Etape 14: Chalencon à Les Nonières

D’un vallon à l’autre dans le Haut Vivarais

 

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

 

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-chalencon-aux-nonieres-sur-la-via-gebennensis-adresca-32958489

Tous les pèlerins ne sont pas forcément à l’aise avec la lecture des GPS ou la navigation sur un portable, d’autant plus qu’il existe encore de nombreuses zones sans connexion Internet. C’est pourquoi, pour faciliter votre voyage, un livre dédié à la Via Gebennensis par la Haute-Loire est disponible sur Amazon. Bien plus qu’un simple guide pratique, cet ouvrage vous accompagne pas à pas, kilomètre après kilomètre, en vous offrant toutes les clés pour une planification sereine et sans mauvaises surprises. Mais au-delà des conseils utiles, il vous plonge dans l’atmosphère enchanteresse du Chemin, capturant la beauté des paysages, la majesté des arbres et l’essence même de cette aventure spirituelle. Seules les images manquent : tout le reste est là pour vous transporter.

En complément, nous avons également publié un second livre qui, avec un peu moins de détails mais toutes les informations essentielles, décrit deux itinéraires possibles pour rejoindre Le Puy-en-Velay depuis Genève. Vous pourrez ainsi choisir entre la Via Gebennensis, qui traverse la Haute-Loire, ou la variante de Gillonnay (Via Adresca), qui se sépare de la Via Gebennensis à La Côte-Saint-André pour emprunter un itinéraire à travers l’Ardèche. À vous de choisir votre parcours.  

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

Il y a maintenant bien longtemps un petit train circulait dans le Haut Vivarais et la Haute-Loire, permettant de relier la vallée du Rhône au Puy-en-Velay. A la fin du XIXe siècle, on mit en place progressivement, sur un terrain difficile, une ligne étroite où circulait un train à vapeur, entre tunnels et viaducs pour désenclaver la région.  Ce petit train connut un grand succès pour les voyageurs, mais aussi pour le transport des bois, des châtaignes et des produits textiles, un des fleurons de la région. Puis arriva l’essor de la route, signe de la mort des petits trains. En 1968, une décision ministérielle mit fin à l’exploitation de la ligne. Les rails furent enlevés dans les années 70.  De cette histoire, ne demeure aujourd’hui qu’une voie, appelée “Dolce Via, la Voie Douce”. Ce chemin, fort utilisé par les randonneurs et les cyclistes sillonne toute la région, et passe notamment à Les Nonières.

Mais ce n’est pas cette douce voie qu’emprunte le Chemin de Compostelle. Ce dernier utilise une voie moins douce, plus raide. La Via Adresca suit son propre parcours, qui entre souvent en compétition avec une voie encore plus pentue, qui est le GR420 qui va aussi de Chalencon à Nonières.  Ce dernier est un peu plus long que la Via Adresca et présente surtout des dénivelés plus marqués.  Mais, si vous aimez l’exercice vous pouvez aussi suivre ce chemin jusqu’à Nonières. Pour notre part, vous resterez sur la Via Adresca, le chemin de Compostelle.

 

Il est tout à fait possible d’aller jusqu’à St Agrève en un jour, mais alors c’est plus de 1000 mètres de dénivelé positif.  Aussi avons-nous décidé de couper la poire en deux et de faire halte aux Nonières.

Difficulté du parcours : Ainsi, sur ce parcours réduit, les dénivelés (+397 mètres/-438 mètres) sont fort raisonnables. Le chemin monte sèchement au-dessus de Chalencon dans l’oppidum romain, puis se tasse en gagnant le Col de Ceyssouan. Du col, c’est une descente sans problème vers un vallon au-dessous de St Julien-Labrousse. Du vallon, il faut remonter de manière assez régulière jusqu’au sommet de la forêt dominant Les Nonières. La descente ne pose pas de problème.

État de la Via Adresca : Dans cette étape, vous marcherez un peu plus sur les routes goudronnées que sur les chemins :  

  • Goudron : 7.9 km
  • Chemins : 6.0 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les vrais dénivelés, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Section 1 : Montagnes russes dans les forêts et les clairières

Aperçu général des difficultés du parcours : montée sévère sur les hauts de Chalencon, puis parcours presque en constante mais plus légère montée vers le col, mais exigeant peu de sueur.

