Etape 13: Cerisier à Chalencon

En “Ardèche Plein Cœur”

 

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

 

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/foriel-auvergne-rhone-alpes-france-32920711

Tous les pèlerins ne sont pas forcément à l’aise avec la lecture des GPS ou la navigation sur un portable, d’autant plus qu’il existe encore de nombreuses zones sans connexion Internet. C’est pourquoi, pour faciliter votre voyage, un livre dédié à la Via Gebennensis par la Haute-Loire est disponible sur Amazon. Bien plus qu’un simple guide pratique, cet ouvrage vous accompagne pas à pas, kilomètre après kilomètre, en vous offrant toutes les clés pour une planification sereine et sans mauvaises surprises. Mais au-delà des conseils utiles, il vous plonge dans l’atmosphère enchanteresse du Chemin, capturant la beauté des paysages, la majesté des arbres et l’essence même de cette aventure spirituelle. Seules les images manquent : tout le reste est là pour vous transporter.

En complément, nous avons également publié un second livre qui, avec un peu moins de détails mais toutes les informations essentielles, décrit deux itinéraires possibles pour rejoindre Le Puy-en-Velay depuis Genève. Vous pourrez ainsi choisir entre la Via Gebennensis, qui traverse la Haute-Loire, ou la variante de Gillonnay (Via Adresca), qui se sépare de la Via Gebennensis à La Côte-Saint-André pour emprunter un itinéraire à travers l’Ardèche. À vous de choisir votre parcours.  

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

Le Haut Vivarais, en bordure du Massif Central, est une juxtaposition de petits plateaux d’altitude moyenne et de collines qui peuvent monter jusqu’à près de 800 mètres au-dessus de la mer.  Comme la structure de base du Massif central est le granite, avec des coulées de basaltes volcaniques, on trouve ici surtout des granites, mais aussi des gneiss, produits de transition du granite. Vous ne verrez ces jours prochains que poindre à l’horizon les volcans d’Ardèche qui se dessinent sur la ligne d’horizon qui va vers la Haute-Loire. Vous marchez ces jours, et pour dire aussi sur la grande partie de la Via Adresca en “Ardèche Plein Cœur”, qui désigne la partie moyenne du département, qui n’est ni au nord, ni au sud. Vous en avez traversé une partie hier, car cette région s’étend de la Vallée du Rhône, à St Péray, jusque vers le Mont Mézenc, à la limite de la Haute Loire, à l’autre extrémité.  C’est en fait une sorte de haut plateau, entaillé par des rivières profondes, au nord comme au sud, mais aussi souvent d’un plateau à l’autre.

Ici, les prairies, rarement les vergers, côtoient les pins, les érables, les chênes, et surtout les châtaigniers, passant souvent des reliefs les plus doux aux pentes très abruptes.  Vous allez croiser des milliers de châtaigniers, certains plusieurs fois centenaires, plus majestueux les uns que les autres.  Et dire que cette merveille a connu un déclin. Aujourd’hui, on prétend qu’on est reparti comme au bon vieux temps où l’arbre recouvrait tout le pays. Du moins, la Châtaigne ardéchoise est maintenant devenue une AOC. Longue vie aux castanéiculteurs !

Aujourd’hui, la Via Adresca, le Chemin de Compostelle se confond avec le GR42/420. Dès lors, vous pouvez à l’aise aujourd’hui vous fier aux marques rouge et blanc des GR ou alors à la coquille de Compostelle. Mais juste un conseil : suivez toujours plutôt les coquilles car de jour en jour, ici les parcours divergent souvent. Vous achèverez la journée dans un havre de bonheur, le village de Chalencon, perché sur la colline, où règne la paix, où il fait bon respirer les vieilles pierres dans l’ombre des venelles tortueuses.

Difficulté du parcours : Les dénivelés (+610 mètres/-530 mètres) sont assez conséquents pour une étape de 20 kilomètres.  C’est encore une étape casse-pattes, comme généralement dans le Vivarais, mais cela fait partie des plaisirs de la marche dans ces régions. Il y d’abord une montée continue jusqu’à l’Herbasse, puis une longue descente dans la forêt vers Savinas. De là, il faut descendre au fond du vallon pour remonter à Vernoux-en-Vivarais, le gros bourg de la région localisé sur un plateau. Puis, ce sont à nouveau les montagnes russes pour grimper jusqu’à Chalencon, perché sur la colline.

État de la Via Adresca : Aujourd’hui l’avantage est aux chemins sur les routes :  

  • Goudron : 7.3 km
  • Chemins : 12.9 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les vrais dénivelés, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Section 1 : Montagnes russes dans les forêts et les clairières

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours qui n’est pas de tout repos, avec parfois des pentes marquées, à près ou plus de 15%.

