07: Filain à Maizières

A la découverte d’un village de caractère

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du parcours. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-filain-a-maizieres-par-le-chemin-de-compostelle-80332522

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous pouvez trouver sur Amazon un livre qui traite de ce parcours.

 

 

 

 

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

La Haute-Saône est de ces contrées où le paysage, bien que doux et apaisant, tend à l’uniformité. Il y a fort à parier que, dans les années à venir, vous ne vous souviendrez guère du tracé précis que vous avez suivi, de chaque sentier, de chaque croisement. Les courbes se fondront, les montées s’effaceront, les villages se confondront dans une même palette de verts et de pierres claires. Mais il vous restera une impression, persistante, presque charnelle : celle d’un pays de grandes forêts, vastes, silencieuses, souveraines. Des forêts belles comme des cathédrales, peuplées de hêtres droits, de chênes anciens, de frondaisons denses où l’on sent battre le cœur du monde. Vous garderez aussi, étrangement, l’image répétée du TGV, cette flèche d’acier qui fend le paysage à grande vitesse, sans jamais ralentir, sans jamais s’arrêter ici. Il passe, fantomatique et lointain, rappel cruel que ce territoire reste en marge, ignoré des itinéraires rapides, de ceux qui tracent sans regarder. Un symbole de ce que ce pays n’est pas : pressé, visible, connecté. Mais il est un nom, un lieu, qui échappera à l’oubli :  Fondremand. Ce nom, vous le retiendrez. Il brillera quelque part dans votre mémoire, comme un caillou poli par le ruisseau du souvenir. Car Fondremand n’est pas un village comme les autres : c’est un joyau discret, enchâssé dans la verdure, veillé par un château-fort qui semble encore garder ses murailles. Son église, simple et noble, s’élève dans un silence qui touche à l’éternité. Et surtout, Fondremand est le berceau d’une magie naturelle : c’est là que jaillit la Romaine, cette source vive, limpide, presque sacrée, qui semble naître du roc pour offrir au monde l’eau de la mémoire.

Comment les pèlerins planifient-ils leur parcours ? Certains s’imaginent qu’il suffit de suivre le fléchage. Mais vous constaterez à vos dépens que le fléchage est souvent déficient. D’autres utilisent les guides à disposition sur Internet, eux aussi souvent trop élémentaires. D’autres préfèrent le GPS, à condition d’avoir importé sur le téléphone les cartes de Compostelle de la région. En utilisant cette manière d’opérer, si vous êtes un expert de l’utilisation du GPS, vous ne vous perdrez pas, même si parfois le parcours proposé n’est pas exactement le même que celui proposé par les coquilles. Mais, vous arriverez sauf à la fin de l’étape. En la matière, le site qu’on dira officiel est le parcours européen des Chemins de Compostelle (https://camino-europe.eu/). Dans l’étape du jour, la carte est correcte, mais ce n’est pas toujours le cas. Avec un GPS, il est encore plus sûr d’utiliser les cartes Wikilocs que nous mettons à disposition, qui décrivent le parcours actuel fléché. Mais tous les pèlerins ne sont pas des experts de ce type de marche, qui pour eux, défigurent l’esprit du chemin. Alors, vous pouvez vous contenter de nous suivre et de nous lire. Chaque embranchement difficile à déchiffrer du parcours, a été signalé, pour vous éviter de vous perdre.

Difficulté du parcours : Le trajet du jour ne montre pas de forts dénivelés (+324 mètres/-338 mètres). C’est une étape facile et agréable, avec de rares pentes au-dessus de 10%.

État du parcours : Aujourd’hui, c’est encore une étape que les pèlerins apprécient. Il y a plus de chemins que de goudron :

  • Goudron : 7.7 km
  • Chemins : 11.1 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Dans la forêt de Filain

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans grande difficulté.

