02 : Marnans à St Antoine-L’Abbaye

Dans les bois de Chambaran avant de découvrir un autre joyau du Moyen-âge

 

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

 

Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.

Pour ce parcours, voici le lien:

 

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/marnans-auvergne-rhone-alpes-france-32806286

Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore en France de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous pouvez trouver sur Amazon un livre qui traite de ce parcours. Cliquez sur le titre du livre pour ouvrir Amazon.

Le Chemin de Compostelle en France. IVB. De Genève au Puy-en-Velay par la Variante de Gillonay (Via Adresca)

Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.

L’étape du jour est incontestablement une grande étape. Non seulement, on traverse des paysages reposants, des forêts magnifiques, des champs de galets dispersés sur les pentes, mais encore c’est un voyage initiatique à travers les courants religieux du Moyen-âge. Oserions-nous vous avouer que nous n’avions jamais entendu parler de St Antoine-L’Abbaye ? Vous non plus, peut-être. Pourquoi l’Isère ne fait-elle pas plus de publicité pour les merveilles qui se cachent en ces lieux ? Alors ici, nous allons rendre visite aux Bénédictins, aux Antonins et même aux Trappistes. Tout un programme, non ?

Le Bas-Dauphiné est l’avant-pays alpin, où la molasse prédomine, quand elle est sous forme de rocs compacts. Mais, sur le parcours, vous n’en verrez guère, car ici ce sont les dépôts de l’Ère Quaternaire qui occupent de grandes surfaces et tapissent la plupart des vallons. Ceux-ci ont été déposés à la périphérie des langues glaciaires du Rhône et de l’Isère qui descendaient des massifs alpins. Les forêts, longues et nombreuses dans l’étape du jour, et souvent les sols pauvres, sont constitués le plus souvent de limon, de sable et d’un peu d’argile. L’humus est souvent lessivé. La géographie reste toujours aussi simple. Aujourd’hui, nous partons des contreforts de la Bièvre à Marnans, pour gagner les hauts plateaux et forêts du Chambaran, et redescendre de l’autre côté sur la grande vallée de l’Isère (https://www.persee.fr/doc/geoca).

Difficulté du parcours : Les dénivelés du jour (+357 mètres/-440 mètres) sont très raisonnables. C’est une étape moyenne, où il y a cependant tout au long du parcours quelques pentes voisines de 15%, notamment dès le départ, puis dans la forêt de Gargamelle. C’est à nouveau un peu plus casse-pattes en redescendant du plateau de Chambaran vers St Antoine-L’Abbaye.

L’étape du jour est à l’avantage des chemins, même s’ils sont très caillouteux :

  • Goudron : 7.5 km
  • Chemins : 12.3 km

Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.

Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.

Pour les “vrais dénivelés”, relisez la notice sur le kilométrage sur la page d’accueil.

Voici un exemple de ce que vous trouverez. Il suffit de prendre en compte la couleur pour comprendre ce qu’elle signifie. Les couleurs claires (bleu et vert) indiquent des pentes modestes de moins de 10%. Les couleurs vives (rouge et brun foncé) présentent des pentes abruptes, le brun dépassant 15%. Les pentes les plus sévères, supérieures à 20-25%, très rarement plus, sont marquées de noir.

Section 1 : Une première montagne russe d’une vallée à l’autre.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : pas de difficulté, sauf la montée vers le haut plateau avec souvent des pentes voisines de 15%.