Si vous avez passé la nuit dans l’un des deux logements nichés à Cerisier, il faut rebrousser chemin par la route qui vous ramène au col de Ponsoye.
Là, un chemin de terre s’élance à l’assaut de la colline, bordé par une nature envoûtante. Ce chemin, parsemé de pierres, conduit bientôt au cœur d’une forêt dense où les petits châtaigniers s’érigent en gardiens silencieux, alignés comme les rangs d’une armée immobile. Dans cet endroit où la lumière filtre à peine, l’air semble plus frais, presque solennel. Ici, la pente devient plus marquée, un défi pour les marcheurs.
Plus haut, le paysage retrouve les mêmes accents sauvages que la veille. On traverse un univers indompté, ponctué de broussailles enchevêtrées, de robustes chênes verts et de frênes aux branches élégantes. La nature y règne en maître absolu, offrant un tableau empreint de simplicité et de force. Le chemin finit par déboucher sur une clairière où se trouve le lieudit Le Cerisier.
Ici, le calme est presque palpable, et on distingue au loin le village de Boffres. La route qui serpente depuis le col de Ponsoye y mène doucement, tandis qu’en contrebas, les logements de Cerisier se devinent au-dessus du village d’Alboussière, lové dans une cuvette verdoyante.
La direction à suivre est désormais L’Herbasse, à trois kilomètres. Un sentier étroit se faufile à travers une lande magnifique, un tableau vivant de genêts dorés, de genévriers noueux et d’herbes folles dansant au gré du vent. La terre ocre et limoneuse, presque sableuse, semble vibrer sous les pas, tandis que l’odeur des plantes sauvages enivre l’air.
En s’élevant davantage, le sentier abandonne peu à peu cette lande pour s’enfoncer dans une forêt plus sombre.
Ici, les châtaigniers imposent leur présence majestueuse, leurs troncs solides formant une barrière presque infranchissable. Ils dominent cette partie de l’Ardèche, ne laissant qu’un maigre espace aux autres essences. Ces arbres, véritables rois des lieux, confèrent à la forêt une aura singulière, à la fois protectrice et mystérieuse.
Puis, un chemin plus large s’échappe de la forêt et amorce sa descente de l’autre côté de la colline. Par endroits, de grosses pierres parsèment la voie, rendant la progression légèrement accidentée, mais jamais désagréable. Le paysage s’ouvre alors sur un tableau bucolique : les petites collines de l’Ardèche s’étendent à l’horizon, semblables à des vagues figées dans le temps. Elles se succèdent, boisées et tranquilles, enveloppées dans une quiétude presque irréelle, comme si elles avaient été oubliées par le tumulte du monde.
Le chemin croise une petite route avant de repartir, hésitant, oscillant entre une légère montée et des détours subtils.

Ici, le voyageur, au milieu des troupeaux paisibles qui broutent en silence, découvre une vue à couper le souffle. Le village de Boffres apparaît à nouveau, couronné par son église et sa tour, vestiges d’un autre temps, fiers et immuables.

Bientôt, le chemin plonge dans un enchevêtrement de broussailles, serpentant jusqu’à la Croix Saint-André. Là, un accueil jacquaire attend les pèlerins, fidèle au caractère hospitalier des lieux. Mais il est sage de ne pas laisser le hasard décider : mieux vaut appeler à l’avance pour réserver sur la Via Adresca, cette route ancestrale, et éviter ainsi toute mauvaise surprise.
La Via Adresca descend tranquillement sur une petite départementale. Pourtant, ici, les rares véhicules semblent appartenir à un autre monde. Ces contrées reculées sont d’une sérénité presque troublante, où l’homme n’a laissé que peu de traces.

À l’horizon, le regard est attiré par les forêts, lesquelles s’élancent audacieusement à l’assaut des collines. Les cimes, parsemées d’éoliennes, témoignent d’une cohabitation étonnante entre modernité et nature sauvage. Il reste tant d’espaces vides d’hommes ici, des lieux où la solitude se fait majestueuse et où le silence devient un compagnon.

La route finit par s’incliner doucement, guidant le marcheur jusqu’à une maison de moellons, simple et charmante. À côté, une fontaine semble chuchoter des promesses d’apaisement. L’eau fraîche qui s’y écoule invite à vider une gourde trop tiède et à la remplir de cette source vivifiante. Ces instants, aussi rares que précieux, sont des cadeaux pour ceux qui s’aventurent sur ces chemins.
Et l’eau, il en faudra sûrement un peu plus pour affronter ce qui suit : un sentier abrupt remonte dans la serre de Muans. Là, entre pierres rugueuses et châtaigniers impassibles, le voyageur mesure la rudesse de la terre ardéchoise, indomptée mais pleine d’âmes.

Section 2 : Dans la forêt profonde

Aperçu général des difficultés du parcours : montagnes russes conséquentes.

En gravissant les pentes de l’Herbasse, le sentier impose son exigence. La montée, implacable avec ses 15 %, s’étire sur un sol raviné où pierres et racines s’enlacent dans un désordre tenace. Les châtaigniers se dressent comme des sentinelles robustes, entourés de feuillus aux feuillages touffus. Par endroits, les genêts, abondants, insufflent au paysage une touche méridionale, rappelant les accents d’un Sud discret mais bien présent.

Lorsque la pente daigne enfin s’adoucir, elle offre un répit bien mérité. Le paysage se métamorphose : une lande s’étend, sauvage et magique, parsemée de broussailles et de genêts, tandis que les silhouettes élancées des épicéas percent l’horizon. Vous voici arrivé au lieudit l’Herbasse, un lieu empreint de quiétude, situé à 8,5 kilomètres de Vernoux.
Le sentier se fond alors dans une petite route de terre battue qui mène à un hameau, perdu dans un monde à part. Ici, tout semble figé dans le temps, loin de la frénésie humaine. Une pancarte invite à ralentir, mais on s’interroge : qui oserait presser le pas en ce lieu isolé, à peine fréquenté, où même les véhicules semblent une anomalie ?

Ce hameau, niché à près de 800 mètres d’altitude, surgit comme une révélation. Il repose au bout d’un chemin de brousse à peine praticable, un cul-de-sac enchanteur. Les maisons de pierre, immuables et majestueuses, forment un écrin sur un petit plateau, comme si le monde extérieur avait été laissé derrière.