À Filain, il n’était pas concevable de ne pas vous mener jusqu’au pied du château. Il s’impose, naturellement, avec cette majesté tranquille propre aux édifices anciens, comme s’il faisait partie du paysage depuis toujours.  
Mais la visite est brève, trop brève : le château étant propriété privée, ses secrets restent soigneusement gardés derrière ses grilles. Alors, le parcours reprend sa route, retrouvant la route qui traverse le village en contrebas de l’église, dans une descente douce et silencieuse.   
On traverse Filain d’un pas lent, jusqu’à croiser une croix plantée au cœur d’un carrefour, comme une boussole figée dans la pierre, point de repère autant spirituel que géographique.  
C’est là, à proximité de l’inévitable Vierge, car ici, chaque village semble avoir sa Madone veillant sur ses habitants, que l’itinéraire quitte le village. Il s’engage dans la Rue du Chemin du Bois, nom évocateur s’il en est, comme une promesse de silence et de fraîcheur.  
La route, encore goudronnée, s’élève alors en pente douce vers la lisière des bois. Sous les feuillus, la lumière devient tamisée, l’air plus vif, les pas plus légers.  
Sur un érable, gardien discret du chemin, sont apposés les symboles du parcours. Il y a, bien sûr, la fameuse coquille de Compostelle, toujours rassurante, mais mal orientée, comme toujours en Franche-Comté, où la coquille n’est là que pour vous dire que vous marchez sur le Chemin de Compostelle. Il faut donc se fier au fléchage et non à la direction de la coquille. Mais il y a aussi ce balisage de chemin de pays, jaune et rouge, éclatant, aux couleurs espagnoles, qui évoque les GR sans en être un. Rouge et blanc ? Non. Ici, tout est question de nuance. D’ailleurs, qui connaît vraiment l’origine de ce chemin ? Et sa destination exacte ? On se plaît à imaginer que même les baliseurs l’ignorent. Pourquoi tant de complexité, tant de mystère dans ce pays pourtant si simple ?   
Plus haut, le goudron cède la place à un large chemin empierré, plus rustique, plus vrai. Il est bordé par les marques patientes du travail humain : des tas de bois parfaitement alignés, qui sèchent au soleil, évoquant à la fois la rigueur et la lenteur du temps forestier.  
Le chemin entre alors dans une forêt plus aérée, éparse, où les troncs laissent le regard vagabonder entre lumière et ombre.  
Et quelle forêt ! Elle est belle ici, vraiment. Les hêtres, toujours eux, s’élèvent comme des piliers naturels, fins et lisses, tandis que quelques chênes, plus trapus, s’éparpillent çà et là comme des seigneurs fatigués. Il suffit de jeter un œil aux piles de bois empilées le long du chemin pour reconnaître les espèces, les textures, les senteurs. Ici, la forêt n’est pas abandonnée : elle est soignée, exploitée avec justesse, respectée. On sent la main de l’homme, mais une main attentive, presque complice.  
Plus loin, le chemin, jusqu’ici presque une ligne tirée à la règle, commence à serpenter. Il se fait plus étroit, plus hésitant, comme s’il prenait soudain conscience de son propre tracé.  
Peu après, on quitte définitivement la large voie pour un sentier plus intime, qui se glisse entre les troncs avec souplesse. Il ondule dans le sous-bois, épousant les reliefs légers de la forêt comme un fil de laine lâche sur un tissu ancien. Partout la coquille vous confirme que vous marchez sur le bon chemin. Elle est mal dessinée, mais la flèche indique la bonne direction.  
Ici aussi peuvent passer les cyclistes, en théorie du moins. On peine à les imaginer nombreux. Ce sentier n’est pas taillé pour la vitesse ou la performance : il est lent, feutré, presque introspectif.  
Et c’est tant mieux. La promenade se fait bienfaisante, presque méditative. Sous les hêtres, certains joufflus et ventrus comme de vieux notables, d’autres minces et nerveux comme des ados étirés trop vite, on avance doucement.  
Les pas se font plus silencieux sur le tapis de feuilles, le regard se perd dans les nuances de verts et de gris.  
Le sentier se laisse suivre sans effort, serpentant jusqu’au bout du bois. C’est une grande hêtraie qui s’étale ici, majestueuse et simple à la fois. On y cherche en vain la charmille, cette habituée des chemins français. Mais non, en Franche-Comté, ce sont les jeunes rejets de hêtres qui font office de sous-bois. Moins charmants peut-être, mais plus rustiques, plus francs.  
Bientôt, le chemin s’extrait des bois…  
… pour les longer, frôlant les lisières où les prés et les champs s’imposent grandement.  
Et là, avouons-le, le charme opère moins. Car si la forêt ici est noble et accueillante, la campagne, elle, a parfois des airs d’abandon poli. Des champs plats, des labours silencieux, des cultures fonctionnelles mais sans grâce. On dira pudiquement que le paysage est « discret », « monotone », ou « dépouillé », pour ne pas dire, un peu tristounet. Que les gens du coin nous pardonnent. Mais le marcheur, lui, sent bien que la poésie s’est faite la malle.   
Plus loin, ce n’est que la solitude des grands champs, d’un océan d’épis dorés ou de tournesols tournant le dos à tout. Une sorte de silence rural, sans oiseaux, sans tracteurs. On avance entre blé et ciel. Dans ces champs sans âme, où la terre s’étire à l’infini sans heurt, sans pli, comme un tissu soigneusement repassé, le paysage avance sans relief, tel un rêve pâle dont on ne garde qu’un goût d’oubli. Rien ne surgit, rien n’éveille. La nostalgie, insidieuse, s’infiltre entre les pas. On marche alors comme on respire, par nécessité plus que par désir, les yeux baissés, comptant les pierres ou les sillons, en quête du moindre frisson de paysage : une haie, un arbre tordu, une ondulation du terrain, n’importe quoi. Mais rien ne vient. Au loin, Authoison se dessine timidement au bout de la plaine, comme une promesse… mais une promesse encore lointaine.  