 

Vous partirez aujourd’hui de la place du Valla, par les escaliers qui, tels des doigts tendus, mènent à l’église et à l’Office du Tourisme. Cet endroit, au croisement des chemins, mérite une vigilance accrue. Car, si jusque-là, le GR420 et le Chemin de Compostelle suivaient la même route, ici, la divergence est nette. Le GR, fidèle à sa trajectoire, se détourne à gauche du bâtiment, tandis que la Via Adresca, elle, s’échappe à droite. Il est essentiel de ne pas se perdre dans cette bifurcation subtile.
Le départ n’a rien d’une promenade estivale, bien au contraire. L’effort se fait sentir dès les premières marches. Les escaliers, toujours ascendants, serpentent au-dessus de l’église, telles des artères suspendues entre ciel et terre. Ils vous conduiront alors à un lieu où l’histoire se fait plus ancienne encore, un lieu où les pierres, muettes et fières, murmurent les secrets de leur passé. Ce n’était pas seulement un simple lieu de passage, mais un oppidum celtique, vestige d’une époque reculée, qui plus tard, sous l’occupation romaine, serait devenu un site stratégique.
Le chemin se fraye un passage avec une lenteur presque sensuelle à travers les ruines de l’oppidum. Ici, les pierres, témoins d’un temps révolu, semblent hésiter entre ce qu’elles furent et ce qu’elles sont devenues. Les fortifications qui jadis protégeaient le site ont été englouties par le poids des âges. Ce capharnaüm de pierres, désormais esseulées et émoussées, évoque une mélancolie douce-amère. Ce n’est ni une ruine imposante ni un site majestueux, mais plutôt un espace où la nature, à la fois généreuse et envahissante, a repris le dessus. Pourtant, malgré l’oubli et la végétation omniprésente, on devine encore les contours de ce qui fut une cité. C’est une histoire qui commence entre le IXe et le VIe siècle avant J.-C., une histoire de Celtes implantés ici. D’ailleurs, le nom même de la commune serait un écho de cette époque : Kal, racine préceltique signifiant un tas de pierres, et anco, un suffixe désignant un monticule. Ce nom, comme un vestige figé dans le temps, vous rappelle l’importance de ce lieu. Lors de la conquête des Gaules, en 52 avant J.-C., les légions de César repèrent immédiatement le sommet de Chalencon, un poste d’observation stratégique, dominant le Haut-Vivarais. Là, les généraux de l’Empire construisirent un fort, puis un village. Une garnison s’y installa pendant plusieurs siècles, laissant derrière elle l’empreinte d’un oppidum et peut-être même d’une voie romaine, dont seule la mémoire des pierres nous reste.
Au sommet de l’oppidum, le sentier se poursuit, se glissant comme un serpent parmi les murets recouverts de mousse, dans une végétation exubérante où les pins, les charmilles et les châtaigniers entrelacent leurs ombres. Ce paysage, aujourd’hui encore, semble suspendu dans le temps, comme si, dans un dernier hommage à la grandeur antique, le chemin romain conservait quelque chose de son éclat d’autrefois. Il n’est pas certain que ce soit exactement le tracé originel, mais il en conserve la majesté discrète, celle des routes anciennes que seuls les pas des voyageurs savent encore réanimer.
Sur ce chemin, il n’est pas rare de croiser des châtaigniers plusieurs fois centenaires, leurs troncs noueux et leurs branches épaisses portant les stigmates du temps. Mais les chênes, eux aussi, ont probablement le même âge, fiers témoins d’un passé immuable. Le chemin se faufile alors entre ces géants, progressant avec une lenteur tranquille dans le bois, jusqu’à une route qui s’élève, comme une promesse d’aventure, dans la forêt.
La direction est celle de La Blache. Un nom qui résonne comme un écho d’histoire. Les blaches, ces terrains souvent récupérés sur des chênaies, témoignent de l’évolution constante de la nature sous l’effet de l’homme. Mais ici, la forêt est un patchwork vivant, un assemblage harmonieux de feuillus en tous genres, entrelardés de pins et d’épicéas, comme si chaque arbre, avec ses racines nouées dans la terre, se disputait un peu de lumière et d’espace.
La route goudronnée se termine à La Blache, et de là, les hameaux dispersés sont comme de petites perles isolées, disséminées dans la campagne ou en bordure de forêt. Ces maisons, souvent fermées et solitaires, conservent une sorte de quiétude primitive, loin des bruits du monde.
Un chemin de terre, un peu pierreux, se glisse alors dans la forêt, montant en pente douce, jusqu’au lieudit Les Parquets. Le sol, un mélange de terre glaise et de pierres, garde l’empreinte des siècles.
Le chemin semble hésiter entre la densité du sous-bois et l’ouverture des prairies dans les clairières. Le paysage, avec ses teintes un peu ternes, oscille entre la terre dure et les herbes folles, dans une atmosphère où la nature semble retenir son souffle. Ce n’est pas un endroit de fête, mais plutôt une pause tranquille, une respiration suspendue.