Un chemin plus large reprend son ascension, s’enfonçant dans la forêt dense de la Serre de Muans. Là, la lumière se fait rare, presque absente, et le paysage revêt une allure quasi apocalyptique. Une armée de sapins de Douglas domine cet univers sombre. Leurs troncs gigantesques s’élancent vers le ciel, culminant en une fine touffe de verdure au sommet. Ces géants, qui ne sont en réalité qu’une variété de pins, peuvent atteindre des hauteurs vertigineuses, flirtant avec les 100 mètres, et vivre jusqu’à 500 ans. Importés d’Amérique au XIXe siècle par David Douglas, un pépiniériste anglais, ces arbres majestueux occupent ici le terrain depuis leur plantation, il y a quelques décennies, comme l’a expliqué un habitant chaleureux croisé plus bas.
Peu à peu, la forêt se retire, laissant place à un paysage plus ouvert. Le chemin continue à grimper, mais sa pente devient plus douce. Entre les buissons qui reprennent timidement leurs droits, la terre arbore une teinte presque glaiseuse, rappelant une richesse végétale à l’état brut.
Au fil de l’ascension, la forêt traditionnelle s’affirme à nouveau. Épicéas et feuillus y cohabitent dans une harmonie naturelle, enveloppant les lieux d’une sérénité apaisante. Enfin, la montée touche à sa fin au lieudit Parpaillon.
D’ici, le chemin s’aventure dans la Serre de Parpaillon, suivant les crêtes de la colline. Il serpente au milieu de sous-bois de châtaigniers, ponctués de clairières lumineuses où, contre toute attente, pousse un peu de céréales, comme une promesse de vie dans cette contrée sauvage.
Le chemin amorce une descente douce, serpentant entre sous-bois ombragés et champs dorés. Les épis des céréales, agités par une brise légère, murmurent des secrets oubliés tandis qu’au-delà, les collines ondulantes du Vivarais s’étirent vers l’horizon, tel un tableau vivant aux teintes pastel. Vous arrivez au lieudit Le Gratol, un havre de sérénité baigné par les nuances chaudes de la fin d’après-midi.

Ici, une vigilance toute particulière s’impose : le sentier principal semble vouloir suivre la haie, mais il faut bifurquer, traverser discrètement derrière les blés et pénétrer dans les fourrés. La pente se fait alors implacable, brutale, flirtant avec les 15 %. Le sol, érodé par le passage du temps, dévoile des rochers granitiques qui affleurent, rappelant la nature brute et indomptée de ces lieux.
Plus bas, nichée au creux d’un vallon, apparaît une maison de pierre isolée, empreinte d’un charme rustique. Elle semble veiller, immobile, sur ce paysage intemporel. Sur la façade, la coquille de Compostelle brille discrètement, orientant les pèlerins avec une humilité silencieuse. Pourtant, en apercevant l’entrée, une hésitation s’installe : le chemin passe-t-il réellement par-là ? 

Et, oui, contre toute attente. Le propriétaire, par chance présent, nous accueille avec un sourire chaleureux et l’enthousiasme contagieux des gens profondément enracinés dans leur terroir. Il commence à raconter, sa voix mêlée aux bruissements du vent, l’histoire fascinante de cette région. Jadis, au milieu du siècle dernier, ces collines n’étaient pas recouvertes de forêts épaisses comme aujourd’hui. À perte de vue, seuls de grands châtaigniers greffés ponctuaient le paysage, imposants et solitaires, s’élevant majestueusement jusqu’aux sommets. Puis vint l’idée, presque anodine à l’époque, que le brou de châtaignes pouvait servir au tannage des peaux. Dans une quête industrielle aveugle, les arbres furent abattus les uns après les autres, jusqu’à disparition totale. Aucun effort n’était fait pour replanter, et la nature, fidèle à sa force incroyable, a repris ses droits avec un acharnement silencieux. Aujourd’hui, ces forêts profondes que vous traversez ne sont, en réalité, que des armées de rejetons sauvages, issus des souches anciennes. Dans ce chaos organisé, il reste parfois, au détour d’un sentier, un châtaignier greffé qui défie le temps, vestige d’un passé révolu. Les forêts de sapins de Douglas, plantées à la même époque, ont prospéré, rejointes plus tard par les chênes, les hêtres, les érables et les épicéas. Marcher ici, c’est traverser une illusion presque parfaite, celle de forêts millénaires, majestueuses et intemporelles. Quel paradoxe, n’est-ce pas, de penser que tout cela a vu le jour en moins de cent ans ? La nature, d’une résilience hors du commun, a recouvert les blessures humaines d’un manteau de vie, créant une harmonie nouvelle. Et pourtant, aujourd’hui, l’homme s’efforce de réparer ses erreurs. Ici et là, de jeunes châtaigniers sont replantés, tentatives timides mais déterminées de ramener l’arbre ancestral à son apogée. Mais il faudra du temps, des décennies, peut-être des siècles, pour qu’ils rivalisent un jour avec la grandeur de leurs glorieux aïeux.

