile du paysage. La pente est douce, presque amicale, invitant à une marche lente, contemplative. |
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À plus de 1 000 mètres d’altitude, l’air porte une clarté particulière, une fraîcheur presque vive. Les conifères, maîtres de ces hauteurs, s’élèvent comme les colonnes d’un temple dédié à la nature. Leur immobilité impose un respect silencieux, comme si le vent lui-même hésitait à troubler leur sérénité. |
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En redescendant de la colline, le chemin cède à nouveau la place à une route bitumée, qui serpente avec une discrétion respectueuse vers le hameau de La Roche. Ici, les maisons, rares et éparpillées, se dressent comme des sculptures de pierre, témoins d’une époque où bâtir était un acte d’amour envers la durée. |
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Au bord de cette route, une maison de granit taillé capte le regard. C’est une bâtisse « à tenar », un chef-d’œuvre d’ingéniosité rurale. Ses murs, massifs et impressionnants, racontent l’effort patient de construire pour l’éternité. Entre ses doubles parois emplies de pierres et de gravats, les tenars, ces immenses blocs de granit, lient l’ensemble avec une puissance tranquille. Cette architecture, aussi pragmatique que poétique, dépasse la fonction pour devenir monument, une ode au travail acharné et au respect de la matière.

La Via Adresca s’échappe ensuite dans un sous-bois, retrouvant l’intimité protectrice des pins et des épicéas. Le sol, parfois boueux, retient par endroits des flaques d’eau, comme autant de petits miroirs reflétant les cimes. À l’ombre, des vaches Aubrac, imposantes et paisibles, se reposent. Leur présence ajoute une douceur domestique à ce tableau sauvage, un rappel que l’homme et la nature cohabitent ici depuis des siècles. |
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De temps à autre, le chemin dévoile de nouvelles merveilles : des maisons en pierre, enchâssées dans une nature qui semble les protéger jalousement. Le socle granitique de la région, tantôt visible, tantôt suggéré, impose sa force brute. Granite, gneiss, schistes, ces pierres racontent la géologie d’un monde ancien. Cette terre est un livre ouvert, où chaque rocher, chaque arbre, chaque maison est une page d’histoire, un fragment d’éternité offert à celui qui prend le temps de regarder. |
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Section 5 : A St Agrève, sur le plateau

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté.

Le chemin s’engage alors vers Rilhac, où se cache, sous l’ombre bienveillante des arbres, un hôtel de charme. La bâtisse, discrète mais élégante, se fond dans ce décor où la nature semble veiller sur elle. C’est un dernier refuge avant que le chemin ne cède définitivement sa place aux rubans de bitume. Ici s’achèvent les sentiers sauvages, comme un dernier soupir avant l’approche de la ville. |
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La route s’élance, mais sans hâte. Elle s’étire paresseusement à travers les prés, où l’herbe ondoie sous le souffle léger du vent. Tout semble calme, presque somnolent, comme si ce morceau de campagne retenait encore un peu de l’innocence du chemin disparu. |
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Plus loin, la route atteint un carrefour, un nœud ordinaire mais chargé d’un symbolisme discret : celui de la transition. Ici, à deux pas de St Agrève, l’horizon se resserre, et les prés cèdent peu à peu à une présence plus structurée, plus humaine. La départementale D21 fait son apparition, annonçant la proximité du bourg.