Il n’y a pas de longs kilomètres pour quitter la banlieue de Marnans. Il n’y en a pas. La route monte derrière l’église vers la forêt. Mais tout aussitôt, un chemin s’en va par le Chemin des Essarts vers les sous-bois de Grands Champs.
Ici, coule paisible, dans un petit vallon, la Rapillière, affluent de l’Ologne. Vous avez peut-être imaginé, naïvement, que les cailloux avaient disparu pendant la nuit. Rassurez-vous, ils sont toujours présents.
Le chemin joue un peu avec le ruisseau, au milieu des chênes, des châtaigniers, des charmes et des hêtres. On voit même de temps en temps des épicéas, signe que l’on prend de l’altitude.
Ici, le sous-bois est peu dense et les broussailles dominent le plus souvent. La pente est supportable et quand l’herbe pousse, on voit moins les galets. Du moins, on peut la frôler de ses pieds, évitant un peu les pierres. On peut alors jeter un dernier coup d’œil sur Marnans, enfoncé au fond du vallon.
Plus haut, le chemin quitte le sous-bois, gagne les prairies de la clairière dans une pente au-dessus de 15%.
Ici, la belle ferme en pisé et en galets roulés des Essarts, à l’orée du bois, est sans doute morte pour longtemps.
La montée est terminée et un large chemin de terre, grandement épierré, presque de la terre glaise, s’en va dans les feuillus. Il reste quelques chênes, des hêtres et des érables mais les châtaigniers vont progressivement prendre le pouvoir et ne plus le lâcher jusqu’au bout du chemin en Ardèche et en Haute-Loire.
Plus loin, le chemin traverse le haut plateau, trouve une clairière où paissent les belles Charolaises. Ces vaches à viande, très loin de leur région d’origine, on en trouve de plus en plus partout dans le pays. Elles sont un peu plus petites que les Blanches d’Aquitaine. Dans la région, près des clairières, souvent les grands frênes se balancent au vent.
Peu après, le chemin gagne alors le lieudit La Croix de Frère Jacques, en rase campagne, au milieu des bouquets de feuillus.
Ici, la Via Adresca reste encore un peu sur le large chemin pierreux avant de trouver une route qui traverse le haut plateau dans les prés et les blés sous de grands arbres.
Sur le plateau où se cachent les rares maisons derrière les haies, on pratique l’élevage et un peu de cultures céréalières.
Un peu plus loin, on quitte le goudron pour un large chemin de gravier qui longe les blés et les maïs. Ici, la terre est ocre, ferrugineuse à souhait.
Dans la région, on passe de chemins pierreux en petits bouts de route. Les tracteurs préfèrent le goudron.
Pourtant ici, le passage sur le goudron est bref avant de retrouver le chemin qui oscille, en bas, en haut, dans les cultures.
Au sommet de la petite butte, c’est le retour de la route au milieu des cultures variées qui disputent leur place aux prairies.
Ici, le ruisseau de Galaveyson coupe la route. Cette région est aussi riche en petits étangs que le chemin, hélas, ne visite pas.
La route passe bientôt devant un gîte et se dirige vers le lieudit Pré Reynaud, à 2 kilomètres de Roybon.
Nous sommes ici sur la route de la Feyta. Rappelons que les “feytas ” sont ces sortes de hauts plateaux morainiques juchés sur les grandes plaines du Dauphiné, comme on en a déjà rencontrés en Bièvre-Valloire. La Via Adresca continue sur le goudron jusqu’à traverser la départementale D156 qui va vers Roybon. Là, elle emprunte la route du Blain Haut.

Section 2 : Une pause au lac de Roybon.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans difficulté.

Plus loin, la route passe bientôt au lieudit Le Blain Haut dans les céréales.
Puis, elle change de répertoire, et continue le long des haies d’arbustes et de broussailles.
Peu après, elle rejoint un chemin qui part dans l’herbe.

En dessous, le regard plonge sur le bourg de Roybon.

Et la pente s’accélère sur le chemin. Qui dit chemin en pente ici dit toujours galets, et ici, ils ne sont pas de la revue.
Les forêts ici sont nettement dominées par les petits châtaigniers chétifs et les grands frênes.
La route descend alors dans des amas de broussailles compactes pour rejoindre la départementale qui entre à Roybon.
La Via Adresca arrive rapidement à l’entrée du bourg.

A l’entrée du bourg coule la Galaure, plus qu’un gros ruisseau qui cascade gaiement sur les pierres.