Plus haut, La Via Adresca atteint le lieudit Pracoulet, niché au cœur d’une clairière, comme un secret bien gardé, où la forêt cède enfin la place à un peu d’air et de lumière.

Le chemin poursuit son ascension, se glissant tout doucement dans les prairies et les sous-bois. Si l’on lève les yeux vers l’horizon, il n’y a que des forêts, immenses et imposantes, qui dévalent les collines, comme si elles cherchaient à toucher les cieux. Ici et là, quelques maisons ou villages se dessinent à peine, isolés dans cette immensité verte. Cette partie de l’Ardèche, déserte de visiteurs, est d’une beauté sauvage et intime, bien différente de celle du sud, où les foules affluent. Devant vous, au loin, une colline massive se profile : c’est là que le parcours se dirigera demain, vers Saint-Agrève. La montagne semble austère, presque menaçante, n’est-ce pas ? 
C’est ici que l’on se permet de musarder, de flâner. L’œil capte un arbuste dont le nom échappe à l’esprit, tout comme un parfum discret que l’on peine à identifier. Avez-vous déjà mangé des nèfles, ces fruits qui semblent suspendus entre douceur et acidité, comme une promesse d’été ?
Le chemin poursuit son déroulement, serpentant dans un paysage tranquille, entre les champs de céréales dorées, les genêts éclatants de jaune et les forêts de pins et d’épicéas, comme une toile peinte avec des couleurs tendres et apaisantes.

Le chemin vous conduit alors au lieudit Le Fraysse, un petit plateau où les céréales, mûrissant lentement sous le soleil, ondulent doucement au gré du vent.

Un joli chemin de terre battue, ocre comme la couleur du sable chaud, s’étend devant vous, serpentant entre sous-bois et prés. Tout au bout, la petite départementale se dévoile enfin, filant droit vers le col de Ceyssouan, une route qui relie ce monde de nature à celui des hommes.

Section 2 : Montagnes russes dans les châtaigniers

Aperçu général des difficultés du parcours : de la descente surtout, sans grande difficulté.