Section 2 : Des champs sans fin avant le retour de la forêt

Aperçu général des difficultés du parcours : quelques pentes un peu plus sévères dans le bois.

Après ce long passage, que plus d’un marcheur assimilera sans hésiter à un pensum, au bout de la plaine, le chemin se rapproche d’un sous-bois, conne une promesse. La vie semble renaitre.  
Alors, une petite route virevolte entre sous-bois et campagne, en direction de Authoison.   
Authoison, pour vous, ce ne sera sans doute qu’un instant figé sur une grande place silencieuse, bordée d’une mairie sans apparat, d’un monument aux morts que personne ne regarde plus, et d’une église St Étienne du XVIIIe siècle, dont le clocher-lanterne, typique de la Franche-Comté, s’élève comme une prière muette, discrète mais tenace, dans le ciel neutre.  
Au bout de la place, le parcours bifurque et s’engage dans la Rue de la Manthe. Peu après, comme toujours, comme partout, une croix se dresse. Immuable, comme si chaque chemin de cette région devait être sanctifié, marqué d’un signe. Le granit y résiste au vent, et la foi, peut-être, à l’oubli.  
Une route longe ensuite le cimetière, silencieux miroir des vivants. En face, les lotissements neufs s’étalent sans gêne, posés là comme on étale des cartes à jouer sur une table trop ancienne. L’équilibre est fragile, l’esthétique discutable, mais la vie continue, même si elle rature parfois la beauté.  
Mais à peine ces constructions dépassées, la nature reprend son droit. La route s’avance au pied de la forêt, dans un chemin baptisé du non de Rue en Belombre. Une frontière invisible se franchit : derrière soi, le monde bâti ; devant, le règne du végétal.  
S’ouvre alors une montée régulière d’environ un kilomètre, à travers les sous-bois. La pente varie, sans brutalité.  
Le sentier est modeste, resserré, souvent encaissé, comme si les arbres eux-mêmes s’étaient rapprochés pour l’abriter. Le sol, peu caillouteux, accueille les pas avec bienveillance. Ici, le silence devient une matière. Le hêtre y règne en maître, colonnades naturelles d’une cathédrale sylvestre. Quelques chênes, quelques érables l’accompagnent, mais les conifères n’ont pas voix au chapitre. Aucune aiguille, nulle odeur de résine : vous marchez dans un royaume de feuillus, au cœur d’un théâtre végétal sans décorations inutiles Parfois des coquilles mal orientées vous rappelent que vous ne vous êtes pas égaré dans ce bois mystérieux.  
Au sommet de la montée, le chemin rejoint une route forestière.  
La petite route s’abandonne à la pente. La descente vers Qenoche s’amorce, parfois raide mais toujours harmonieuse, comme un glissement naturel vers le repos. La forêt conserve son calme souverain. Tout ici respire la paix, comme si chaque tronc contenait une réserve de silence.  
Puis, peu à peu, les feuilles s’écartent et la lumière revient. Le sous-bois se dissout, et la route sort progressivement de la forêt. Cette route est droite comme une injonction. Sa pente est claire, indiscutable. Il n’y a pas de place pour l’imagination, ni pour le pas rêveur. Ici, on avance, c’est tout.  
Au bas de cette descente forestière, un relais de chasse borde la route. Si le hasard vous est favorable, vous entendrez les chiens, tapis derrière les clôtures, aboyer leur impatience ou leur joie brute. Leurs voix résonnent comme un écho archaïque, une mémoire animale qui vibre encore dans les bois.   