Le sentier poursuit sa descente, serpentant avec une nonchalance paisible entre les pins et les châtaigniers, puis s’aventure parfois dans des prairies tapissées d’herbes folles. Les bruits étouffés des pas sur le sol mêlent douceur et fragilité, jusqu’à ce qu’une petite route de terre battue se révèle, modeste et discrète, au détour du chemin.
Bientôt, le goudron fait son apparition, annonçant l’arrivée au lieudit Adreyt de Savinas. Le nom lui-même interpelle : est-ce là une particularité ardéchoise d’écrire adreyt ce qui est ailleurs nommé adret, ce versant ensoleillé des vallées, contraste lumineux avec l’ubac, plongé dans l’ombre ? Ici, le soleil caresse chaque pierre, chaque herbe, baignant le paysage d’une lumière douce, mais il reste encore plus de 5 kilomètres à parcourir avant d’atteindre Vernoux-en-Vivarais.
La route, pavée d’histoires invisibles, traverse le hameau étendu de Savinas. Les bâtisses, en moellons de granite, surgissent çà et là, souvent nichées dans la pente, semblant se cacher pour mieux préserver leur charme rustique. Ces maisons, témoins silencieux des générations passées, se fondent dans le paysage comme si elles avaient toujours appartenu à la terre elle-même.
Puis, à la sortie du hameau, un panorama saisissant s’ouvre soudain devant vous. Là, au bout du plateau, Vernoux se dresse, proche, presque à portée de main. Mais la magie de l’Ardèche, cette terre sculptée par les rivières et les siècles, s’immisce encore : entre vous et le village se cache un vallon profond, une promesse de descente et de remontée. Comme souvent sur le Chemin de Compostelle, chaque destination se mérite. Ici, l’“Ardèche Plein Cœur” dévoile ses secrets dans un enchevêtrement de petits plateaux, entaillés par des rivières qui forment des vallées ombreuses, presque mystiques.
La Via Adresca finit par délaisser le goudron et s’engage à nouveau sur un chemin de terre, traversant champs de céréales et prairies émaillées de fleurs sauvages. Le chemin file, droit et sûr, jusqu’à l’extrémité du plateau, s’inclinant alors doucement dans une descente vers le vallon.

Et là, dans une éclaircie providentielle, Vernoux-en-Vivarais se dévoile à nouveau, immobile et mystérieux, comme un mirage qui refuse de s’approcher. Les toits de la ville, baignés de lumière, semblent à la fois proches et inatteignables, vous rappelant que le chemin est toujours une affaire de patience et d’effort.

Mais la pente s’accentue rapidement. Le chemin, semé de cailloux et d’ornières, devient inégal, exigeant vigilance et équilibre. Les sous-bois de châtaigniers enveloppent bientôt la marche de leur pénombre fraîche. La pente, oscillant entre 10 % et plus de 15 %, reste cependant indulgente, presque complice.

Section 3 : Par monts et par vaux vers Vivaroux-en-Vivarais

Aperçu général des difficultés du parcours : il faut descendre au fond du vallon avant de remonter de l’autre côté.  La descente est plus raide que la remontée.

Lorsqu’on entame la descente dans ce vallon oublié des cartes postales, le chemin s’immisce doucement sous le couvert d’un sous-bois, oscillant entre l’ombre dense des frondaisons et les éclats de lumière qui s’égarent sur les clairières. Ici, la nature semble retenir son souffle, murmurant aux marcheurs attentifs les secrets de ses parfums de terre humide et de feuilles froissées.
Un peu plus bas, à Mont Flos, une ferme majestueuse dresse ses épaules carrées, comme ancrée dans l’éternité. Les murs, robustes mosaïques de granit et de grès, témoignent d’un art ancien, celui de bâtir avec patience et respect du sol. Autour, quelques maisons de moellons complètent ce tableau de vie rurale immuable, comme un écho du passé résonnant encore dans les collines.
À partir d’ici, le chemin cède la place à une route goudronnée, noire et lisse, qui tranche avec la douceur des paysages alentour. Vous êtes descendus plus bas que Vernoux, mais le fond du vallon se fait encore désirer, dissimulé comme un trésor à découvrir.
Puis vient le moment où tout bascule. La descente s’incline abruptement, frisant les 15 %, et la nature reprend ses droits. La route devient un fil tendu au cœur d’une végétation plus sauvage, plus indomptée. Les arbres, aux allures de sentinelles séculaires, se penchent comme pour examiner le voyageur qui ose défier leur domaine.
Au creux du vallon, enfin, le ruisseau de Médrand coule, paisible, presque indifférent au labeur des hommes qui gravissent et descendent ces pentes depuis des siècles. Les Petits Ponts, ce lieu-dit au nom poétique, s’offre comme un havre où reprendre son souffle. Ici, l’Ardèche révèle son caractère de montagnes russes : une alternance inlassable de vallons et de crêtes. Déjà, il faut se préparer à regagner les 200 mètres de dénivelé perdus, sur un chemin qui serpente vers Vernoux, tout en promesses de sueur.
Le parcours qui remonte de l’autre côté du vallon se transforme en une large bande de terre battue, accueillante. La pente s’adoucit, et le chemin épouse le cours d’un affluent du Médrand. Sous l’ombre bienveillante des grands feuillus, la lumière joue à cache-cache, offrant au marcheur un répit bien mérité.
Plus haut, le chemin traverse des espaces où l’intervention humaine se fait plus palpable. La station d’épuration se dresse, discrète mais nécessaire. Ses dimensions laissent supposer l’importance du bourg qui se profile plus haut.
La montée continue, inexorable, avec une rectitude qui semble défier la courbe naturelle des collines. Les premières maisons, perchées bien au-dessus, apparaissent comme des promesses de civilisation après la solitude boisée du vallon.
Ici, les arbres deviennent complices. Les grands chênes et les frêles frênes, dont la grâce élancée captive l’œil, bordent le chemin tel une haie d’honneur offerte à ceux qui ont triomphé de l’effort.
Enfin, le goudron reprend ses droits, signe que l’on approche du bourg.
À l’horizon, les premières maisons se dessinent timidement, tandis qu’une étendue d’eau, nichée sur un petit plateau, miroite doucement sous le soleil, comme une récompense ultime pour le marcheur persévérant.
La route s’élève doucement, dessinant une courbe élégante pour passer sous le bourg, à proximité d’un parc où règnent le calme et l’ombre des arbres anciens.