Le chemin vous mène rapidement au col de Ceyssouan, où les châtaigniers et les frênes se mêlent dans une danse silencieuse. Le paysage, à cette altitude de plus de 800 mètres, est délicat, presque serein. Plus haut, les collines semblent se courber sous le poids des épicéas, et la forêt, dense et mystérieuse, semble garder jalousement ses secrets.
La Via Adresca prend alors la direction de St Julien-Labrousse, suivant l’axe tranquille de la départementale D241, qui relie Chalencon à Les Nonières. Devant vous, le village se profile sous les collines boisées, tandis qu’au loin, les hauteurs, imposantes et discrètes, vous invitent à poursuivre. Demain, elles vous attendront, prêtes à vous mener vers St Agrève, là où les chemins se croisent et se séparent.
La petite route s’enfonce dans une forêt d’une grande diversité, où les épicéas et les châtaigniers règnent en maîtres. Mais bientôt, le parcours se fait moins hospitalier. Un mauvais sentier forestier, escarpé et irrégulier, dévie sous la route, vous entraînant dans un dédale de terre meuble et de racines apparentes.
Le sentier descend alors dans une sorte de petite jungle, dense et un peu sauvage, où se dressent des châtaigniers centenaires, témoins du passage du temps. L’atmosphère, ici, est humide et l’air semble se charger des effluves boisés, imprégnés d’humus et de végétation.
Peu à peu, le chemin s’élargit à nouveau, les châtaigniers cédant la place à une végétation plus variée, tandis qu’il serpente vers les méandres du ruisseau de Signabourre. Le sol, souvent glissant, est un mélange de glaise et de boue. Un véritable défi, même par beau temps, où chaque pas doit être mesuré pour éviter de glisser.
Ce parcours dans la végétation luxuriante n’est qu’un détour nécessaire pour éviter la départementale. En cas de pluie, il est conseillé de suivre la route, car le sentier, souvent submergé par la végétation envahissante, devient un véritable labyrinthe. Le ruisseau, qui serpente entre les herbes hautes et les buissons, crée une ambiance de folie douce, mais l’humidité et le terrain glissant rendent la progression fastidieuse.
Après un long jeu avec le ruisseau qui se tord et s’étire dans les herbes hautes, un sentier remonte lentement sur une butte, retrouvant la départementale. Ici, la végétation se fait plus discrète, avec ses buissons, ses feuillus et ses pins qui s’entrelacent. Une pause bienvenue avant de reprendre le fil du voyage.
La Via Adresca reprend la D241 et atteint un petit carrefour où la route franchit le ruisseau de Signabourre avant de se perdre à nouveau dans les pins. L’air est plus sec ici, plus calme, comme si la forêt acceptait de vous laisser respirer un peu plus librement.
La route quitte la forêt pour se dévoiler davantage, passant près du lieudit Le Pontet. Dans ce coin isolé, les véhicules se font rares, et le monde semble suspendu, comme en dehors du temps. Le village de St Julien-Labrousse n’est plus qu’à deux kilomètres, mais il semble encore loin, tout là-bas, à l’autre bout de cette terre tranquille. 
Plus loin, la Via Adresca quitte enfin la départementale pour emprunter un large chemin de sable, qui s’étend à plat dans les prés. L’air est léger, le sol meuble sous les pieds. Puis, bientôt, vous retrouvez une petite route goudronnée, qui vous ramène vers le cœur du monde, tout en conservant une certaine quiétude.

Section 3 : Du charmant site de Boissier, en passant par St Julien-Labrousse

Aperçu général des difficultés du parcours : quelques talus brefs à affronter.

 

La Via Adresca poursuit son chemin sur la petite route de campagne, serpentant parmi les pins, avant de franchir le ruisseau du Glo. De l’autre côté du vallon, le village de St Julien-Labrousse se dévoile lentement, émergeant de la forêt comme un secret bien gardé, niché entre les collines. 
La route descend alors, et sur la gauche, un large chemin de terre s’offre à vous. Il s’enfonce lentement dans la vallée, descendant progressivement vers le ruisseau qui serpente en contrebas, sa surface miroitante attirant le regard.
Plus bas, le chemin se fait plus intime, traversant l’herbe haute, avant de passer sous l’arche d’un pont de pierre. Ce pont, tout simple et tout beau, vous fait un clin d’œil comme une arche bienveillante, une passerelle entre deux mondes, un souvenir d’un autre temps. 
Au bas de la descente, là, dans le fond du vallon, le chemin vous conduit à Boissier. L’endroit semble se parer d’un charme ancien, un peu magique. La lumière filtre à travers les arbres, caressant un nouveau pont de pierre, conçu dans un style qui évoque les ponts romains, faits de pierres brutes, solides et pourtant élégantes. Le bleu du ruisseau, qui gargouille doucement à vos oreilles, accompagne la scène, tandis qu’une maison en moellons massifs, belle dans sa simplicité, se dresse majestueusement près de l’eau. C’est beau comme un tableau vivant, une scène hors du temps.