Roybon (1’300 habitants) possède tous les commerces. Aussi de nombreux pèlerins s’arrêtent ici, ne serait-ce pour faire une petite visite à la statue de la Liberté, réplique miniature. Le bourg possède de nombreuses maisons faites de galets roulés, érigées entre le XXVIIIème et le XIXème siècle. L’église néo-romane, aussi faite de galets, a été construite au XIXème siècle.

La Via Adresca ne va pas au centre, mais prend la direction de l’Office de Tourisme, qui est en fait une ancienne gare. Et oui, il y avait, il y a bien longtemps, un chemin de fer qui reliait Lyon à St Marcellin, dans la vallée de l’Isère. Le chemin de fer passait ici, puis plus loin à St Antoine-L’Abbaye. Cette ligne se nommait la Voie du Tram. Inaugurée en 1899, elle fut fermée en 1936. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un chemin de randonnée. Mais elle va revenir un jour. C’est certain, Macron l’a promis. Ce sera peut-être alors un TGV. Qui sait ?

Nous sommes ici à près de 7 kilomètres du monastère de la Trappe. La Via Adresca quitte Roybon en suivant l’allée du Lac.
Peu après, elle traverse l’Aigue Noire, un ruisseau qui se dissimule sous les broussailles et qui rejoint la Galaure dans le village.
La route se dirige alors vers le lac, un plan d’eau artificiel, un peu surélevé par rapport au boorg.
La route longe le lac où on doit pratiquer en saison la baignade, la pêche ou le pédalo.
La route conduit à une impasse mais les marcheurs passent partout, non ?
Un chemin descend alors vers le camping, dont on ne peut dire qu’il soit mal situé, au bout du lac, dans un cadre fort agréable.
Peu après, une route contourne alors le camping…
… puis traverse à nouveau l’Aigue Noire.
Ici, la Via Adresca monte alors sur la route qui conduit à Chevrières, direction La Trappe, à 5 kilomètres d’ici. Nous sommes partis pour un très long voyage dans les forêts de Chambaran.

Section 3 : Du côté de chez Gargamelle.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : pas trop de difficulté, si ce n’est la montée très sévère sur les galets au départ de la forêt de Gargamelle.

La Via Adresca ne suit pas longtemps la route. Puis, un chemin se profile, c’est le Chemin de Gargamelle. Mais que vient faire Gargamelle, la femme de Grandgousier et la mère de Gargantua dans cette histoire ? En provençal, Gargamelle signifie “gosier, gorge”. Mais ici, il n’y a pas de défilé, que des galets. Sans doute des amoureux de Rabelais ont baptisé ce chemin ainsi.
Le chemin traverse le ruisseau de l’Oursière. On pénètre alors dans le Chambaran, un terme employé pour désigner une vaste étendue de terrain inculte, composé de bois, de landes et de bruyères. Même si on remarque les ornières laissées par les tracteurs sur le chemin, cette partie de la forêt paraît peu exploitée, plus on monte.

On est rapidement confronté à la rudesse et à la pente du chemin. Gargamelle aurait-elle apprécié que l’on utilisât son nom pour baptiser ces galets qui habitent sur ces pentes raides ? C’est encore plus marquant que les galets de la Bièvre, que nous avons croisés jusqu’ici. C’est magique, et le mot n’est pas usrpé.