C’est là que repose le Lac des Ramiers, une étendue d’eau paisible, d’un bleu profond, où la baignade, bien qu’interdite hors des plages aménagées, attire parfois quelques âmes téméraires. Mais ce jour d’été, étrangement, le rivage est désert. Pas un enfant à jouer sur les berges, pas un éclat de rire porté par le vent. Ce silence frappe, comme une note mélancolique dans ce tableau parfait. La superbe région du Vivarais semble avoir échappé à l’attention des vacanciers estivaux. On ne peut que s’en désoler : c’est un joyau méconnu, éclipsé par d’autres horizons.

La route s’élève à nouveau, serpentant à travers des quartiers plus récents, aux maisons modernes et sages, jusqu’au centre du bourg.
Vernoux-en-Vivarais, avec ses 2 000 habitants, respire la tranquillité. Il partage avec Saint-Agrève, non loin, le charme discret des petites villes perchées. Pourtant, son passé médiéval fut tumultueux. Au Moyen Âge, c’était un centre prospère, protégé par des remparts et animé par un monastère et des châteaux. Les Guerres de Religion du XVIe siècle ont laissé leur empreinte : les remparts furent rasés, et il ne reste que des vestiges du château de la Tourette, éloignés du chemin actuel. Au cœur du bourg, l’église catholique impose sa silhouette austère mais élégante. Construite dans un style néo-gothique au XXe siècle, son clocher de 51 mètres s’élève comme un défi lancé au ciel, revendiquant le titre du plus haut édifice de l’Ardèche. Pourtant, Vernoux est aussi une terre de résistance protestante. Ici, les communautés réformées n’ont pas été balayées par l’histoire : un temple se dresse encore, discret mais bien vivant.
La rue principale regroupe tous les commerces nécessaires à la vie locale. Les vitrines, modestes mais accueillantes, se succèdent, offrant de quoi ravir habitants et visiteurs.
En quittant Vernoux, la Via Adresca emprunte la départementale D2, qui s’enfonce vers Silhac et Chalencon. Les croix qui jalonnent cette route témoignent de la dualité spirituelle de cette région : une terre partagée, où catholicisme et protestantisme cohabitent encore, comme une mémoire vivante des luttes passées.

Section 4 : Dans la fraîcheur de la Dunière

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours assez casse-pattes, mais sans grosses difficultés.

À peine la cité laissée derrière soi, la Via Adresca se détourne des artères principales pour s’aventurer sur une route plus modeste. Dans les faubourgs, elle traverse le hameau de La Bâtisse, un lieu paisible où les maisons paraissent autant d’observateurs muets de la vie qui va et vient.
La route, désormais, avance sans effort, traçant son chemin à travers les prés tranquilles. Elle frôle le cimetière, dont les pierres grises émergent comme des témoins du temps, offrant un contraste saisissant avec le vert éclatant des herbes qui l’entourent. 
Mais bientôt, le paysage change d’humeur. La pente s’affirme, et la route cède le pas à un petit sentier abrupt, presque timide, qui s’accroche à la terre comme un escalier secret vers le bas.
Ce passage escarpé est éphémère, juste assez long pour sentir sous ses pieds la texture brute du sentier avant de rejoindre une départementale plus régulière, un ruban d’asphalte qui court plus bas.
La Via Adresca s’y aligne un instant, suivant docilement son tracé sur quelques centaines de mètres, comme une promeneuse indécise.
Puis, dans un élan d’audace, elle s’échappe à nouveau, plongeant dans un petit vallon où serpente le ruisseau de la Dunière. Ce cours d’eau, au débit généreux, donne une vie insoupçonnée à cette descente où la route cède encore à un chemin tortueux, jonché de pierres et d’histoires anciennes.
Sous l’ombre des châtaigniers gracieux et des chênes imposants, le sentier se fait bref, comme s’il redoutait de s’attarder. Rapidement, le goudron reprend ses droits. Pourtant, cette vallée fut jadis un lieu de labeur : des moulins à eau y parsemaient le paysage, exploitant la force vive des ruisseaux. Non loin, le moulin du Ranc, aujourd’hui absent du parcours, murmure encore aux curieux l’écho d’un passé industrieux.
Au lieudit Liberté, la Via Adresca s’offre un moment de sérénité. Elle suit une petite route ombragée, passant près des maisons de Reviscole, qui semblent perdues dans l’étreinte bienveillante de la forêt. Ici, la nature s’exprime en une douce symphonie de verts, entre les frênes élancés et les feuillages qui dansent avec le vent.
Cependant, la route ne résiste pas à l’appel du ruisseau, finissant par redescendre pour explorer ses abords. Tout au long de cette étape, les marques rouge et blanc du GR420 se croisent avec les coquilles du chemin de Compostelle, inscrivant ce lieu dans un réseau séculaire de pèlerinages et de quêtes intérieures.
Un large chemin de terre descend alors vers le grand moulin de Monopenia, vestige d’une époque où l’eau était l’alliée de l’homme. Ici, la puissance des rivières actionnait les mécanismes qui torsadaient les fils de soie, une industrie délicate qui s’éteignit définitivement en 1970. Depuis, l’artisanat a déserté ces lieux, laissant les murs muets, mais toujours fiers, raconter leur gloire passée.