Section 3 : Il faut traverser la route nationale N19

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans grande difficulté.

À la sortie des bois, la route s’allonge paresseusement à travers les grandes étendues agricoles, s’infiltrant entre les rangs bien ordonnés de tournesols dont les têtes alourdies semblent méditer quelque pensée obscure, et les céréales blondes ondulant sous le vent comme une mer figée dans le silence. Rien ne trouble ce vaste tableau, sinon l’impression persistante d’un temps suspendu.  
La déclivité se fait douce, presque imperceptible, et la route glisse vers l’entrée de Quenoche, un hameau humble et discret, posé au creux d’un paysage où les reliefs semblent eux-mêmes hésiter à exister.  
À l’issue de cette brève descente, un carrefour surgit, marqué, comme tant d’autres dans la région, par une croix solitaire dressée là comme un témoin séculaire, silencieux gardien d’un monde qui ne sait plus très bien ce qu’il prie  
Le village se laisse traverser sans résistance. La route y ondule paisiblement, effleurant l’église St Julien, qui date de la fin du XVIIIe siècle. Sa silhouette austère s’élève comme un dernier souffle baroque dans un monde devenu trop fonctionnel.  
Le parcours sort du village à hauteur du cimetière, que borde une clôture basse derrière laquelle s’alignent des stèles mangées par le temps. Et là encore, comme en un refrain familier, la Vierge, drapée de son éternel bleu et blanc, veille. Rien ne semble pouvoir échapper à son regard figé.   
Tout près, on entend déjà les grondements de la N19, grande artère indifférente, fil tendu entre Besançon et Vesoul, que les camions dévorent à pleine vitesse, sans jamais s’arrêter.  
Il suffit de la franchir, et l’on entre dans Hyet.   
La traversée du village s’allonge, lente et laborieuse. Les maisons anciennes y sont rares, effacées par la prolifération de lotissements récents qui semblent s’être échappés d’une banlieue lointaine. On devine là une mutation silencieuse, presque mélancolique.  
La route s’élève en continu, et plus l’on grimpe, plus la pente se fait exigeante, atteignant un notable 10 %. Les jambes se font alors un peu plus lourdes, le souffle plus court, dans ce village qui semble s’accrocher à la colline.  
Au sommet, enfin, le Chemin de Compostelle se libère de l’asphalte pour s’engager dans la Rue du Théâtre, évitant la route de Fondremand. Une appellation poétique, presque ironique, tant ici tout semble figé, sans décor, sans public, sans réplique.  
La route en pente longe les derniers soubresauts et lotissements du village.  
Elle transite près d’un réservoir et s’élance dans une campagne largement ouverte, musardant près de grandes fermes qui ressemblent plus à des hangars, où les lignes du paysage s’étiolent sous la lumière.  
Les pas se font plus silencieux sur le tapis de feuilles, le regard se perd dans les nuances de verts et de gris.  
Au départ, un peu de fraîcheur persiste, offerte par quelques frênes et bosquets clairsemés. Ce sont les derniers compagnons avant l’aridité d’un espace sans contour.  
Le chemin, large et pierreux, avance entre les prés, parfois guidé par des haies de feuillus, parfois livré à l’impassibilité d’un horizon nu.  
C’est un serpent de terre qui s’étiole sans fin dans les prairies, vides de toute sortes de cultures, avant de redescendre en souplesse vers un grand hangar, replié dans l’angle discret d’un bois, comme un animal paisible qui se tient à l’écart.  
Puis, il monte en douceur, comme s’il hésitait à déranger la quiétude des lieux.  
Peu à peu, la nature semble refermer son étreinte. Le chemin, se rapprochant de la lisière forestière, s’incline avec une gravité contenue vers l’ombre accueillante des arbres. Bientôt, la forêt tout entière s’annonce, prête à absorber à nouveau le marcheur dans ses murmures, ses sentiers secrets, et son temps différent.  

Section 4 : Dans la Forêt de La Grande Vallée

Aperçu général des difficultés du parcours : pentes parfois soutenues, en montée comme en descente.