Le chemin s’élève alors de manière abrupte, mais brève, à l’ombre des grands arbres qui, comme des géants bienveillants, semblent murmurer des secrets anciens. Il se faufile sur une petite route goudronnée, un ruban d’asphalte qui serpente discrètement au-dessus du site, presque comme s’il voulait en épouser les courbes sans y laisser de trace indélébile.
La Via Adresca suit cette route paisible, puis, un peu plus loin, elle se dirige vers la départementale D421, dont le tracé se fond harmonieusement dans la nature luxuriante qui l’entoure, éclatante de vie. À cet instant précis, vous vous trouvez juste en face de St Julien-Labrousse, un village qui se cache dans une petite cuvette, prêt à dévoiler ses mystères à quiconque s’aventure à en franchir les limites.
La Via Adresca, fidèle à son tracé, quitte la route et s’enfonce dans un petit vallon, comme un ruisseau discret se glissant sous la canopée. La mousse, telle une peau douce et humide, tapisse le sol, tandis que les herbes folles s’élèvent en une danse effervescente. Ici, l’un des bras du Glo, secret et caché parmi la végétation touffue, semble offrir un havre de fraîcheur et de tranquillité.
Au niveau du ruisseau, le chemin reprend son ascension, s’arrachant à la douce quiétude des vallées pour s’élancer dans une steppe presque sauvage. Les montagnes, majestueuses et impitoyables, vous observent tandis que vous grimpez, guidés par un sentier rude, jusqu’à une petite route discrète, presque oubliée, qui serpente sous le village.
Il y a fort à parier que cette vallée, avant de servir de passage, abritait un moulin. Le nom d’une rue, en bas du village, semble en être un témoin persistant, un souvenir d’un passé où l’eau de ce ruisseau était mise à profit pour nourrir les machines. La salle des fêtes du village, toute vêtue d’ocre et de rouge, pourrait-elle dissimuler un secret encore plus ancien ? Une ancienne usine, peut-être. Les 350 habitants de ce petit coin de monde le savent sans doute. Mais pour atteindre le cœur du village, il vous faudra encore gravir une pente à plus de 15%, un dernier effort avant de découvrir la quiétude de ce lieu suspendu.

Si vous souhaitez comprendre ce que fut St Julien-Labrousse, il vous faudra remonter le temps, jusqu’au XIIe siècle, lorsque ce village isolé surplombait fièrement la vallée de l’Eyrieux. Ancienne dépendance de la baronnie de Chalencon, il conserve aujourd’hui les traces d’un passé séculaire, à commencer par son église, reconstruite au XVIIe siècle. C’est ici que l’Église catholique de la région prit un nouveau souffle, en consacrant sa cloche à saint Régis, une dévotion qui imprégnait profondément le village.

La Via Adresca croise également le GR420, qui, sur quelques centaines de mètres, suit le même itinéraire jusqu’à Fialy. La route passe devant le grand lavoir communal, toujours en état, fidèle témoin des âges passés, tandis qu’un petit chemin goudronné serpente au-dessus du village en direction du cimetière, un lieu empreint de sérénité.
Mais là, au niveau du cimetière, la route s’efface, cédant la place à l’herbe, qui envahit peu à peu le territoire.
Ici, il convient de redoubler d’attention. Ne vous y trompez pas : le panneau d’interdiction de circuler ne concerne pas seulement les véhicules. Non, il vous concerne aussi. Le chemin n’est pas indiqué, et il longe, presque invisiblement, le bord du cimetière, se perdant dans les herbes folles qui semblent engloutir toute trace humaine. Un défi à l’intuition et à l’observation, mais aussi une invitation à l’aventure.
Un sentier pénètre alors dans un sous-bois secret, un endroit où les châtaigniers semblent avoir été plantés par une main invisible, serrés les uns contre les autres comme des sardines dans une boîte, leur feuillage dense formant un toit impénétrable, presque mystique. L’atmosphère y est lourde de silence, chaque arbre paraissant murmurant des histoires oubliées. Puis, sans prévenir, le sentier émerge de cet écrin de verdure et rejoint la route, près des maisons récentes de Fialy, comme un passage entre deux mondes, le naturel et le construit. 
Non loin de là, une croix, humble et silencieuse, marque une bifurcation. Le GR420, apparemment satisfait de son itinéraire, se dirige à gauche, poursuivant sa route dans une autre direction, laissant la Via Adresca poursuivre son ascension solitaire.
Quant à la Via Adresca, elle s’élance sans détour, défiant la montagne en direction des Combes. Le ruban d’asphalte qui se déroule devant vous n’a rien d’une promenade de santé. L’Ardèche, ici, se fait sauvage, ardue, un véritable terrain de jeu pour ceux qui aiment les défis. Le relief est accusé, et la route, qui s’élève avec une constance inflexible, vous rappelle à chaque pas que vous êtes dans une région où l’esprit de la nature est plus fort que tout.
La montée se poursuit à travers une prairie verdoyante, presque bucolique, avant de pénétrer dans une forêt d’épicéas. Le sommet de la colline, où la route finit par s’élancer, semble insaisissable, loin, mais à la fois proche, comme une promesse. La pente, elle, ne faiblit pas, variant entre 7% et 15%, un défi constant pour les marcheurs et les voyageurs. Pourtant, paradoxalement, on ne ressent que rarement l’impossibilité d’atteindre ce sommet, car la nature, malgré sa rigueur, sait rendre la montée presque familière, comme une complice silencieuse. Plus haut, la route passe par le lieu-dit Les Combes, à l’entrée d’une forêt qui semble engloutir le monde extérieur. C’est ici, à ce carrefour entre l’homme et la nature, que l’on sent l’intensité du lieu : la frontière entre les terres cultivées et les espaces sauvages.