Le chemin s’avance avec grâce à travers un domaine enchanteur, où un délicat petit pont de pierre franchit d’un élan sobre le ruisseau de la Dunière. L’endroit respire la quiétude, un havre où fraîcheur et charme semblent suspendus dans l’air. Pourtant, l’esprit curieux s’interroge : comment un ruisseau si frêle, à peine un murmure d’eau, parvenait-il jadis à animer les grandes roues du moulin ? Peut-être fallait-il détourner son cours, car plus en amont, la Dunière dévoile un débit plus généreux, presque méconnaissable.
Un sentier cependant, se détourne du superbe pont, refusant d’en épouser l’arc élégant. Il reste fidèle au bord du ruisseau, grimpant doucement à travers une herbe tendre, caressée par la lumière. Le calme ici est absolu, et l’air semble porter en lui la fraîcheur des lieux ombragés, amplifiée par la présence d’un plan d’eau tranquille, miroir discret du ciel.
Plus haut, le ruisseau impose sa présence : le sentier le traverse d’un bond, puis s’élève à travers une forêt dense où pins élancés et chênes majestueux se disputent la canopée. Les troncs robustes veillent sur ce lieu, comme un écrin protecteur pour les trésors naturels qu’il abrite.
Et bientôt, le ruisseau s’épanouit en un spectacle féerique. Il se fraie un chemin avec fougue entre les gros rochers, sculptant des cascades où l’eau éclate en mille éclats de lumière. Ces pierres massives, déposées là par une nature aussi capricieuse qu’élégante, semblent agencées avec une précision d’orfèvre. Ne peut-on jamais se lasser de contempler la magie d’un tel spectacle ? Ces cascades, vivantes et joyeuses, évoquent une danse éternelle qui enchante le regard et apaise l’âme.
Le sentier, étroit mais tenace, continue de s’élever, suivant de près le chant des cascades. C’est comme s’il ne voulait pas perdre le contact avec cette symphonie naturelle, chaque pas devenant un hommage discret à la force et à la beauté indomptée de l’eau.

Le sentier s’élève doucement jusqu’à faire face à un pont de pierre. Mais « beau »est un mot bien insuffisant. Ce pont semble avoir traversé les âges, né d’un autre temps, peut-être du Moyen Âge, avec sa courbe élégante et son allure patinée par le passage des ans.

En le traversant, le charme opère de plus belle. Le sentier poursuit sa montée, enveloppé dans un univers minéral où la rivière compose une mélodie visuelle, jouant avec les teintes des rochers tapissés de mousse. Ici, chaque détail semble préservé dans son authenticité. Point de béton pour dénaturer la scène : les moellons de pierre brute, dans leur simplicité rustique, offrent une continuité harmonieuse au décor. 
Les maisons qui se découvrent peu à peu, habillées de ces mêmes moellons ocre, semblent appartenir à la terre autant qu’elles l’habitent. Le sentier grimpe encore, jusqu’à atteindre le grand pont qui enjambe la Dunière au lieu-dit Le Beley. Là, la départementale D2 impose sa présence, mais sans écraser l’atmosphère paisible qui émane des lieux. 
La Via Adresca, cependant, ne s’attarde pas. Elle abandonne rapidement la route goudronnée pour s’enfoncer dans la forêt. 
Un sentier forestier est alors un refuge de douceur. Il serpente doucement, à peine en pente, entre des tapis de mousse moelleuse et un mélange d’arbres aux caractères bien distincts : pins droits et résineux, châtaigniers vénérables et feuillus dont les ramures tissent une voûte naturelle.
Puis, les grands châtaigniers greffés apparaissent, imposants et majestueux, témoins silencieux d’un labeur agricole ancestral. Lorsqu’enfin le sentier débouche sur une clairière, l’émotion saisit. Tout ici respire la splendeur. C’est beau comme un instant suspendu, où le regard se perd et l’âme s’apaise, touchée par la simplicité grandiose de la nature.

Section 5 : Par monts et par vaux vers Chalencon

Aperçu général des difficultés du parcours : de la grimpette pas trop exigeante, à de rares exceptions.