La D21 traverse bientôt La Croix de Ribes, une sorte d’antichambre de la ville. Les maisons de pierre taillée qui bordent la route forment une transition visuelle entre la campagne et l’urbanité. Ces demeures, bien alignées, possèdent une austérité chaleureuse, comme si elles voulaient concilier la rudesse de la pierre et le confort de l’habitat humain. |
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Encore quelques mètres, et voici un nouveau carrefour, cette fois avec la départementale D533. Ce nom évoque des souvenirs récents : cette même route qui, quelques jours plus tôt, montait depuis St Péray, qui va de Valence au Puy-en-Velay. Ce croisement marque l’entrée officielle dans St Agrève, la cité qui domine fièrement le plateau. |
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À l’entrée de la ville, un petit parc offre un espace de respiration, une sorte de seuil vert avant le cœur urbain. Puis la route glisse doucement vers le centre hospitalier, bâtiment imposant qui témoigne de l’importance de St Agrève comme pôle régional. |
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St Agrève, avec ses 2 500 habitants, est une cité qui, par sa position stratégique sur le plateau du Vivarais, a joué un rôle central au fil des siècles. Sa genèse remonte à l’époque des Gaulois, perchée sur le Mont Chiniac. Sous la domination romaine, la cité s’enracine, avant que le VIIe siècle ne lui donne son nom définitif grâce à l’évêque Agrève, figure missionnaire qui marqua l’histoire religieuse du plateau. Les guerres de Religion du XVIe siècle plongèrent le Vivarais dans le chaos, et St Agrève, prise dans ces luttes sanglantes entre protestants et catholiques, fut en grande partie détruite par les forces catholiques. Mais la ville survécut, se redéployant progressivement sur les flancs du Mont Chiniac pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui.
La vie sociale, vibrante malgré la modestie de la cité, s’organise autour du carrefour principal et de l’artère qui traverse toute la ville. On y sent battre le cœur de la ville, un lieu où se croisent les histoires anciennes et la modernité discrète d’une petite ville qui refuse de se laisser oublier.
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Aujourd’hui, St Agrève est le théâtre d’une coexistence pacifique entre catholiques et protestants, un équilibre symbolisé par la présence de deux édifices religieux. L’église catholique, datant de la fin du XIXe siècle, arbore une architecture classique, témoignant de l’élan de reconstruction après les tumultes des siècles précédents. En contraste, le temple protestant, érigé au début du XIXe siècle, reflète l’austérité propre aux lieux de culte de la Réforme. Fidèle aux préceptes de Calvin, le bâtiment se détourne de tout ornement superflu, délaissant les fioritures jugées décadentes, un écho silencieux à une époque de tensions religieuses où chaque pierre portait un message. |
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Pour comprendre l’histoire de St Agrève, il faut gravir le Mont Chiniac, berceau de la cité. Jadis, un château du XIe siècle dominait ce sommet stratégique. Aujourd’hui, il ne reste que des vestiges : un pan de mur délabré reliant les ruines de deux tours. Pourtant, ce lieu demeure grandiose, offrant un panorama à couper le souffle. Du haut de ce promontoire, le regard embrasse un vaste territoire : les ondulations du plateau, les replis des vallées, les monts du Velay et du Vivarais. Par temps clair, les Cèvennes se dessinent à l’horizon, comme un mirage. Un planisphère sommaire détaille les reliefs volcaniques qui jalonnent la crête, illustrant ce surnom mérité de “balcon des Cévennes”. Si ces dernières s’étendent principalement plus au sud, ici, les Hautes Cévennes semblent à portée de main, marquant la limite septentrionale de ce massif indompté. |
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Face à ce tableau naturel, le Gerbier de Jonc s’impose comme une silhouette familière. Ce volcan iconique, que le chemin ne cesse de saluer depuis des heures, est bien plus qu’un simple mont : c’est ici que prend source la Loire, serpentant ensuite à travers la France. Site classé, il est le deuxième lieu touristique le plus visité de l’Ardèche, après les majestueuses gorges de l’Ardèche. À ses côtés, le Mont Mézenc et une myriade de petits volcans de la chaîne des Puys se dressent, chacun racontant une histoire géologique unique. En ce point précis passe également la ligne de partage des eaux, séparant les bassins versants de la Méditerranée et de l’Atlantique, comme un fil invisible dictant le cours des rivières.

Sous les vestiges du Mont Chiniac, la Ville Haute descend doucement vers le centre moderne. Si les remparts médiévaux ont disparu, les maisons de pierre taillée, si typiques de la région, insufflent un charme robuste et authentique à cette partie de la cité. L’histoire est encore palpable dans ces rues où passé et présent cohabitent sans heurts. |
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St Agrève porte aussi une empreinte culturelle singulière : celle de Louis Jouvet. Cet immense acteur et metteur en scène, né en 1887 à Crozon, passa une partie de son enfance ici. C’est un chapitre marqué par une tragédie personnelle : son père, ingénieur chargé des travaux ferroviaires locaux, perdit la vie à la suite d’un grave accident. Cet événement, survenu dans ce cadre pourtant paisible, marque un lien indélébile entre l’homme de théâtre et cette terre du Vivarais.
Le réseau ferroviaire auquel travaillait le père de Jouvet subsiste, porté par la passion des bénévoles. La ligne du Velay Express, vestige d’une époque révolue, relie St Agrève à la Haute-Loire. Si ses trains ne circulent qu’en de rares occasions, principalement les dimanches, chaque départ est une invitation à voyager dans le temps, dans des wagons où le passé semble encore souffler. |
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Logements officiels sur la Via Adresca
- Domaine de Rilhac***, Croix de Ribes; 04 75 30 20 20 ; Hôtel, repas, petit déj.
- Le Bois Sauvage***, Route de Valence, Croix de Ribes ; 04 69 23 81 17 ; Hôtel, repas, petit déj.
- La Cabanette, 300 Rue de la Cabanette, St Agrève ; 06 65 38 62 18 ; Chambre d’hôte, repas, petit déj.
- Mme Beghin. 46 Rue du Dr Toruasse, St Agrève ; 06 51 92 03 43 ; Chambre d’hôte, repas, petit déj.
- Hôtel Le 1050, la Gare, St Agrève ; 04 75 30 10 12/06 33 16 66 56 ; Hôtel, repas, petit déj.
- Hôtel Fraysse, 10 Place Verdun, St Agrève ; 04 75 30 13 31 ; Hôtel, repas, petit déj.
- Auberge des Cévennes, 10 Place de la République, St Agrève ; 04 75 30 10 22 ; Hôtel, repas, petit déj.
Accueils jacquaires (voir introduction)
Sur la Via Adresca, les options d’hébergement sont presque toujours limitées. Vous ne traversez pas l’Ardèche touristique du Sud. Le logement est limité, même pour les AirBnB, dont les adresses ne sont pas disponibles. La liste ne répertorie que les logements situés directement sur le parcours ou à moins de 1 km du chemin. Le guide des Amis de Compostelle, quant à lui, recense toutes les adresses de logements disponibles, ainsi que celles des bars, restaurants et boulangeries le long du tracé, et même à plusieurs kilomètres du parcours. Il n’y a rien avant d’arriver à La Croix de Ribes, juste avant St Agrève. Cette dernière est la ville la plus importante de la région, avec tous les commerces et de plus nombreuses possibilités de se loger.
N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
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Etape suivante : Etape 16: De St Agrève à Fay-sur-Lignon |
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