La montée reprend à travers une lisière de forêt, où le sol se fait plus rugueux, les racines plus visibles, comme si la nature voulait rappeler qu’elle ne se laisse pas traverser sans effort. Le chemin grimpe d’un pas décidé, mais sans brutalité : une montée soutenue, constante, un rythme imposé que l’on finit par accepter comme une respiration.  
Et là, soudain, surgissent les seigneurs du bois :les hêtres. Majestueux, impériaux, dressés vers le ciel dans un élan pur. Leurs troncs droits, presque lisses, aux teintes gris perle, s’élèvent sans fin, tels les piliers d’un temple païen. Leur feuillage dense, suspendu en voûtes naturelles, tamise la lumière en une douce clarté verte, presque liquide.   
Ici, la Haute-Saône révèle sa richesse discrète : une forêt qui nourrit, protège, réchauffe. Le bois, ici, n’est pas seulement matière, mais culture. Les bûcherons y ont trouvé depuis des siècles un métier noble. Et les tas de bois, régulièrement empilés le long du chemin, parlent le langage ancien de l’hiver qui viendra. Les chênes, eux aussi, s’invitent, plus trapus, plus tortueux, rappelant qu’il faut du temps pour devenir solide.  
Le chemin, à nouveau, s’adoucit. Il serpente, tranquille, presque heureux de son sort, à plat dans cette forêt généreuse. On a le sentiment que la nature ici nous accompagne, plutôt que de nous éprouver.  
Mais brusquement, il faut bifurquer. Le large chemin cède la place à un sentier plus discret, plus intime, comme une confidence que la forêt chuchote au voyageur attentif. Soyez vigilant : la transition se fait sans bruit.  

Et sur un arbre, au détour d’un tronc, elle est là : la coquille. Discrète, dorée par le temps, rassurante comme une bénédiction. Elle vous dit que vous êtes bien sur le Chemin de Compostelle, même si elle ne montre pas d’orientation. Ici, dans le silence des hêtres, elle brille comme une étoile discrète au cœur de la verdure.

Sous ces hêtres toujours souverains, le pas redevient paisible. Une forme de plénitude s’installe. Le monde s’efface. Il ne reste que les feuilles, la lumière filtrée, et ce souffle presque religieux de la forêt vivante.  
Les arbres vous font comme des allées royales.  
Mais bientôt, le sentier traverse une zone plus touffue, plus sauvage.  
Les buissons vous frôlent, les hautes herbes griffent doucement les jambes, et l’on sent ici une nature plus libre, moins ordonnée, presque indisciplinée.   
Heureusement, ce n’est qu’un passage. Rapidement, un chemin plus large retrouve une harmonie plus claire. Le bois devient mixte, plus aéré, avec des trouées de lumière, des essences mêlées. L’œil s’y repose, le souffle aussi. Le rythme de la marche épouse celui des lieux.  
C’est dans cette portion que vous croiserez peut-être quelques cyclistes, plus nombreux ici que les marcheurs. Le chemin s’y prête : roulant, doux, entre ombre et soleil . 
Mais rien n’est jamais fixe : encore une fois, le chemin change. Il tourne, se courbe, comme un serpent souple, et commence à descendre à nouveau dans le sous-bois.  
La pente, d’abord discrète, s’installe sans brusquer. Elle semble presque complice, vous accompagnant dans cette descente paisible.  
Mais plus bas, elle se fait sérieuse. Le pourcentage flirte avec les 15 %, mais le sol reste stable, et le pas assuré. Rien ici ne cherche à vous piéger. Le chemin, même raide, garde une douceur.  
Et puis soudain, vous quittez le Bois de la Grande Vallée. Derrière vous, toute cette longue chevauchée sylvestre, cette procession de troncs, de feuillages, d’ombres mouvantes. Un monde qui vous a traversé autant que vous l’avez traversé.  
Devant vous maintenant, un chemin droit, caillouteux, presque brutal dans sa rectitude, vous entraîne vers la route entre Hyet et Fondremand.  
Et là, au loin, se dessine enfin le village : Fondremand. Son nom flotte encore dans l’air comme une promesse, mais vous ne l’avez pas encore atteint. Il faut mériter cette arrivée.  
La route traverse alors une campagne calme, tapissée de prés. Ici, la tranquillité est reine. Les voitures sont rares, et seul curieux ou pèlerins osent troubler le silence.  
Ce sont essentiellement des prés, avec leur cohorte de vaches paisibles, des clôtures moussues, quelques mares silencieuses. Les cultures, elles, se font discrètes, comme si elles n’avaient pas trouvé leur place ici.  
Et voilà Fondremand. Le panneau le confirme, mais c’est l’atmosphère surtout qui vous le dit : vous entrez dans un «  village de caractère ». Et le mot n’est pas galvaudé.  