Le chemin s’étend paisiblement à travers les prés, dessinant sa trajectoire sinueuse entre les petites cultures qui parsèment la verdure, et les arbres fruitiers qui semblent offrir leur récolte avec une simplicité joyeuse. La campagne, douce et accueillante, s’étale sous les vastes forêts qui dominent les collines alentours, tissées de silence et de lumière. C’est une quiétude qui flotte dans l’air, comme un murmure que seuls les pas des pèlerins peuvent troubler.
Plus loin, le chemin s’enfonce dans les sous-bois de feuillus, un peu plus à l’ouest, vers le secteur de Florensole, où les ombres des arbres s’allongent et le sol se fait plus humide. Le silence de cette forêt semble lourd de mystère, seulement brisé par le bruissement des feuilles sous les pieds des voyageurs.
Les vaches, paisibles sous les chênes et les châtaigniers, semblent regarder passer les pèlerins avec une curiosité tranquille. Leur présence sereine, au cœur de la nature, est un tableau immobile, comme une peinture d’autrefois. Elles n’ont sûrement pas l’habitude de voir ainsi défilé ces voyageurs, traversant leur domaine comme des fantômes de passage. Le chemin, en pente douce, s’élève alors dans l’herbe haute, se hissant lentement vers la colline, où les horizons se déploient et se réinventent à chaque pas.
Derrière les murs couverts de mousse, ces vestiges qui émergent tels des reliques du temps, se cache une ferme, presque un petit château, qui semble tout droit sortie d’un conte, posée dans le creux d’une vallée. Ses pierres, usées par les siècles, se fondent avec l’environnement, comme un témoignage de la résilience du temps. De l’autre côté de la colline, en revanche, surgit un lotissement moderne, une juxtaposition étrange entre l’ancien et le contemporain, un patchwork de styles qui, malgré leurs divergences, semble se fondre dans le paysage. Il en faut, après tout, pour tous les goûts.
Un dernier tour sous les châtaigniers, et le chemin mène à une ferme imposante, aux allures de domaine florissant. Ce lieu, où le bois est également exploité, respire une douce félicité, comme si la nature et l’homme avaient trouvé un équilibre parfait entre leurs existences. Là encore, la forêt s’invite en lisière, offrant un contraste apaisant à cette activité humaine, tout en préservant son écrin de silence.
Un peu plus loin, le chemin atteint le lieudit Vaugeron, à trois kilomètres de Chalencon ou à un kilomètre de Silhac, où un gîte se tient là. L’endroit semble avoir été suspendu dans le temps, une halte idéale pour reprendre son souffle avant de reprendre la route.
À partir d’ici, une route modeste prend forme, serpentant entre les champs et les sous-bois, comme une invitation discrète à explorer davantage.

À cet instant, un châtaignier se dresse devant nous, un spécimen majestueux, hors du commun. Saurions-nous mesurer le nombre d’années qu’il a traversées ? Peut-être quelques centaines, sans aucun doute. Car ces ancêtres, ces géants des bois, peuvent atteindre des âges insensés, mille ans parfois. Leur grandeur n’est pas seulement dans leur taille, mais dans la trace qu’ils laissent dans la mémoire du paysage.

Un peu plus loin, la route passe devant la grange Belay, un ensemble de maisons en pierre qui remontent au XVIe siècle. Ces bâtisses, solidement ancrées dans la terre, semblent respirer la sérénité. Elles sont le miroir d’une époque révolue, mais toujours présente dans les pierres et les toitures usées par le temps. Autour, quelques arbres fruitiers sont disséminés dans les prés, et bien sûr, les châtaigniers, toujours omniprésents, veillent sur ce paysage comme des sentinelles silencieuses, témoins des saisons qui passent.
La route s’élève alors plus franchement, traversant une forêt où les chênes majestueux et les châtaigniers, souvent frêles et décharnés, dominent le paysage. La végétation est dense, presque oppressante, comme si l’ombre des arbres enserrait l’espace, étouffant la lumière. Les grandes silhouettes des chênes semblent veiller sur les pas des pèlerins, tandis que les châtaigniers, plus maigres et tortueux, apportent une note de vulnérabilité à ce décor. Par endroits, les pins viennent bousculer cette dominance des frênes, comme s’ils cherchaient à imposer leur stature. Les cimes des arbres se balancent au gré du vent, leurs aiguilles fredonnant une mélodie timide, presque moqueuse, qui vient perturber le silence épais de la forêt.

Un peu plus haut, la Via Adresca délaisse la route pour un chemin plus intime, qui plonge vers la forêt. Le chemin croise alors le ruisseau du Belay, discret, presque secret, qui serpente entre les arbres. Il murmure à peine, comme une parole murée, à peine perceptible sous le couvert végétal.
La Via Adresca s’élève encore, s’insinuant dans le sous-bois de feuillus. La pente reste douce, mais le terrain devient plus accidenté à mesure que le chemin se fait plus caillouteux. Ce ne sont pourtant pas les cailloux d’Isère, aux formes arrondies, polies par les siècles et les intempéries, mais ceux de l’Ardèche, aux arêtes tranchantes. Chaque pas semble résonner sur ces pierres vieilles de mille ans, témoins des errances d’innombrables voyageurs.
Quelques châtaigniers apparaissent à nouveau, leurs troncs épais et noueux se dressant comme des gardiens du chemin. Peu à peu, la terre battue laisse place au goudron, un contraste brutal qui annonce l’arrivée sous le village de Chalencon, perché là-haut, à flanc de colline.

Un petit étang, aux eaux saumâtres et stagnantes, repose paresseusement parmi les mousses et les roseaux. On peine à distinguer la surface de l’eau, presque engloutie par la végétation. Cet endroit, à l’apparence oubliée, semble garder pour lui seul l’entrée du village, comme une porte secrète vers un autre monde.