Dans les forêts de Chambaran, comme dans le Dauphiné d’ailleurs, les châtaigniers dominent les autres feuillus qui composent plus de 90% des espèces. La deuxième espèce en nombre est celle des chênes, d’abord d’assez grands chênes pédonculés. Pour le reste, robiniers, hêtres, noisetiers, frênes, et érables complètent la panoplie. Parmi les conifères l’épicéa domine et rares sont les sapins blancs, les pins de Douglas ou les pins sylvestres.
Plus haut, Gargamelle traîne parfois ses pieds dans une boue poisseuse, mais cela ne dure pas longtemps. Le chemin va sortir dans la clairière. Dans les taillis, les ronces dominent, mais on trouve aussi du chèvrefeuille, de l’aubépine, des cornouillers, des genêts et de nombreuses fougères.
Puis la pente diminue progressivement dans les clairières. Dans ces forêts, la chasse aux pigeons ramiers doit s’exercer en toute vraisemblance, comme le prouvent les palombières à l’orée du bois.
Les randonneurs et les pèlerins façonnent parfois de petits cairns. Ici, ce ne sont pas les cailloux qui font défaut, mais les randonneurs, rares comme les corbeaux blancs. Sur la Via Adresca, vous n’allez pour ainsi dire rencontrer personne. Nous avons emprunté ce chemin en été, et pendant plus d’une semaine, rencontré en tout une dizaine de personnes.
Puis au coin du bois, dans un silence absolu, on entend meugler, des cris causés par le bruit d’un moteur au loin. Le bruit s’amplifie et un paysan monté sur son buggy apparaît dans les prés. Autrefois, les bergers faisaient des kilomètres à pied, aujourd’hui, ils sont motorisés.
Ce paysan élève ici des bêtes magnifiques, des vaches qui mangent de l’herbe et que de l’herbe. Les Blondes d’Aquitaine, les Charolaises, les Limousines, les Aubrac et les magnifiques Salers avec leurs cornes en forme de lyre trouvent leur bonheur ici. C’est magnifique l’élevage ainsi conçu par les amoureux des belles vaches, mais le paysan précise qu’en boucherie, toutes ces merveilles sur pattes sont payées au même tarif que les Holstein qui ont traîné leurs tétines pleines à péter pendant des années. Quelle injustice et quelle absurdité que le monde marchand !
A ce point-là, la montée est achevée et nous sommes sur le haut plateau du Chambaran. Nous laissons Gargamelle et son mystère pour continuer vers le Bois Secret. Les gens d’ici ont le sens de la poésie pour baptiser leurs lieudits.
Ici, la Via Adresca se balade à plat, dans une forêt magnifique, paisible, mais sur un terrain argileux, très imperméable. Les roues des tracteurs ont creusé des mares où l’eau stagne en permanence, même par temps très sec.
La situation doit être devenue figée, car les randonneurs ont créé des zones d’évitement et de passage à sec.
Et dans ce décor agréable, sous les châtaigniers, les chênes et les érables, le chemin gagne le Bois Secret. On doit vous dire que quand on marche seul dans ces vastes forêts, tout panneau de direction vous les voyez comme des bouées de sauvetage. Ouf, vous n’êtes pas perdu. Alors ici, le chemin prend la direction de la Croix de Mouze, à 1 kilomètre d’ici.
Plus loin, rien ne change dans la forêt. Elle est toujours aussi trempée, riche de châtaigniers, sereine.
Ici, parfois les grands pins sylvestres font la nique aux feuillus, pour leur prouver qu’ils ont aussi droit à l’existence.
Peu après, juste une petite clairière pour apercevoir le soleil, et le chemin retourne en forêt. C’est quand même un paradoxe. Dans la forêt, les galets ont disparu, mais nous sommes toujours sur les moraines glaciaires. Les gens ont-ils épierré ici les bois ou est-ce la réalité géologique, les pierres s’enfonçant sur les terrains horizontaux et dévalant dans les pentes ?
Le chemin arrive bientôt à la Croix de Mouze, à deux pas de la Trappe.

Section 4 : En passant par la Trappe et les montagnes russes sur le plateau de Chambaran.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : cela oscille sans cesse, mais de manière plutôt confortable.