Section 4 : En plongée sur Les Nonières

Aperçu général des difficultés du parcours : descente de près de 200 mètres de dénivelé sur Les Nonières, avec parfois des pentes très prononcées.

Un peu au-dessus des Combes, la Via Adresca se connecte à la départementale D21, serpentant à travers les épicéas de la Serre des Portes, cette vaste forêt qui surplombe les Nonières. La route, enveloppée par l’ombre dense des conifères, semble disparaître dans le silence imposant de ces géants de verdure, leurs aiguilles frémissant sous la brise légère. C’est un monde à part, un univers où le passage de l’homme semble presque anachronique.
La descente commence alors, avec la route qui se fond peu à peu dans le paysage, en direction des Nonières. Le relief se fait plus abrupt et, à mesure que vous vous enfoncez dans cette nature presque impénétrable, l’odeur boisée et fraîche des arbres vous envahit, imprégnant chaque mouvement, chaque respiration.
Soyez vigilants à mesure que vous descendez, car, plus bas, un chemin discrètement se faufile dans la forêt, s’échappant vers le hameau de Leyrol. Si vous suivez le bon sens de la marche et optez pour le côté gauche de la route, afin de mieux voir les véhicules arriver, vous risquez de passer à côté du signe de bifurcation. Un simple marquage sur un arbre, presque invisible, vous indique la direction à prendre, mais, comme tout signe discret, il ne se révèle que si vous savez qu’il est là. C’est un détail qui peut vous échapper si vous ne connaissez pas ce chemin, mais cela n’a que peu d’importance, car vous pouvez tout aussi bien poursuivre votre route jusqu’au village. De toute façon, le passage des véhicules sur cet axe est rarissime, vous ne serez pas dérangé.

Néanmoins, si vous êtes attentifs, vous apercevrez ce chemin qui se profile sur la droite, presque caché, marqué d’un signe aussi furtif qu’une promesse.