C’est ainsi, parfois, sur le Chemin de Compostelle. Le but semble proche, mais il faut encore fournir un dernier effort, un dernier coup de collier avant de l’atteindre. La pente se fait plus raide, comme pour mieux préparer les voyageurs à la beauté du lieu qui s’annonce. Et ici, à Chalencon, la montée est rude, mais le village au sommet le mérite bien.
Le village, d’une beauté simple et authentique, se dévoile enfin. Perché sur sa colline, il semble échapper aux tumultes du monde, préservé des foules de touristes qui affluent ailleurs. Il est l’un des joyaux méconnus de la région, un des plus beaux villages du pays, où chaque pierre semble raconter une histoire ancienne, chaque ruelle un secret bien gardé. La Via Adresca pénètre dans la partie basse du village, là où les commerces, rares mais accueillants, offrent une pause bienvenue aux pèlerins fatigués. Le village de Chalencon, avec ses 300 habitants, respire la tranquillité, l’authenticité et une certaine forme de douceur d’âme, loin des foules et du bruit.
Chalencon, jadis un oppidum gaulois, conserve encore, là-haut, au-dessus du village, les traces de son passé lointain. Ces vestiges, inscrits dans la roche et la terre, témoignent d’une époque révolue, mais qui demeure bien présente à ceux qui prennent le temps de regarder. Le site se transforma ensuite en garnison romaine, puis en baronnie au Moyen Âge, une époque où Chalencon devint un lieu stratégique, incontournable pour ceux qui empruntaient la route entre la vallée du Rhône et la Haute-Loire. On y éleva une forteresse imposante, dotée de château, de donjons, de chapelles et de remparts, dont une grande partie des vestiges est encore parfaitement visible dans les ruelles pittoresques du village médiéval. Comme souvent, ces monuments ont traversé les âges en s’adaptant aux évolutions de la société, mais ce processus s’est toujours fait dans un respect profond du patrimoine. Même les constructions plus récentes semblent s’être intégrées harmonieusement à cet héritage, créant un village où il fait bon se perdre, flâner, et s’imprégner de l’histoire qui semble s’échapper de chaque pierre.

La porte de Besse, ancienne entrée de la ville, sépare la ville basse de la haute, et garde en elle la mémoire des événements qui ont traversé ces lieux. Rebaptisée plus tard en Porte des Autrichiens, elle rappelle le passage des troupes autrichiennes en 1815, après la défaite de Waterloo. Bien que cette porte ait subi de nombreuses modifications au fil des siècles, elle reste un monument classé, symbole de l’histoire du village. Aujourd’hui, elle a été transformée en un gîte d’hôtes remarquable, où les voyageurs peuvent poser leurs bagages et se laisser envoûter par la magie des lieux.

L’église St Pierre, fondée au XIIe siècle, a, elle aussi, traversé les âges. Modifiée à plusieurs reprises jusqu’au XIXe siècle, elle conserve un clocher à trois cloches de tailles différentes, écho des prières et des rites de génération en génération.
L’histoire religieuse de l’Ardèche, et plus spécifiquement du Vivarais, est marquée par de profondes divisions depuis les guerres de Religion. À l’époque, une grande part de la population s’était ralliée aux thèses de Calvin, venant de Genève, ce qui provoqua de terribles tensions. Les protestants durent alors se cacher, pratiquer leur foi en toute clandestinité, au péril de leur vie. Ce n’est qu’à partir des années 1820 que la situation se calma, permettant à la communauté protestante de sortir de l’ombre et de reprendre publiquement ses cultes. Le premier temple protestant fut construit ici au XVIe siècle, mais il fut détruit. Le temple actuel, bâti en 1822, se trouve au sommet du village, à l’endroit même où s’élevait le premier.
Au XVe siècle, Diane de Poitiers, célèbre favorite du roi Henri II, possédait un château à Chalencon. C’est elle qui donna au village son essor commercial en y implantant un marché et des foires, probablement sur la grande place du Valla, près de la porte de Besse. Bien que le château n’existe plus, les traces de son passage sont encore visibles ici et là, dans l’architecture et l’âme du village.

La tour carrée, également appelée la tour de potence, fut surélevée pour être transformée en pigeonnier. Malgré cette transformation, elle reste un élément remarquable de l’architecture médiévale du village. Son imposante silhouette, perchée sur le paysage, rappelle la défense et l’autorité d’un temps où chaque pierre était chargée de sens.

On pourrait passer des heures à se perdre dans les ruelles de Chalencon, à admirer les belles maisons en moellons, aux fenêtres à meneaux, témoins d’un autre temps. Ou bien, on pourrait s’attabler dans l’un des restaurants du village et goûter à la douceur de vivre, savourer la cuisine locale, bercé par le charme indéniable de cet endroit hors du temps. C’est étonnant de constater que cette partie de l’Ardèche, si calme, reste relativement déserte, alors que dans le sud du pays, le tourisme semble avoir envahi chaque recoin. Ah, les paradoxes du tourisme… Un véritable mystère, entre ceux qui fuient la foule et ceux qui la recherchent.

Logements officiels sur la Via Adresca

 

  • Les Blaches, Vernoux-en-Vivarais; 04 75 61 72 13/06 11 95 35 76 ; Chambre d’hôte, repas, petit déj.
  • Les Blés d’or, Chalencon ; 06 42 83 26 85/04 75 58 15 18 ; Gîte, repas, petit déj.
  • Porte de Besse, Chalencon ; 04 75 58 15 18 ; Chambre d’hôte, repas, petit déj.

Accueils jacquaires (voir introduction)

  • Croix Saint André (1)
  • Vernoux-en-Vivarais (3)
  • Chalencon (1)

Sur la Via Adresca, les options d’hébergement sont presque toujours limitées. Vous ne traversez pas l’Ardèche touristique du Sud. Le logement est limité, même pour les AirBnB, dont les adresses ne sont pas disponibles. La liste ne répertorie que les logements situés directement sur le parcours ou à moins de 1 km du chemin. Le guide des Amis de Compostelle, quant à lui, recense toutes les adresses de logements disponibles, ainsi que celles des bars, restaurants et boulangeries le long du tracé, et même à plusieurs kilomètres du parcours. Pour se restaurer, il est possible de faire une pause à Vernoux, avec tous les commerces. A Chalencon, avec tous les commerces, le logement est aussi limité. Réservez à tout prix.

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 14: De Chalencon à Les Nonières
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