A la Croix de Mouze passe une petite route, mais la Via Adresca repart, à angle droit, sur un large chemin dans la forêt.
Au bout de la forêt, le chemin arrive au lieudit Le Mur de la Trappe. On a beau se retourner vers les 4 points cardinaux, pas de mur ici. Est-ce encore un sortilège de Gargamelle ou est-ce alors pour notifier un ancien mur qui devait entourer la Trappe ?
Car, en sortant dans les cultures de maïs et de blé, on voit en dessous la Trappe, en fait l’abbaye de Chambarand.
Alors, un chemin caillouteux descend le long d’une haie de broussailles vers l’abbaye. Dès que les chemins montrent de la pente dans la région, les galets réapparaissent. Comme le sous-sol doit être une réserve infinie de galets, sans doute la pluie doit lessiver la terre et faire ressurgir sans cesse les galets.
Le chemin arrive vite près de l’abbaye.
L’abbaye Notre-Dame de Chambarand est une abbaye trappiste fondée en 1868. Elle ferme en 1903, au moment de la suppression des congrégations, et rouvre en 1931, quand des religieuses cisterciennes, dites trappinistes, s’y installent et font revivre l’abbaye.
Un peu d’histoire pour situer les trappistes. C’est au XIème siècle, dans le département de l’Orne, en France, à Soligny-la-Trappe que débute le mouvement, à l’abbaye Notre-Dame de la Trappe, appelée communément la Grande Trappe. L’abbaye rejoint l’Ordre des Cisterciens en 1147. Suite à la diminution de la ferveur monastique aux XVIème et XVIIème siècles, le mouvement est refondé selon une lecture plus stricte de la règle vers la fin du XVIIème siècle. C’est la réforme dite de la “stricte observance” ou le trappisme, en hommage à l’abbaye qui lui a donné naissance. Ce sont des moines et des sœurs contemplatifs qui vivent selon la règle de St Benoît, qui gouverne en détail la vie monastique dont les modalités liturgiques, le travail la détente et la prière. En fait, bénédictins, cisterciens et trappistes partagent cette règle, avec quelques nuances.

Arrive la Révolution française et ce désir d’éradiquer ces inutiles. Ainsi disparurent plusieurs centaines de monastères cisterciens. Les Trappistes s’enfuirent en Suisse, puis en Allemagne et vers les pays de l’Est, en Russie, quand les armées révolutionnaires envahirent la Suisse. On les chassa bientôt de Russie et ils revinrent en Allemagne, en Angleterre et en Belgique. Qui ne connaît pas et n’apprécie pars les bières trappistes belges ? A la chute de Napoléon, certains reviennent en France. En 1814, ils refondent à nouveau l’ordre cistercien de la stricte observance à la Trappe, d’où il rayonne dans le monde entier. À l’heure actuelle, l’ordre cistercien de la Stricte Observance comprend 2 600 moines et 1 883 moniales, répartis respectivement dans quatre-vingt-seize abbayes et soixante-six monastères dans le monde entier. En 1898, avec la restauration de Cîteaux, l’abbaye originelle de l’ordre cistercien, l’abbaye de la Trappe n’est plus la tête de l’ordre auquel elle avait donné son nom.

L’abbaye Notre-Dame de Chambarand est la dernière abbaye cistercienne en activité de l’Isère. Le cadre est magnifique, avec ses bâtiments façonnés de galets roulés. Les trappistes sont connus notamment pour les fromages et les bières. Ici, les moniales ont abandonné dès le départ la fabrication de la bière et la fromagerie a disparu en 2003. 34 sœurs vivent ici, de prières, d’artisanat et de produits provenant d’autres monastères, qu’elles vendent dans leur échoppe, à côté d’objets religieux.

Un chemin dans l’herbe descend sous la Trappe…
…pour se retrouver sur la route en dessous du monastère.

La Via Adresca longe alors le ruisseau du Galauret, ou plutôt l’étang de Galauret. Le ruisseau connecte ici plusieurs étangs cachés dans la végétation. Sur le grand étang, règnent la paix et la sérénité des sœurs au-dessus.