Section 5 : Le long de la Romaine

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté.

Fondremand est sans conteste le joyau du parcours, le village le plus séduisant que la Franche-Comté puisse offrir à celui qui chemine, sac au dos, le cœur disponible. C’est un lieu qui semble s’être extrait du temps, figé dans une beauté calme, presque méditative. Une pierre patinée par les siècles, des toitures à la pente grave, un silence habité : tout ici respire l’histoire et la grâce modeste des lieux qui n’ont rien à prouver.  
Pour atteindre le cœur du village, il faut gravir la Rue du Château. Une montée douce, mais symbolique, comme un petit pèlerinage intérieur.   
Là-haut, l’église et le château se partagent le sommet, voisins dans l’éternité. L’église de la Nativité-de-Notre-Dame, édifiée au XIIe siècle, se dresse avec cette simplicité robuste propre au roman comtois. Hélas, ses portes sont souvent closes, une réalité tristement banale sur les chemins de Compostelle, où tant de sanctuaires, désertés par les fidèles, restent verrouillés faute de bras pour les ouvrir à l’aube et les refermer au soir.  
Du château médiéval, édifié à la fin du XIVe siècle, ne subsiste aujourd’hui que la tour-donjon, massive et sobre, au plan rectangulaire. Elle domine une cour bordée de solides bâtiments en pierre, datant des XVe et XVIe siècles. L’ensemble frappe par son unité de construction, rare et précieuse. Rien n’y semble discordant ; chaque mur, chaque pierre, semble à sa place depuis toujours, comme si le temps lui-même avait respecté cet équilibre.  