Une fois engagé, vous découvrirez un large chemin qui s’enfonce dans une forêt d’une beauté saisissante. Ici, la nature semble plus grande que l’homme, et la présence des coquilles de Compostelle vous rappelle que ce territoire est parcouru par bien d’autres chemins, tout aussi secrets, tout aussi invitants.
La pente devient alors plus ardue, atteignant parfois plus de 15%, mais la beauté de la forêt compense amplement la difficulté du chemin. Ici, les châtaigniers, les hêtres, les érables et les chênes se côtoient en une danse silencieuse, leurs feuillages se mêlant dans un éclat de verts, d’or et de rouilles. Le sol, quant à lui, est une mer d’aiguilles et de pommes de pin, éparpillées par le passage du temps et des saisons, comme des souvenirs tombés du ciel.
Plus bas, la forêt prend une teinte plus sombre, presque nocturne, à mesure que le chemin s’élargit au milieu de gigantesques Douglas. Ces arbres imposants, au tronc rouge et crénelé, se dressent comme des sentinelles silencieuses. Leur écorce, plus rugueuse que celle des épicéas, laisse entrevoir la richesse de cette forêt ancienne. Les Douglas, eux aussi, produisent des pives. On les reconnaît facilement, tant leur silhouette massive domine l’espace, contrastant avec la finesse des sapins blancs, qui, eux, ne portent aucune pive.
Plus bas encore, le chemin quitte l’ombre protectrice des arbres et s’ouvre sur la steppe des clairières, ces espaces vastes et dégagés où la nature semble respirer plus librement. Le paysage s’étend alors devant vous, offrant une vue imprenable sur un grand cirque de forêts qui se déploient à l’horizon, un enchevêtrement de verts et de bruns, d’ombres et de lumières, comme une toile vivante qui évolue sous vos yeux.
En sortant du bois, vous avez une idée assez précise de ce qui vous attend pour le lendemain. Au fond du vallon, le village des Nonières vous attend, blotti au creux de la vallée comme un secret bien gardé. St Agrève est au-delà de la colline. Avant d’y parvenir, il vous faudra affronter la redoutable colline qui surplombe Les Nonières, une ascension qui n’est pas sans rappeler la persévérance des anciens voyageurs. Vous apercevez aussi, tout là-haut, les éoliennes qui se balancent dans le vent, leurs pales tournoyant lentement, comme des sentinelles modernes qui veillent sur ce territoire. Une promesse de défis encore à venir, mais aussi un peu de plaisir, bien entendu.
Le chemin commence alors à descendre dans les prés, traversant des espaces ouverts où la vue se déploie avec toute la magnificence du paysage. Il se dirige vers une petite route goudronnée, qui serpente tranquillement le long des bois, à l’ombre des grands arbres qui l’entourent.
La pente, bien que moins abrupte, reste constante et marquée sur cette route qui s’enroule autour de grands virages, passant tantôt entre des prés verts, tantôt au travers de sous-bois touffus. À chaque détour, le paysage change, la nature offre un nouveau tableau, parfois paisible, parfois plus sauvage.
À mesure que la route se rapproche du village, le rythme de la marche devient plus calme, plus prévisible. En contrebas, vous apercevez la route départementale qui descend elle aussi vers le village. Vous vous souvenez alors que c’est cette même route que vous auriez suivie si vous aviez raté la bifurcation dans la forêt plus tôt. Les deux chemins semblent s’unir dans une même destination.
La route arrive enfin au bas de la descente, où se dressent, isolées, les maisons en pierre de Leyrol, à la limite des bois. Elles semblent presque fusionner avec le paysage, solides et anciennes, comme des témoins silencieux des siècles passés.
Peu après, la petite route de campagne se fond dans la route départementale, et vous vous retrouvez à la lisière du village.
Le village se dévoile alors dans sa simplicité, un petit hameau de 200 âmes, à la fois paisible et accueillant. Il est possible de s’y restaurer et même de loger, bien que les possibilités soient limitées, avec un seul lieu d’hébergement disponible. Ainsi, certains pèlerins choisiront de poursuivre leur chemin jusqu’à St Agrève, situé une quinzaine de kilomètres plus loin, en quête de plus de commodités. Il est important de rappeler que tout au long de cette variante du Chemin de Compostelle, les hébergements sont rares, tout comme les voyageurs qui osent s’y aventurer, contrairement à la Via Podiensis. Cependant, il convient de prendre en compte la présence des randonneurs du GR420, qui, eux aussi, font halte ici, ajoutant un peu plus de vie à ce village isolé.
Ici, dans ce village, les protestants ont anéanti l’ancienne église, un édifice du XIXe siècle. Pourtant, la nouvelle église qui la remplace est un lieu propice à la méditation, sombre et recueilli, où chaque recoin semble inviter à la prière. Une imposante croix de fer s’élève vers le ciel, touchant presque le bleu immaculé, un symbole de foi qui transcende les époques.

Logements officiels sur la Via Adresca

 

  • Auberge L’École, St Julien Labrousse ; 04 75 29 17 32/06 77 38 47 47 75 61 72 13/06 11 95 35 76 ; Chambre d’hôte, repas, petit déj.
  • L’Art des Chemins, Les Nonières ; 04 75 30 34 07 ; Chambre d’hôte, repas, petit déj.
  • Dépannage, Les Nonières ; 06 62 25 51 32 ; Gîte, repas, petit déj.

Accueils jacquaires (voir introduction)

  • aucun

Sur la Via Adresca, les options d’hébergement sont presque toujours limitées. Vous ne traversez pas l’Ardèche touristique du Sud. Le logement est limité, même pour les AirBnB, dont les adresses ne sont pas disponibles. La liste ne répertorie que les logements situés directement sur le parcours ou à moins de 1 km du chemin. Le guide des Amis de Compostelle, quant à lui, recense toutes les adresses de logements disponibles, ainsi que celles des bars, restaurants et boulangeries le long du tracé, et même à plusieurs kilomètres du parcours. Vous pouvez vous loger et vous restaurer dans ces deux villages. Ici, l’hébergement est minimal, et il faut souvent aller jusqu’à St Agrève pour trouver quelque chose, mais c’est loin. Réservez à tout prix.

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 15: Des Nonières é St Agrève
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