Depuis l’étang, un chemin initialement caillouteux monte en pente douce dans la forêt de Bessins.
Puis, à mesure que l’on monte, les galets disparaissent comme enchantement, sous les pins, les chênes et les châtaigniers. Parfois le chemin se trouve embourbé dans les ornières des tracteurs.
Le chemin passe bientôt au lieudit Forêt de Bassins, à 6 kilomètres de St Antoine L’Abbaye.
Ici, les forestiers ont déboisé les lieux et on voit alors, au milieu des châtaigniers élancés, plus de pins et de rares frênes qui, comme les pins, préfèrent s’épanouir en pleine lumière plutôt que dans les futaies.
Puis, le chemin sort momentanément de la forêt et rejoint la route de Roybon, qui passe aussi à la Trappe.
Nous sommes près du hameau de la Blache, mais le chemin n’y va pas. Blache est un lieudit souvent rencontré dans le pays. Le mot vient du gaulois et signifie chêne. Dès lors, on appelle souvent ces lieux ainsi, quand on a débarrassé les taillis des chênes.

Ici, un chemin monte à nouveau vers la forêt, en longeant les prés.

La forêt est alors moins dense que précédemment, et on a en partie déboisé le haut de la colline. La terre hésite entre l’ocre et le gris sale sur un chemin d’argile passablement détrempé.
Alors les châtaigniers et les frênes, entre autres, profitent pleinement de l’espace qui leur a été offert.
Plus loin, encore un dernier petit plaisir sur les galets de Chambaran et le chemin sort de la forêt.
Puis soudain, tout bascule. Nous avons passé le plus clair de la journée dans les forêts, il faut le dire magnifiques, et maintenant l’univers s’ouvre sur de jolies et douces collines. Il y a bien sûr encore des sous-bois éparpillés dans l’horizon, mais les cultures se dessinent entre elles. Quand vous traversez seul les forêts profondes, ce qui nous arrive souvent, on respire toujours mieux quand on retourne un peu chez les humains.
Enfin les humains, c’est manière de dire. Un chemin descend, raide sur un petit tronçon, sinon assez sage, entre herbe et cailloux de la colline. Pas un arbre, ou presque, seulement des prairies et un peu de maïs.
Au bas de la descente, le chemin est presque devenu sable et arrive sur une petite route près de la Grange Bernier.
Plus loin, la route remonte alors vers un carrefour où on peut rejoindre le Château Renard.

Section 5 : En route pour St Antoine-L’Abbaye, encore un bijou qui nous vient du Moyen-âge.

 

Aperçu général des difficultés du parcours : quelques belles pentes, mais surtout descente. On dépasse rarement le 15%.

La route continue de monter sur la colline. Certes, la pente n’est pas extrême, brève, mais on recommande néanmoins un équipement pour la neige. Nous sommes ici à moins de 600 mètres d’altitude.
Puis, du haut de la colline, la route redescend, presque aussi pentue, le long des petites collines. Devant soi, on voit à l’horizon le Vercors, de l’autre côté de la vallée de l’Isère.
Elle atteint bientôt le lieudit Le Cul de Perrette.
La route continue de descendre dans la riante campagne au milieu des noyers. Ici, nous sommes à la périphérie des domaines de la noix de Grenoble, où à St Marcellin on ne fait pas que des fromages et où les noyers sont alignés sur des kilomètres, comme pour partir à la guerre.
Puis, la route remonte un peu…
…pour passer devant la chapelle de St Jean-Fromental et son petit cimetière. Le site est plein de grâce. La chapelle est connue depuis l’époque romane, ayant appartenu durant des siècles aux Antonins de St Antoine-L’Abbaye. Le portail est roman, mais la chapelle a été transformée avec le temps. Elle est néanmoins classée Monument Historique. Une vielle cloche du XVème sonne encore les offices les dimanches d’été.
Plus loin, la route monte encore sur près d’un demi-kilomètre pour atteindre le sommet des collines surplombant St Antoine-L’Abbaye.
Au sommet de la colline, un chemin de terre caillouteux remplace le goudron et le chemin redescend sur le flanc de la colline, de l’autre côté.
Ici, la campagne est bucolique à souhait. On y voit même pousser de la vigne au milieu des noyers et des grandes prairies.
Plus bas, la route goudronnée reprend ses droits, serpente et oscille au milieu des fermes.