Juste en contrebas de cette architecture noble, la source de la Romaine murmure dans l’ombre des pierres. La Romaine, modeste rivière affluente de la Saône, ne prend pas sa source précisément ici, mais deux kilomètres en amont. Pourtant, à Fondremand, elle offre un spectacle rare, une scène presque sacrée : l’eau jaillit doucement du ventre de la terre, depuis une auge de pierre taillée, en bouillonnant avec une lenteur charnelle, comme si la terre elle-même respirait. C’est un lieu où l’on s’arrête naturellement, attiré, sans le vouloir, par cette présence tranquille de l’eau vive.   
Au pied de la grande tour, blotti dans une courbe du sentier, un ancien lavoir sommeille, abandonné, mais touchant. On imagine sans peine les silhouettes d’autrefois, femmes penchées sur le linge, bavardant, rinçant, frottant dans le clapot de l’eau claire. Aujourd’hui, il ne sert plus à personne, et pourtant il reste là, témoin muet d’un quotidien effacé.  
La rivière, docile, s’élargit ici pour former un petit étang paisible.  
À son extrémité, un ancien moulin à eau dresse encore ses murs, flanqué d’une huilerie, désaffectée depuis deux siècles. Ce bâtiment, aujourd’hui devenu demeure privée, semble conserver, dans ses pierres épaisses, le souvenir du grain moulu, des meules en mouvement, des voix d’ouvriers. Fondremand, avec cette conjonction rare de beauté naturelle, de patrimoine et de silence, est un véritable bijou, discret, mais éclatant pour qui sait regarder.  
À regret, le parcours quitte le village, non sans une dernière halte sur une placette aménagée pour les visiteurs. On s’attarde, on jette un dernier regard, comme à un ami que l’on quitte sans savoir quand on le reverra.  
Ici, le parcours s’engage dans un chemin forestier qui semble vouloir flâner longuement à l’ombre du Bois de la Côte. La rivière, discrète compagne de route, se cache à droite dans le creux du ravin, timide ou peut-être malicieuse, se laissant à peine deviner au milieu des fougères et des branches basses. Ce sentier, comme un murmure dans la forêt, se déploie avec une nonchalance bucolique.  
La promenade devient alors une parenthèse de fraîcheur sous les frondaisons légères.  
Les jeunes hêtres lancent leurs rejets comme des promesses, tandis que les érables chétifs dressent leurs feuilles fragiles comme de petites mains tendues vers la lumière. L’air y est plus humide, chargé de sève, de mousse, et de cette odeur verte propre aux bois profonds.  
Par instants, un éclair bleuté ou un miroitement trahit la présence de la rivière, en contrebas, dans une végétation luxuriante, presque tropicale par endroits. Elle semble vivre sa propre aventure, en parallèle, libre et fuyante, comme une pensée qu’on n’arrive pas à saisir pleinement.  
Puis, le chemin, comme pour vous reconnecter au monde minéral, traverse d’anciens bancs de schistes. Ces strates sombres, tailladées avec patience par les siècles et la rivière, forment un sol rugueux, zébré, sur lequel le pas résonne différemment. On marche ici sur des millénaires.   
Peu après, la rivière, avec sa discrétion habituelle, a traversé le chemin. On ne s’en rend pas compte si l’on ne prend pas la peine de s’en approcher. Mais pour le curieux qui s’aventure à droite, un spectacle s’offre à lui : l’eau cascade avec allégresse sur les dalles schisteuses, déroulant des draperies liquides, limpides et joyeuses, comme si elle dansait sur la roche.  
Mais le chemin, fidèle à lui-même, quitte ce décor aquatique sans se retourner. Il poursuit sa course à plat dans le bois, dans une forme d’indifférence tranquille.  
Progressivement, la forêt s’éclaircit. L’ombre se retire pas à pas, et le chemin glisse lentement hors du couvert. C’est une transition douce, comme un réveil.   
Alors, réapparaissent les inévitables tas de bois : des troncs de hêtres et de chênes, découpés avec méthode, empilés avec soin, tels des sardines bien rangées dans leur boîte de métal. Ils marquent le territoire de l’homme, son passage, son utilité.  
Plus loin, le parcours rase la périphérie de Maizières. Ce n’est pas une arrivée en fanfare, mais une infiltration discrète dans les marges du village. On entre dans l’humanité par le bout de la route, un peu comme on pousse une porte sans bruit.  
Le parcours rejoint alors la route départementale à l’entrée du village.  
Là, comme un cadeau d’accueil, la Romaine coule doucement, presque lascive, entre deux berges qui l’enserrent comme un bijou dans son écrin. Sa présence est apaisante, musicale. 
Le patrimoine n’a pas été oublié : un vieux lavoir a été conservé, comme un livre ouvert sur le passé, un vestige silencieux des jours de peine et de palabres. Il a cette noblesse des objets simples qui ont traversé les âges sans jamais perdre leur âme.  
On ne peut pas en dire autant de la statue romaine du village. On la devine reléguée, maltraitée peut-être, absente ou peu visible. Le silence des pierres, parfois, devient une forme d’oubli.  

Logements officiels sur le parcours de la Suisse et l’Allemagne à Cluny /Le Puy-en-Velay

 

  • Hôtel La Charmotte, Quenoche ; 03 84 91 80 54/ 06 48 16 70 63 ; Hôtel
  • Hôtel La Romaine, 21 Grand Rue, Maizières; 03 84 92 31 24 ; Hôtel

 

Accueils jacquaires (voir introduction)

  • Maizières (2)

 

Airbnb

  • Maizières (1)

Chaque année, le chemin évolue. Certains hébergements disparaissent, d’autres apparaissent. Il est donc impossible d’en dresser une liste définitive. Celle-ci ne comprend que les logements situés sur l’itinéraire ou à moins d’un kilomètre. Pour des informations plus détaillées, le guide Chemins de Compostelle en Rhône-Alpes, publié par l’Association des Amis de Compostelle, reste la référence. On y trouve aussi les adresses utiles des bars, restaurants et boulangeries qui jalonnent le parcours. Dans cette étape, il est difficile de se loger en fin d’étape. Il faut le dire : la région n’est pas touristique. Elle offre d’autres richesses, mais pas l’abondance des infrastructures. Aujourd’hui, airbnb est devenu une nouvelle référence touristique, que nous ne pouvons ignorer. C’est devenu la source la plus importante de logements dans toutes les régions, même les régions touristiques peu favorisées. Comme vous le savez, les adresses ne sont pas disponibles directement. Dans cette étape, le logement est très limité. Il est toujours vivement conseillé de réserver à l’avance. Un lit trouvé au dernier moment est parfois un coup de chance ; mieux vaut ne pas s’y fier tous les jours. Renseignez-vous, lors de vos réservations des possibilités de repas ou de petit déjeuner.

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 8: De Maizièrs à Gy
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