Dans la région, les petites collines se succèdent, et la route ondule entre elles.

Peu après, encore une montée très légère sur une route qui hésite entre le gravier et le goudron…
…pour rejoindre le lieudit L’Enclos, à deux pas du terme de l’étape.
Peu après, la route, en mauvais état, passe devant un self-service de fruits et de légumes.
Depuis la ferme, un chemin caillouteux amorce la descente vers St Antoine-l’Abbaye.
La descente est assez raide. On aperçoit alors l’abbaye au fond du vallon et le chemin, que l’on a épierré sans doute, gagne le bourg.
On est d’emblée frappé par la grandeur imposante du site.
Le parcours passe dans les jardins de l’abbaye, aujourd’hui un grand parc public L’abbaye comprenait un grand énorme complexe de bâtiments, dont la maison de l’abbé, le grand cloître, le réfectoire, les bibliothèques, l’infirmerie, l’écurie et les jardins. Tous ces lieux ont profondément été remaniés au cours des XVII et XVIIIème siècles, avant le déclin des Antoniens.
A l’entrée du bourg, on passe devant l’Office du Tourisme et la Maison du Tourisme et du Patrimoine.
En passant un portique dressé dans une maison baroque, on atteint la grande place rectangulaire et ombragée, où se perdent, discrets, les cafés et de petites boutiques, le long des bâtiments annexes de l’abbaye.
Le chevalier Jocelin de Châteauneuf aurait été guéri par St Antoine et pour le remercier serait parti en Terre Sainte pour ramener ses reliques. Le pape ordonna par la suite que les reliques soient déposées dans un lieu favorable au culte et on mandata les moines de l’abbaye de Montmajour, près d’Arles, pour garder les reliques. En 1088, les moines débutèrent la construction de l’abbaye à St Antoine et y déposèrent les reliques du saint. C’est sur ces faits que débuta l’épidémie du “feu sacré”, une terrible gangrène causée par l’ergot de seigle. Nous avons déjà relaté cette histoire dans l’étape précédente, et qui fut la base de départ des Antonins et de leur église. Reportez-vous-y. Vous pouvez aussi vous reporter à l’étape qui va de Auvillar à Lectoure sur la Via Podiensis, où les Antonins y avaient aussi établi leur ordre.

En 1191, un différend oppose les Bénédictins et les Antonins, qui coexistent, à propos des quêtes. Les Antonins voudraient une chapelle qui leur soit propre, mais les Bénédictins s’y opposent. La religion, cela toujours été aussi une affaire de gros sous et de pouvoir. Les Bénédictins se mettent alors à agrandir l’église, et les Antonins reçoivent de l’archevêque de Vienne la possibilité de construire, eux aussi, une église, mais de dimension modeste. Alors les Antonins prennent progressivement de l’amplitude. À la fin du XIIe siècle, ils ont déjà neuf commanderies dans le Dauphiné, et même jusqu’en Hongrie. Au début du XIIème siècle, les Antonins deviennent indépendants des Bénédictins, et le pape leur impose la règle des chanoines de saint Augustin. Ils construisirent alors un grand hôpital, qui fut abandonné et détruit par la suite. Les différends entre les Bénédictins et les Antonins vont alors crescendo. Les Bénédictins modifient encore la grande église, mais leurs travaux sont arrêtés quand ils quittent Saint-Antoine, chassés par des hommes en armes levés par les Antonins. Ces derniers deviennent alors maîtres des lieux. On se bat alors comme des chipies pour savoir si les reliques du saint sont vraiment ici ou à Arles. Le pape Boniface VIII tranche l’affaire, dédommage les Bénédictins et érige le prieuré de Saint-Antoine en abbaye en 1297. On se met alors pendant plus d’un siècle à la reconstruction de l’abbaye, qui aura ainsi plusieurs styles de construction. Vers 1400 on voûte la nef. Puis, pendant des siècles, on modifie l’édifice, à la suite des Guerres de Religion, puis de la Révolution française.

A la fin du XVIIIème siècle, aucun novice français n’entre plus à l’Abbaye. L’ordre n’attire plus. En 1777, le déclin est définitif, grâce à la disparition de la maladie du du “feu sacré”. Le cloître et le réfectoire sont démolis, et le monastère et ses biens sont transférés à l’ordre de St Jean-de-Jérusalem. Les Hospitaliers ne vont pas rester longtemps à Saint-Antoine. Ils vendent les bâtiments qui ne leur sont pas nécessaires, confient à la ville les hôpitaux administrés par les Antonins. Puis, les chanoinesses de l’ordre s’y installent et assistent au démantèlement des richesses de l’abbaye qu’elles doivent quitter en 1792. Les bâtiments sont vendus comme biens nationaux. Le trésor de l’abbaye est mis sous scellés. En 1826, Jean-Claude Courveille achète une partie de l’abbaye pour presque rien et y fonder une école. Il fallut attendre 1840 pour que Prosper Mérimée classât l’église abbatiale. Aujourd’hui, on y pratique occasionnellement des offices, l’église étant rattachée au diocèse de St Marcellin.

Globalement, l’abbaye ressemble à un ouvrage de style gothique flamboyant, mais avec d’autres styles plus mixtes. C’est tout de même un édifice imposant et remarquable. Elle est bien évidemment classée au titre des Monuments Historiques. Le portail sculpté est magnifique. Au fond de la nef très élevée, l’autel contient les reliques de St Antoine le guérisseur. La façade, le parvis, le portail monumental et le grand escalier méritent une mention spéciale.
Et que dire des peintures murales ? On les croirait plus antiques qu’elles ne le sont en réalité. Mentionnons aussi l’orgue imposant du XVIIème siècle, et, le trésor des Antonins dans les sacristies de l’église.
Depuis le parvis de l’église, on voit le vieux village en dessous au-dessus de la rivière de Furand.
Une grande partie du village, sous l’abbaye (1 millier d’habitants), est de structure médiévale, avec ses ruelles tortueuses, ses maisons anciennes, certaines remontant au XIV– XVème siècles. Certaines maisons sont simples, faites de moellons, d’autres à colombages. Dans le bourg se voient encore d’anciennes échoppes et des halles.
On trouve tous les commerces dans le bourg. Ce n’est pas notre habitude de faire de la publicité pour les logements, mais si vous n’avez jamais eu l’occasion de dormir au sommet des arbres, vous pouvez le faire ici. Les cabanes de Fontfroide sont situées à environ 2 kilomètres du bourg dans la forêt. Pour y aller, on vous expliquera par téléphone le chemin à suivre et comment rejoindre la Via Adresca le lendemain. Mais, comme au départ le chemin est commun, vous pouvez voir le début du parcours sur l‘étape suivante. Les cabanes sont au milieu des fûts de châtaigniers longilignes. Ici, le service est exceptionnel. A heures précises, on vous servira par une corde accrochée à une poulie votre apéritif, votre repas, et votre petit déjeuner. Etrangement, les cabanes ne bougent pas beaucoup, sauf quand le vent se lève et qu’alors on le sentiment d’être un peu sur un bateau.

Logements

 

N’hésitez pas à ajouter des commentaires. C’est souvent ainsi que l’on monte dans la hiérarchie de Google, et que de plus nombreux pèlerins auront accès au site.
Etape suivante : Etape 3: De St Antoine-L’Abbaye à Mours-St Eusèbe
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